LATITUDES

Satiété des riches, satiété des pauvres

Les riches se tournent du côté des solutions trouvées par les pauvres pour tromper la faim. Un cactus de Namibie pourrait gonfler les bénéfices de l’industrie pharmaceutique en se présentant comme le remède miracle contre l’obésité.

Paradoxalement, la lutte contre l’obésité a généré un énorme marché pour des produits alimentaires consommés par des personnes cherchant à maigrir. Des milliards ont déjà été dépensés pour l’achat de produits «light», «low fat» ou «low carb». Ils appartiendront peut être bientôt au passé.

Les grandes marques mettent en ce moment tout leur poids dans la recherche de nouveaux aliments qui devraient non plus alléger les assiettes, mais procurer un état de satiété.

Le terme «satiété» va faire son entrée prochaine dans le vocabulaire du consommateur soucieux de son poids. Il est déjà dans la bouche de tous les spécialistes qui évoquent la nutrition de demain.

Werner Bauer, le nouveau pape des papilles de Nestlé, estime que le contrôle du poids deviendra l’axe de développement important des recherches ces prochaines années: «Il faut réellement comprendre ce qui provoque la prise de poids. Au-delà du fait que l’on grossit si on absorbe plus d’énergie qu’on en dépense, il faut identifier ce qui provoque la sensation de satiété.»

Même son de cloche chez Danone, General Mills ou Unilever, les concurrents de la multinationale suisse. Chaque entreprise va débarquer avec sa propre solution pour la satiété. Fibres et protéines sont en général présentes dans ces solutions. Les profits potentiels sont énormes. 7,6 milliards de dollars annuels sont engrangés par la vente de «produits minceur».

«Les grandes compagnies alimentaires décident quelle sera la prochaine nouvelle tendance et la satiété semble être celle qui s’impose en ce moment. Pour quelqu’un qui essaye de perdre du poids, un produit qui lui promet une «satisfaction durable» est quelque chose de très alléchant», commente Simone Baroke, analyste chez EuroMonitor, le célèbre institut d’étude de marché («Fat chance for food firms. Satiety is the new buzz word for slimmers», Sunday Times, 1er octobre 2006).

Se référer à la satiété, c’est prendre le contre pied de la notion de régime. Lorsque l’on pense régime, on l’associe à de la privation et non à la satisfaction, comme c’est le cas lorsqu’on évoque la satiété. Aux Etats-Unis, depuis le début de l’année, d’innombrable produits garantissant la satiété sont déjà sur le marché.

Le cactus hoodia ne se trouve pas sur les rayons des supermarchés, mais dans la nature. Depuis des lustres, son jus, consommé par les chasseurs San d’Afrique australe, leur permet de tenir des jours sans boire ni manger.

Le principe actif de ce cactus a été breveté en 1995 sous le nom de P-57 par le Conseil sud-africain de la recherche scientifique et industrielle (CSIR). Depuis, ses droits d’exploitation ont été vendus à Phytopharm, une firme britannique qui les a cédés au laboratoire américain Pfizer, lequel les a revendus.

Aujourd’hui, c’est Unilever et Phytopharm qui s’apprêtent à lancer un produit amaigrissant miraculeux à partir du cactus garantissant la satiété.

Un des peuples les plus affamés de la planète va-t-il aider les obèses à se soigner? «Nous avons commencé par être furieux», explique un chef San, «d’autres deviendront riches et nous resterons pauvres. Maintenant, nous prions pour que le produit connaisse du succès et que nous en bénéficions tous.»

Le succès risque d’être bien éphémère. Les scientifiques non liés au lobby alimentaire ne le cachent pas, le surpoids ne dépend pas de ce que l’on mange, mais de quand et combien et, surtout, de pourquoi.