Faire le point. Prendre un peu de distance par rapport au quotidien pour empoigner enfin les vraies questions: et si je changeais de boulot? Et si je changeais de vie?
Longtemps réservés aux chômeurs, les bilans de compétences sont aujourd’hui très largement utilisés par les employés. «La demande a changé, observe Roseline Cisier, directrice du Centre de bilan de Genève (Cebig). Avant, la plupart des individus qui venaient nous voir étaient des personnes cherchant à se réinsérer. Aujourd’hui, nous recevons de nombreux salariés qui veulent simplement clarifier leur parcours.»
Cette clarification peut déboucher sur une réorientation radicale. «Une soignante était venue nous voir; elle est devenue libraire, raconte Edna Didisheim, psychologue du travail FSP, fondatrice du cabinet qui porte son nom. Mais nous voyons également passer des clients qui veulent tout changer en arrivant et qui, finalement, décident de rester à leur poste avec une nouvelle motivation.»
Pour coller aux nouvelles attentes, les tests se sont diversifiés. Au choix: bilans de gestion de carrière, d’insertion professionnelle, de reconnaissance d’acquis, de compétences clés…
Venues de France, ces techniques se sont multipliées depuis une quinzaine d’années et la demande a explosé. Le Cebig a dû faire face. Alors qu’il ne réalisait pas plus d’une centaine de bilans par an dans les années 90, cet organisme — créé par le canton de Genève et les organisations syndicales et patronales — en effectue désormais près de 1300.
Outre l’effet de mode, c’est la flexibilisation de l’emploi qui explique cette augmentation de la demande. «Auparavant, rappelle Roseline Cisier, les salariés conservaient davantage leur travail tout au long de leur vie». Ce qui n’est plus le cas. Face à un marché du travail plus incertain, nombreux sont ceux qui veulent savoir ce qu’ils valent, se préparent à changer, se rassurent.
Les bilans de compétences leur permettent exactement cela: entrevoir des pistes pour leur avenir. «Parfois, le seul bon sens peut suffire pour s’orienter dans sa carrière professionnelle», explique Jérôme Rossier, professeur à l’Institut de Psychologie de l’Université de Lausanne.
Mais souvent, l’assistance de professionnels s’avère nécessaire. «Certains peuvent se sentir bloqués par leur CV. Un regard extérieur est susceptible de leur montrer, par une méthode professionnelle, ce qu’ils pourraient faire au-delà de ces barrières», estime Roseline Cisier.
Exemple, Brigitte, actuellement au chômage, et qui vient de finir un bilan chez Mode d’emploi. «Lorsque l’on parle travail avec ses proches, ils nous disent toujours: « Arrête de rêver, prend ce job, il faut travailler… » Mais non! Moi je voulais trouver un emploi qui ait plus de sens social, et arrêter de travailler pour servir seulement l’appétit des actionnaires».
Encore faut-il que l’envie soit réaliste. «Il est très important de replacer les rêves dans le contexte concret du marché du travail, souligne Jérôme Rossier. Tout le monde ne peut pas être astronaute!»
Pour dessiner les contours d’un projet réalisable, en tenant compte des envies, les bilans comportent des entretiens avec un psychologue, des jeux de rôle, des exercices de mise en situation, des tests de personnalité… La durée peut varier entre une dizaine d’heures et… trois mois.
«Tout ce travail sur soi permet de voir ce dont on est capable et ce dont on a envie. Aujourd’hui, lorsque je postule pour un emploi, je sais pourquoi. Ce n’est plus simplement pour l’argent», dit Brigitte.
Risques de déception
Mais attention, le bilan de compétences peut se révéler très décevant. Lorsqu’elle a réalisé son bilan, en 2005, Christine avait la quarantaine. «Je travaillais dans une banque de la place genevoise depuis de nombreuses années. J’avais une vie agréable, un bon salaire», raconte-t-elle. Puis, elle décide de monter sa propre entreprise avec un ami. Un vieux rêve. Malheureusement, l’expérience tourne court.
«Cet échec m’a fait me remettre en question et j’ai décidé de réaliser un bilan de compétences. Le chômage m’a orienté vers le Cebig.» Christine y passe deux bilans: un classique et un dit de « compétences clés ».
«A posteriori, je pense que l’un et l’autre sont des outils très utiles, rapporte-t-elle. Mais, la manière dont ils sont appliqués est catastrophique! Les résultats sont plus accusatoires que constructifs. Je me suis sentie comme une écolière. Les responsables de mon dossier ont émis un jugement de valeur sur ma personne avec lequel je suis en total désaccord.»
