Les Suisses sont de plus en plus nombreux à utiliser ces machines à bronzer, qui peuvent présenter un danger pour les usagers non avertis.
Par ce vent glacial de novembre, les locaux du solarium MySun de la place Chauderon, à Lausanne, dégagent une agréable chaleur. Les palmiers en plastique et les photos de plages idylliques sont là pour faire oublier les températures hivernales qui sévissent dehors.
Le décor, tout en blanc et turquoise, est certes un peu clinique, mais les gens qui fréquentent ce lieu ne s’y attardent guère, préférant se glisser le plus rapidement possible entre les deux couches de lampes ultraviolettes.
Il s’agit en effet d’un établissement self-service — il en existe environ 400 en Suisse — où les clients peuvent s’offrir quelques minutes de soleil artificiel sans prendre rendez-vous et en dehors des heures d’ouverture traditionnelles des centres de beauté.
A partir de 5 francs déposés dans l’automate, les visiteurs ont le choix entre une dizaine de cabines, proposant des intensités de rayonnement différentes, ainsi que toutes sortes de prestations complémentaires: des lampes vertes source de «wellness», des diffuseurs de senteurs, une ventilation spéciale, etc.
Virginie, 25 ans, qui vient de pousser la porte de l’institut, dit apprécier le solarium self-service avant tout pour ses horaires élargis, «de 7 h à 22 h». Mais aussi pour les prix «meilleur marché qu’ailleurs».
Elle se place sous les lampes UV environ une fois par semaine «pour qu’on ne me demande pas tout le temps si je suis malade». Isabelle et Louisa, 25 et 29 ans, ont des motivations similaires. «On aime pouvoir y aller quand on veut, surtout quand on a une sale tête en hiver», disent-elles en chœur.
Quant à Jonathan, un Norvégien de 20 ans qui ne pratique que le solarium automatique, il «préserve son bronzage de l’été» grâce à une visite hivernale hebdomadaire.
Le profil type de l’usager de solarium self-service est âgé de 20 à 30 ans et fréquente l’établissement en soirée, après le travail, ou le dimanche après-midi.
«Mes clients aiment pouvoir venir bronzer sans que cela se sache, en toute discrétion, explique Claude Kanat, cogérante du solarium self-service EasySun à Genève. Ils préfèrent dire à leurs amis que leur hâle est naturel, qu’ils sont allés à la montagne le week-end dernier.»
A l’inverse, les usagers plus âgés choisissent plutôt les établissements classiques, plus chers mais dotés d’un service de conseil à la clientèle, voire d’une esthéticienne. «A partir d’un certain âge, les gens font moins confiance à la technologie, ils ont peur des machines», dit Claude Kanat.
Les motivations divergent également. Les 20-30 ans recherchent surtout une sensation de bien-être ou à se donner un léger hâle, contrairement à leurs aînés portés sur le bronzage plus marqué. «Dans les années 80, la mode était d’être bronzé comme du cuir. Aujourd’hui, la moitié de mes clients viennent avant tout pour emmagasiner de la lumière et se sentir bien, relève Uli Siegenthaler, le gérant du MySun du quartier de La Sallaz, dans les hauts de Lausanne.
Sandra, 26 ans, confirme: «Je ne cherche pas à être bronzée, je veux juste avoir bonne mine et me relaxer.» Les gains en temps et en argent jouent aussi un rôle non négligeable auprès de ce public jeune. «Le solarium automatique a ouvert cette pratique à toutes les couches de la population, aux hommes, aux étudiants», note Gerry Tschopp, patron de la société Sun Consulting, qui livre et entretient des appareils pour solariums. Lui-même est confronté à une forte hausse de la demande pour les appareils self-service «depuis deux ou trois ans».
Mais cette nouvelle forme de solarium n’est-elle pas dangereuse? «Nos minuteries sont bloquées sur 40 minutes maximum, nous n’avons jamais eu de problèmes de brûlures, répond Uli Siegenthaler. La plupart des gens savent très bien ce qu’ils font. Ils restent en moyenne dix minutes sous les UV, 20 pour les habitués.»
L’établissement affiche en outre des panneaux informatifs sur les types de peau et le temps d’exposition recommandé et dispose d’une ligne téléphonique permanente pour répondre aux questions ou aux urgences. Le dispositif est le même chez EasySun. «Nos machines sont limitées à 20 minutes et les gens sont assez prudents», dit Claude Kanat, qui reconnaît tout de même avoir vu des clients faire deux sessions de 20 minutes à la suite.
Ces précautions n’empêchent pas les autorités de s’inquiéter des effets néfastes du solarium sur la santé des Suisses. L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a ainsi publié un rapport en mai dernier pour demander que le Conseil fédéral légifère sur ce sujet.
Actuellement, les solariums ne sont réglementés que par une série de normes de qualité — applicables à tous les produits électriques — et qui ne valent qu’en amont, avant leur introduction sur le marché. «On contrôle l’objet, mais pas son utilisation une fois qu’il est mis en circulation, déplore Mirjana Moser, de l’OFSP.»
Un phénomène encore renforcé par les self-services où les contrôles font défaut. Le fichier de clients affiché chez MySun en atteste: les années de naissance 1988 et 1990 y figurent. L’OFS propose donc d’interdire l’accès des solariums aux mineurs, d’obliger leurs propriétaires à afficher des informations sur les dangers des rayons UV et les temps d’exposition à respecter et d’exiger que le personnel dispose d’une formation professionnelle.
