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Le détecteur de mensonges sur internet

Françoise est revenue dépitée de son premier rendez-vous avec son ami rencontré sur internet. «Il m’avait dit qu’il était grand, or il est plus petit que moi. Je ne suis pourtant pas très grande…» Leur relation vieille de trois mois ne survivra pas au e-mensonge de Stéphane. «D’ailleurs, je suis persuadée que ses e-mails en contenaient bien d’autres», poursuit la jeune femme en colère.

Mentir au sujet de sa taille serait, sur internet, le mensonge masculin le plus fréquent alors que du côté féminin, on ment surtout à propos du poids. Voilà l’une des nombreuses trouvailles que l’on doit à Jeff Hancock et son équipe.

Ces chercheurs de la section Computer-Mediated Communication Research Laboratory de l’Université Cornell, dans l’Etat de New York, ont analysé des dizaines de milliers d’e-mails. Certains contenant uniquement la vérité, d’autres des mensonges.

Ils ont pu identifier les signes qui indiquent qu’une personne ment dans son courrier électronique. Un logiciel de détection de mensonges pourrait être commercialisé dès 2008. Contrairement à ses ancêtres qui se fondaient sur des signes physiologiques, ce «digital polygraph» se contente d’analyser le texte d’un message suspect.

Avec son aide, la police new-yorkaise espère pouvoir attraper plus facilement les fraudeurs et les pédophiles. Ce logiciel pourrait également venir au secours des employeurs à même de repérer les messages d’employés feignant la maladie pour éviter de venir travailler. Dans le privé, les usagers des sites de rencontres, à l’image de Françoise, repéreraient les Pinocchio avant de les rencontrer.

Mais quels sont les signes incitant à la méfiance? La longueur du message, l’usage de la troisième personne, des termes négatifs liés aux émotions et l’absence de phrases causales sont les plus flagrants.

Plus l’e-mail est long, plus la probabilité qu’il contienne un ou des mensonges est grande. «Les e-mails qui masquent un mensonge contiennent, en moyenne, 28% de mots de plus que les messages disant la vérité. Quand vous mentez, vous essayez de fournir une histoire crédible et donc vous donnez plus de détails, vous êtes dans un mode persuasif», précise Jeff Hancock.

La conjugaison à la troisième personne est très utilisée par les menteurs. L’absence de «je» constitue un signal d’alarme. Ne pas oser faire usage de la première personne du singulier, c’est souhaiter prendre de la distance par rapport à un discours que l’on peine à endosser.

Le sentiment de culpabilité qui habite les menteurs les conduit à faire appel à des termes liés à des émotions négatives: «c’est triste», «quel dommage», «pas de chance», «quel poisse!».

Enfin, ils évitent les phrases causales dans leurs explications.

Sachant cela, il est difficile de pas jouer les détectives et ne pas tenter de repérer dans son courriel les indices mis en évidence par Jeff Hancock. D’autant plus qu’il prétend qu’«il y a mensonge dans un quart des messages sociaux circulant sur le réseau.» Un pourcentage nettement inférieur cependant à celui des conversations téléphoniques.

Des détecteurs de mensonges basés sur l’analyse de la voix ont déjà été commercialisés. Et lors des élections américaines de 2000, le logiciel Handy Truster avait vérifié la sincérité des promesses des deux candidats. Le nez de Bush était deux fois plus long que celui d’Al Gore.

Quant aux légendes urbaines qui circulent sur internet, elles peuvent être débusquées sur Hoaxbuster.

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* Hancock, J.T., Toma, C., & Ellison, N. (2007). The truth about lying in online dating profiles. Proceedings of the ACM Conference on Human Factors in Computing Systems (CHI 2007).