TECHNOPHILE

La bombe anti-Google tarde à exploser

Le moteur de recherche contributif annoncé par le fondateur de Wikipedia, Jimmy Wales, bénéficie du soutien d’Amazon. Mais son décollage se fait attendre.

Jimmy Wales, le créateur de l’encyclopédie communautaire en ligne Wikipedia, a l’obsession de la majeure partie des patrons du web: passer pour un type cool. Avec Wikipedia, ça n’a pas été trop difficile. Cette fondation nourrit une ambition louable en cherchant à démocratiser non seulement l’accès à l’information mais surtout sa production et sa diffusion, puisque tout un chacun peut devenir membre de la communauté des wikipédians pour écrire, éditer ou modifier un article de la vaste encyclopédie.

Avec ses nouveaux projets, il n’est pas certain que Jimmy Wales préserve sa réputation. Il prépare le moteur de recherche Wikia (Wikia Search, qui est encore un nom de prototype), basé sur la même philosophie que son encyclopédie, c’est-à-dire sur l’open source, avec en point de mire Google, le leader du marché avec près de 60% de toutes les recherches aux Etats-Unis.

«Le pire cauchemar de Google», a titré en juin le mensuel Fast Company. Devant la presse étrangère basée à New York, Jimmy Wales jouait pourtant les conciliants: «Je connais les types de Google, ils ne m’en veulent pas». Pour l’instant peut-être. Plus exactement, Jimmy Wales souhaite lancer un moteur de recherche «transparent et neutre», en confiant à des communautés d’internautes bénévoles la sélection des résultats de recherche. Wales est encore vague sur le fonctionnement concret de ces triages. Mais des milliers de sites ont déjà été classés dans des banques de données.

Jimmy Wales vise surtout à améliorer les classements de recherche obtenus sur Google ou Yahoo, entièrement basés sur des algorithmes tenus secrets. On sait néanmoins que chez Google, les sites arrivant en tête sont ceux qui ont attiré le plus de liens. «Google n’est pas si mal», concède, bienveillant, Jimmy Wales, «mais leurs recherches sont de plus en plus polluées par du spam et des sites commerciaux».

«Je ne suis pas en compétition avec Google, poursuit-il, mais je veux pousser le mouvement de liberté sur le web.» Se poser en chantre d’un internet ouvert et gratuit a fait de Wales un héros de la toile. Wikipedia était un projet à but non lucratif, chapeauté par une fondation. Avec Wikia, c’est une autre chanson: il s’agira d’une entreprise cherchant à faire des bénéfices.

Wales a déjà levé 4 millions de dollars de capital-risque, et Amazon est l’un de ses partenaires. Le chiffre de 10 millions de dollars qui auraient été versés par la librairie en ligne a cependant été démenti, de part et d’autre. Mais l’arrivée de ce géant chez Wikia jette une ombre sur les professions de foi «démocratiques et transparentes» de Wales. «La levée de fonds est terminée», assure-t-il encore, «le reste des recettes proviendra exclusivement de la publicité». Pas question pour l’instant d’envisager une entrée en bourse.

Des analystes doutent pourtant que les internautes se montrent aussi enthousiastes à participer bénévolement à une entreprise commerciale qu’à alimenter les pages de Wikipedia. Le principal intéressé contourne la question: «Evidemment, il faut être gentil pour que les gens ne partent pas». Pas sûr que la gentillesse suffise. Annoncé par des fuites bien orchestrées en décembre, Wikia Search aurait dû voir le jour ce printemps. Visiblement, le décollage n’a pas réussi. Jimmy Wales courtise depuis les journalistes, à New York, à Tokyo et ailleurs, pour vendre son nouveau bébé. On parle désormais d’un lancement à la fin de l’année.