Au final, Christine regrette que ses bilans ne lui aient apporté aucune réponse. Edna Didisheim justifie les méthodes appliquées: «Nous ne donnons pas de réponses, mais nous essayons de donner des pistes de réflexion nouvelles. Par exemple, transférer les compétences acquises dans les loisirs vers l’environnement professionnel.»
Avantages pour les entreprises
Si les bilans ont les faveurs des particuliers, ils séduisent également les entreprises. «Offrir des bilans d’orientation à nos employés nous permet de leur proposer le poste qui leur convient le mieux», explique Philippe Oertlé, porte-parole du groupe Nestlé
La Migros de Genève, elle, propose ce qu’elle appelle des bilans de validation d’acquis. «Pour des salariés qui ont une longue expérience professionnelle, mais pas de diplôme, ce type d’évaluation permet d’obtenir un Certificat fédéral de capacité (CFC), explique Jean-Charles Bruttomesso, le directeur des ressources humaines de Migros-Genève. Il s’agit d’une reconnaissance officielle qui va leur permettre d’augmenter leur employabilité, de bénéficier éventuellement d’une revalorisation salariale et d’accroitre leur satisfaction personnelle.»
Les entreprises valorisent de plus en plus les bilans de compétences parce qu’«elles se rendent compte qu’il faut mieux avoir des salariés qui se plaisent dans leur métier», estime Roseline Cisier. Surtout, les employeurs se sont aperçus que pour un investissement relativement faible, ces tests peuvent leur être bénéfiques.
Selon le centre et le type de bilan, il faut débourser entre 800 et 6000 francs. Une somme que les caisses de chômage prennent en charge et que les sociétés sont de plus en plus nombreuses à financer. Et, spécificité genevoise, des chèques de formation permettent également de régler l’addition.
Mais attention à ne pas tomber sur des charlatans.
Repérer l’arnaque
Appâtés par une demande de plus en plus forte, les centres de bilans, les coaches et les sites internet d’évaluation se sont multipliés ces dernières années.
«Dans le privé, certains profitent de ce marché, sans avoir les compétences nécessaires», confie une psychologue d’un organisme public. D’autant qu’il n’y a besoin d’aucune formation pour proposer ce type de services.
«Sur conseil d’une amie, j’ai réalisé un bilan de compétences par internet, raconte une jeune femme lausannoise. Les résultats, qui faisaient référence à mon enfance, m’ont bouleversée. J’ai analysé ma vie professionnelle au travers de ce prisme, ce qui m’a plus perturbé qu’aidé.»
Ces sites, qui proposent de faire soi même son bilan en ligne, sont violemment critiqués par la profession. Par ailleurs, au niveau des centres, «il y a une forte demande de la part des clients d’établir un label de qualité», rapporte Katia Sauthier, responsable projet et formation chez Mode d’emploi. Une garantie de compétences pour les bilans, en quelque sorte.
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Et vous, où en êtes vous?
Vous êtes démotivés, vous avez l’impression de stagner, vous aimeriez être mieux reconnu dans votre travail? Avant de vous livrer à un véritable bilan de compétences, voici un petit test qui vous donnera une idée des questions posées par les professionnels. De manière ludique et simplifiée, permet de faire apparaître les grandes lignes de votre orientation.
1) Si vous deviez parler de votre passé vous diriez plutôt…
A) Que vous avez traversé des épreuves difficiles, mais que vous vous en êtes toujours bien sorti.
B) Que la vie vous a toujours souri et que vous êtes chanceux
C) Que rien ne vous a été épargné, mais que vous auriez mieux réussi dans d’autres circonstances
2) Le travail représente pour vous…
A) Des responsabilités que vous savez gérer de main de maitre
B) Un plaisir dont il ne faut pas abuser
C) Une corvée nécessaire. Ah si j’étais rentier…
3) Dans quel cadre aimeriez vous travailler…
A) Un bureau avec secrétaire et fauteuil en cuir
B) Au grand air ou à domicile
C) Peu importe si le travail est intéressant
4) Vous vous sentez stressé…
A) Régulièrement par à-coup, mais toujours à cause des autres
B) Rarement. Le stress est mauvais pour la santé, il faut mieux l’éviter
C) Toujours un peu au fond de vous-même
5) Vous vous sentez valorisable parce que vous êtes…
A) Organisé et directif
B) Créatif et imaginatif
C) Rigoureux et ponctuel
6) De quelles façons aimez vous travailler avec les autres…
A) En dirigeant les personnes
B) En discutant autour d’un café
C) En échangeant avec des personnes compétentes
7) