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La difficile traque du Suisse moyen

Les enquêtes et sondages décrivent une population suisse vieillissante, animée d’un fort sentiment religieux, et d’une méfiance envers le fédéralisme. Portrait robot.

Sympathisant radical, peu attaché au fédéralisme, plutôt religieux et vieillissant. Voilà le portrait robot, pas très exaltant et un peu contradictoire, du Suisse moyen, tel qu’il apparaîtrait si l’on prenait au sérieux les quelques enquêtes d’opinions et études statistiques rendues publiques ces derniers jours.

C’est d’abord le politologue Georg Lutz qui a passé au microscope les résultats des élections fédérales 2003 pour la «Revue suisse de science politique» et a comparé les scores obtenus par les partis avec ceux auxquels ils auraient pu prétendre, au vu de leur potentiel de sympathisants naturels.

Résultat des courses: l’UDC avec ses positions claires et carrées notamment sur l’Europe et l’asile est la formation qui aurait réussi le mieux à faire le plein de ses supporters. A l’autre extrémité, les radicaux ne seraient parvenus à mobiliser que la moitié de leurs troupes supposées. Conséquence: pour le scrutin de 2007, c’est le PRD qui a la plus grosse marge de progression et l’UDC la plus faible.

Une autre étude, un sondage plutôt, mené par Perpsective suisse auprès de 2000 Suisses, a fait apparaître une tendance majoritaire à la centralisation jacobine, contre les particularismes cantonaux. Avec clairement exprimé et partagé un désir d’uniformisation de secteurs et de pratiques comme l’impôt sur la succession, l’impôt sur les hauts revenus — la fameuse concurrence fiscale entre les cantons — ainsi que les tarifs des amendes d’ordre et des primes d’assurance maladies, pouvant varier d’un canton à l’autre du simple au double.

Une méfiance donc certaine face au génie de la mosaïque suisse, ses 26 gouvernements cantonaux souverains, méfiance qui s’était déjà manifestée avec l’acceptation l’an dernier en votation populaire d’une uniformisation des systèmes scolaires.

Comme si, de plus en plus, le Suisse moyen avait peur d’être prétérité par rapport à son plus proche voisin s’empiffrant et se gobergeant de l’autre côté de la frontière cantonale. Bref, une méchante pierre dans le jardin de la solidarité confédérale.

Le décompte annuel de l’Office fédéral de la statistique concernant la population est moins surprenant: elle vieillit, cette population, avec depuis 2000, une tranche des plus de 65 ans qui est passé de 15,4% à 16,2%, tandis que les moins de 20 ans baissaient de 23,1% à 21,7% et les 20-35 ans connaissaient un semblable déclin, de 28,9% à 27%.

Avec, en sus, un taux de natalité insuffisant pour renouveler les générations (1,4 enfant par femme quand il en faudrait 2,1), la population aurait dû logiquement diminuer. Mais elle a augmenté, en 2006, de 48’000 personnes pour atteindre les 7,5 millions.

Les trois quart de cette augmentation sont dus à l’immigration et seul un quart au maigre solde positif des naissances par rapport aux décès. Bref, si on ne devait compter que sur la population installée (suisses de souche, naturalisés ou résidents étrangers permanents), l’élan démographique serait au point mort.

Enfin, un sondage réalisé par MIS Trend pour le compte d’un tabloïd religieux proche des évangélistes révèle que 1 suisse sur 5 a vu son intérêt pour les questions religieuses croître ces trois dernières années.

Et surtout que trois quarts des confédérés se prononcent pour le maintien de l’enseignement religieux à l’école. Avec cependant un joli röstigraben au fond de la sacristie: ce pourcentage tombe à 55% en Suisse romande. L’avènement d’une société mécréante, sans foi ni loi, redoutée et annoncée à tous les coins de rue, ne semble pas pour aujourd’hui ni pour demain

L’ennui, avec ce genre de photographie globale et instantanée, c’est que personne ne s’y reconnaît vraiment. Et que chacun aurait plutôt tendance à y reconnaître les autres.

Par exemple, vu par la petite lorgnette romande, ces quelques caractéristiques (retraité, votant radical, méfiant face aux diversités et minorités confédérales, habité par un sentiment religieux diffus mais puissant, à la sauce évangéliste) semble rappeler quelque chose. Et ferait presque naître l’odieux soupçon que le Suisse moyen reste quand même très zurichois.