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Les voitures modernes, des ordinateurs ambulants

Les garagistes ont troqué leurs clés à molette contre des ordinateurs. A croire que coup de la panne est devenu une stratégie d’ingénieur en informatique. Avec la multiplication des fonctions de sécurité et de confort, et les micro-ordinateurs embarqués qu’elles impliquent, impossible désormais de comprendre ce qui se passe sous le capot. A moins de se munir de l’outil de diagnostic informatique adéquat. Du coup, lorsqu’une panne survient sur la route, il est de plus en plus rare qu’elle puisse être réparée sur place.

L’évolution laisse songeur: la puissance de calcul présente dans une Peugeot 607 de 2006 est comparable à celle que l’on trouve dans un Airbus A300 (sorti en 1985). En vingt ans, l’automobile s’est transformée en un gros ordinateur en déplacement.

La prochaine Lexus LS 460, une limousine de luxe produite par Toyota, embarquera 94 micro-ordinateurs, dont sept ne sont servent qu’à faire communiquer entre eux les 87 restants, par l’intermédiaire de quelque 33 kilomètres de fils électriques. Rainer Fischer, responsable administration technique pour Toyota (Suisse), explique que tous les problèmes que rencontre l’automobiliste «numérique» proviennent de là: «Les microprocesseurs sont fiables, dit-il, mais la difficulté réside à les faire communiquer entre eux pendant qu’ils gèrent des centaines de fonctions, certaines étant exclusives des autres.»

Malgré cette complexité, les statistiques de dépannage du TCS ne font apparaître la première panne d’origine électronique qu’à la huitième place (avec environ 8000 interventions pour des défaillances d’allumage électronique sur un total de 380’000). «Avec la complexité électrique et électronique des voitures actuelles, les pannes de ce type sont en augmentation, explique Stephan Müller, attaché de presse au TCS. Mais les pannes d’allumage ne sont pas directement liées à la quantité de microprocesseurs ou le multiplexage.»

L’électronique ajoute de la sécurité, et du confort. Mais elle rend les pannes plus complexes. Et le nombre de pannes réparées sur place par le TCS ne cesse de baisser. Remorquer la voiture jusqu’à un garage équipé du matériel informatique devient de plus en plus fréquent.

Les constructeurs ont entamé une course technologique. «Chacun veut avancer un argument qui le différenciera des autres», résume Rainer Fischer de Toyota. Pour qu’une voiture consomme et pollue moins, il faut un système d’injection dosant le mélange air/carburant avec la précision d’une balance de laboratoire pharmaceutique.

Pour que les airbags ne se déclenchent qu’en cas de grave danger, il faut différents capteurs qui indiquent à un microprocesseur quelle est la vitesse de ralentissement, si les roues tournent ou non, s’il s’agit d’un choc frontal, de côté ou arrière… Tout cela alors que la climatisation doit maintenir la température à 21.5° à gauche, et à 23° aux pieds du passager.

Pour que la voiture assure ses fonctions de base – démarrer, rouler puis freiner – les fabricants ont hiérarchisé l’information afin que la gestion des fonctions de confort ne vienne pas perturber celle de l’ABS, par exemple. Ensuite, il a fallu simplifier l’architecture électrique des voitures pour que plusieurs informations pertinentes soient transmises par un seul fil, et non plus un fil par information.

Eric Dequi, responsable de l’architecture électrique/électronique chez PSA Peugeot Citroën près de Paris, explique que c’est l’application du multiplexage qui a permis ce bond technologique. Des 60 fils nécessaires à la fourniture d’information à un tableau de bord de Peugeot 306, une voiture lancée au début des années 90, il n’en reste que quatre sur une 307, commercialisée sept ans plus tard. «Globalement, la fiabilité des microprocesseurs est bonne, dit-il. Ce sont les logiciels qui créent 60% des pannes, parce qu’il n’existe pas aujourd’hui de standard pour la structure électronique.»

Afin d’assurer la fiabilité, la multiplication des fonctions signifie que de nouveaux microprocesseurs doivent se charger de vérifier le bon fonctionnement de microprocesseurs plus petits, ainsi que leur communication correcte. Comme l’explique Eric Dequi, on dépasse ici les capacités de vérification de l’être humain et, puisque l’automobile offrira encore davantage de fonctions à l’avenir, les fabricants doivent collaborer entre eux afin de simplifier autant que possible leur architecture électronique. Aussi pour simplifier le travail des garagistes qui doivent, pour chaque marque, acquérir l’équipement de diagnostic informatique adéquat.

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Le multiplexage, comment ça marche

Le multiplexage consiste à transporter plusieurs informations à travers une seule infrastructure, un seul fil électrique. Cette technologie, utilisée depuis plus de 20 ans dans l’aéronautique, consiste à numériser les signaux et à les transmettre par paquets, depuis différentes sources, en direction d’un même microprocesseur, qui se charge de les transmettre à leur destination finale.

Le multiplexage augmente considérablement la fiabilité des automobiles puisqu’il simplifie énormément l’architecture électrique, réduisant le nombre de faisceaux, ou connexions, de 40%. Il n’offre qu’un gain de poids mineur, de l’ordre de cinq kilos par véhicule, en revanche il permet de faire un diagnostic précis de chaque fonction. Chaque capteur envoie à l’unité centrale son statut, et lors du passage chez le mécanicien, la voiture transmet toutes ses données à une centrale de diagnostic, où le mécanicien peut vérifier le bon fonctionnement de la moindre ampoule connectée.

PSA Peugeot Citroën fut le premier, dès les années 1990, à équiper certaines de ses XM d’une architecture multiplexée. C’est grâce à cette technologie qu’il est possible d’avoir aujourd’hui différentes informations de voyage affichées au tableau de bord, d’indexer la mise en marche de l’essuie-glace arrière au passage de la vitesse, par temps de pluie, ou d’allumer automatiquement les feux dès que le capteur de pluie démarre les essuie-glaces…