C’est la saison des bulles. Comment choisir adéquatement son mousseux? Conseils, et sélection de quelques maisons de choix, et de millésimes d’exception.
Dans ce monde de bulles festives, soyons définitivement perso. Du péteux pour Grand Prix de Formule 1, il y en a, il y en aura toujours. Des mousseux, des crémants, des proseccos, des pétillants, des spumantes, pareil. Avec même le risque, plus rare, de tomber sur des vins de qualité.
Mais si on veut du champagne, et du bon, il doit venir de Champagne, de nulle part ailleurs, et savoir se tenir aussi bien à table qu’au bar. Et là, pas de miracle, il faut en payer le prix.
Les grandes maisons, on dirait presque les majors pour faire moderne, inondent le marché de produits convenables (c’est bientôt Noël, soyons gentils) et de cuvées de prestige. A chacun d’y trouver son bonheur selon ses goûts et ses aspirations. Il faudrait quand même suivre quelques préceptes pour éviter les désillusions.
Comme tout autre vin, on devrait déguster son champagne avant de l’acheter. Difficile dans les grandes surfaces, sauf promotion particulière, plus fréquent dans les maisons de vin. Sinon, se fier à une marque qui nous a plu. Ensuite, il faut se méfier d’un prix trop modique comme d’une moule qui ne s’ouvre pas.
Enfin, sachant que le champagne, plus que tout autre vin, craint et la chaleur et la lumière, on évitera de le choisir là où il trône bien droit sur son cul (de bouteille) et depuis des jours en plein néon. Quitte à demander une bouteille éventuellement mieux protégée, planquée dans la réserve ou à opter pour un flacon protégé dans une boîte cylindrique: certaines marques, comme Nicolas Feuillatte, ont adopté cette formule depuis des années.
Sachez encore qu’un champagne millésimé doit être élaboré avec les raisins de l’année citée, qu’un blanc de noir est obtenu avec des cépages rouges (pinot noir, pinot meunier) immédiatement pressés pour éviter qu’ils ne prennent couleurs, un blanc de blanc de chardonnay pur, et un rosé généralement par adjonction de vin rouge à l’assemblage originel.
Enfin, la note perso, ou plutôt les notes, celles prises à l’occasion de dégustations récentes. Trois champagnes en émergent, exceptionnels, envoûtants, bien typés, expressifs, dignes, vraiment, de ces fêtes (et des autres).
Il y a, d’abord, ce brut nature, c’est-à-dire sans ajout de sucre, à base de pinot noir, uniquement, à teneur de soufre minimale, dégusté un soir de folie chez Nicolas Le Bec, à Lyon, signé Drappier, une maison qui conquiert progressivement le marché suisse avec des cuvées renversantes. Tout en fraîcheur, ce brut nature offre un nez de petits fruits avec des notes de coing et d’épices en bouche. Une pure merveille qui pourrait accompagner tout un repas.
Chez Drappier, septante-cinq hectares de vignoble, on procède encore à la prise de mousse, au remuage manuel et au dégorgement de chaque bouteille prise individuellement, détails techniques moins importants que le credo de la maison qui ne cherche pas l’homogénéité à tous crins, au contraire: chaque cuvée doit pouvoir s’exprimer.
Dans la gamme, on en relèvera trois particulièrement remarquables: la Grande Sendrée 1999, un champagne riche et élégant qui peut accompagner tout un repas, sa version 2000 (année exceptionnelle) en rosé et le blanc de blancs 1995, un trio à prix relativement modestes pour une telle qualité (une cinquantaine de francs).
Du côté de Lanson, l’émotion est née, un soir de célébration, du mariage de sa Noble Cuvée 1981 et d’un agneau du Haut-Valais, ou plutôt d’un rack et d’un navarin minute du délicieux animal. Il y avait dans la rencontre de ce vin ample et suave, toasté et miellé, long en bouche avec une belle amertume en finale, et de cette viande tendre et goûteuse, joliment relevée, quelque chose de magique, d’extra-terrestre et de sublime.
Comme si, soudain, le champagne prenait une nouvelle dimension. Il n’y a peut-être plus de flacon de cette cuvée millésimée, du moins sur le marché, mais on peut se dire qu’une maison qui réussit pareil miracle, une fois, doit pouvoir le répéter. On trouvera donc son bonheur déjà parmi les Intemporelles, signatures de la maison en différentes variantes, mais encore mieux parmi les millésimés aujourd’hui disponibles, dont les plus prestigieux 1976, 1988 et 1990.
Krug, enfin, qu’on ne présente plus, a lancé, peu avant l’été, son grand millésime 1995. Comme chacun sait, l’événement est exceptionnel car il n’a lieu que les années…exceptionnelles. Selon Rémi Krug, il rappellerait le 1969 et le 1979 que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, mais on en célébrait déjà la maturité et la délicatesse.
Nez de fleurs blanches, bouche de miel et d’amandes, riche finale et fraîcheur délicate, cet fin assemblage de chardonnay et de pinot noir relevé d’une pincée de pinot meunier résument une assez belle année 1995. On peut le boire là, maintenant, et certainement dans vingt ans, aussi.
