KAPITAL

Barry Callebaut à la conquête du marché russe

Leader mondial des produits à base de cacao, le groupe de Klaus Jacob prépare l’ouverture de sa première usine dans la région de Moscou. La compagnie vise le segment du haut de gamme.

L’entreprise Barry Callebaut s’apprête à ouvrir son premier site de production sur le territoire russe. Le leader mondial des produits à base de cacao a commencé en avril dernier la construction d’une usine ultramoderne à 60 kilomètres de Moscou, à Chekhov. Son entrée en service est prévue dans le courant de cette année. Elle représente un investissement total d’environ 25 millions de francs et emploiera quelque 70 personnes.

Avec un volume de ventes annuelles qui dépassait les 4 milliards de francs lors du dernier exercice fiscal, Barry Callebaut se situe dans le segment du haut de gamme et maîtrise tout le processus de transformation du chocolat.

La compagnie fondée par Klaus Jacobs (lire ci-dessous) s’est imposée dans le commerce de la fève de cacao. Elle vend les produits cacaotés de base pour la fabrication de chocolat aux multinationales comme aux artisans.

Le groupe propose aussi des services de développement de produits, de formation et de marketing. Implanté dans 25 pays avec un effectif total de 8000 collaborateurs, Barry Callebaut exploite une trentaine d’usines dans le monde.

La croissance mondiale des produits chocolatés est estimée à un ou deux pour-cent annuels. «Barry Callebaut a pour ambition de générer une progression deux fois plus élevée, révèle Gaby Tschofen, porte-parole du groupe. En Occident, les marchés sont mûrs. Pour atteindre cet objectif, nous devons nous implanter sur les marchés émergeants pour bénéficier de leur croissance.»

«De toute l’Europe, la Russie est de loin le marché au plus grand potentiel, déclarait récemment Patrick de Maeseneire, CEO de Barry Callebaut devant la presse. L’analyste international des marchés Euromonitor prévoit qu’en 2009, la consommation de chocolat en Russie dépassera celle du Royaume-Uni.»

Barry Callebaut est actuellement le premier fournisseur de chocolat à l’industrie en Russie. Les produits proviennent de son usine polonaise. Les ventes de denrées cacaotées de base aux grandes entreprises, ainsi qu’aux chocolatiers et pâtissiers indépendants ont presque quadruplé entre 2000 et 2005.

«Dans la mesure où les principaux clients de Barry Callebaut, comme Danone, Nestlé ou les biscuits Canterbury sont déjà sur place, il était logique que le groupe y ouvre aussi usine. La firme suit simplement ses clients», note James Amoroso, analyste financier chez Helvea.

Le marché russe devrait ainsi être profitable pour Barry Callebaut dès l’ouverture de l’usine car la clientèle existe déjà.

«Au niveau stratégique, Barry Callebaut privilégie toujours la prudence. C’est seulement une fois que les produits ont déjà trouvé des débouchés que le groupe crée une nouvelle unité de production», commente James Amoroso.

«Bien sûr, la Russie est un environnement risqué, en raison notamment de la corruption et d’un cadre législatif difficile, poursuit-il. C’est néanmoins un marché très prometteur. Le commerce alimentaire de détail affiche un taux de croissance à deux chiffres. Le revenu par habitant progresse rapidement et les Russes apprécient les produits sophistiqués, comme le chocolat de qualité.»

Thomas Saulnier, analyste chez LODH, relève que «pour démarrer des activités de production en Russie, coopérer avec des acteurs locaux du même secteur est essentiel. Il est aussi très important d’avoir de bonnes relations avec l’administration locale».

Des conditions que remplit Barry Callebaut en Russie, selon Gaby Tschofen. «C’est un partenaire russe qui construit notre usine à Chekhov. Nous connaissons déjà bien le marché grâce à notre bureau de vente déjà installé sur place qui emploie des Russes. Si nous nous implantons là-bas, c’est que nous pensons pouvoir contrôler les risques.»

Toujours dans les marchés émergeants, Barry Callebaut a investi 20 millions de francs dans une usine qui se construit dans la région de Shanghai, où travailleront une centaine de personnes. «Je pense que les ventes de Barry Callebaut augmenteront plus rapidement en Russie, ajoute James Amoroso. La population y est déjà habituée à consommer du chocolat. Or ce n’est pas encore dans le cas en Chine.»

James Amoroso estime qu’en bourse, les titres de la compagnie ont une marge de progression de 20%. «En comparaison avec ses principaux concurrents Cargill et ADM, deux groupes américains, Barry Callebaut a le meilleur réseau de production mondial. Il a aussi un fort avantage compétitif car, contrairement à ses rivaux, l’ensemble de ses activités sont orientées vers le chocolat.»

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Klaus Jacobs, capitaine d’industrie

Fondateur et actionnaire majoritaire de Barry Callebaut, Klaus Jacobs a marqué de son empreinte l’économie helvétique de ces vingt dernières années. Il est issu d’une dynastie d’entrepreneurs allemands de Brême qui a fait fortune dans le café.

En 1970, âgée d’à peine 34 ans, il reprend l’entreprise familiale. Trois ans plus tard, il décide de transférer le siège de la société de Brême à Zurich. Puis en 1982, sa compagnie fusionne avec Interfood, le groupe des marques Toblerone, Suchard et Milka. La nouvelle société s’appelle Jacobs Suchard et fera l’acquisition de la célèbre marque belge Côte d’Or.

En 1990, l’homme d’affaires revend le groupe Jacobs Suchard au géant américain du tabac Phlipp Morris. Une opération qui rapporte près de 2 milliards de dollars à Klaus Jacobs. Et six ans plus tard, il crée un nouveau poids lourd du chocolat: Barry Callebaut. Le producteur belge de chocolat Callebaut lui appartient déjà. Il fait l’acquisition de la compagnie française Cacao Barry puis fusionne les deux entreprises.

Parallèlement, Klaus Jacobs a aussi remodelé le secteur du travail temporaire. En 1992, il utilise les fonds libérés par la vente de Jacobs Suchard pour acquérir l’enseigne helvétique Adia. Une firme que l’industriel fusionne avec l’entreprise française Ecco en 1996. La nouvelle compagnie s’appelle Adecco et devient leader mondial du travail temporaire.

C’est un mariage de raison en proie aux luttes de pouvoir entre les anciens d’Adia et l’équipe d’Ecco. L’affrontement tourne à l’avantage du clan Jacobs. A 70 ans, l’industriel revient aux commandes et cumule en 2005 les postes de directeur général et de président du conseil d’administration. Puis il cède la direction opérationnelle à Dieter Schieff.

Klaus Jacobs passe pour un meneur d’homme au caractère bien trempé. On le dit convivial en privé mais intraitable en affaires. Père de six enfants nés de deux différents mariages, il consacre une partie de sa fortune à des activités philanthropique. C’est aussi un passionné de scoutisme, généreux mécène de la World Scout Foundation.