Au milieu des mannequins dénudées, Nada Ledermann ne cesse de sourire, sincèrement euphorique devant les photographes. C’est que, la semaine dernière à Genève, elle réalisait son «rêve de toujours» en présentant sa ligne de lingerie, Shanada, lors d’un défilé chaud chaud chaud et très bien fréquenté. Une nouvelle marque sur un créneau que Nada Ledermann estime «abandonné, à tort, par les industriels suisses malgré une très ancienne tradition dans la broderie».
Après une belle carrière bancaire, cette Libanaise de 43 ans, installée en Suisse depuis plus de 20 ans, lance donc finalement sa marque. «J’ai quitté la banque en 2005 pour me mettre à mon compte, en passant deux ans à mettre au point cette collection et trouver les bons partenaires. J’y ai investi tout mon fonds de pension ainsi que mes économies.» En tout, plus de 500’000 francs pour développer la collection, acquérir les tissus et mettre en place une ligne d’assemblage. C’est l’entreprise Bischoff Textil de St-Gall qui fournit les tissus brodés très haut de gamme nécessaires à la confection.
Complétés par des rubans satinés, voire des cristaux Swarovski, les dessous sont assemblés à Genève. L’entreprise Shanada n’emploie pour l’instant que deux personnes, qui peuvent cependant assembler plusieurs centaines de pièces par mois (le stock en compte déjà 4000) grâce à des machines performantes. «Je crois au Swiss Made dans l’industrie du luxe, et la lingerie en est une, on semble l’avoir oublié. A part La Perla, il n’y a plus personne dans le très haut de gamme. Pourtant, le marché existe. Les marques délocalisent en Asie alors que nous pouvons rester compétitif en Suisse en utilisant adéquatement les machines, exactement comme dans l’horlogerie. D’autant que la broderie de St-Gall reste mondialement connue pour sa qualité.»
Pour la vente, la créatrice développe son propre réseau de boutiques dans les grandes villes de la planète. Pour l’instant, on trouve déjà la gamme Shanada à Cannes, St-Tropez, Moscou et Sao Paolo, chez des revendeurs. L’atelier de la rue Michel Chauvet à Genève fonctionne aussi comme magasin/showroom. «D’ici deux ans, nous aurons nos propres enseignes à Paris, Londres, Madrid, Barcelone, Rome et Milan. Le Moyen Orient sera couvert par un partenaire. J’y ai gardé beaucoup de contacts grâce à mon passé bancaire. Je veux faire de Shanada une marque mondiale.»
D’ici la fin de l’année, Nada Ledermann estime que l’entreprise vendra 300 pièces par mois. La ligne se décline en cinq collections. Le premier modèle (un tanga minimaliste) démarre à 80 francs, tandis que le «Top Exclusive» (un haut brodé qui peut se porter comme habit) coûte 350 francs. «Notre système breveté de bretelles croisées à l’avant se veut anatomique et confortable tout en restant sexy et sensuel, notamment grâce à l’usage des broderies et aux effets de transparence.»
Au terme du défilé, le public genevois approuvait, tout comme les photographes et les journalistes entourés de mannequins. Shanada atteindra l’équilibre économique en deux ans, estime Nada Ledermann. La marque devrait alors écouler 1000 pièces par mois dans ses boutiques.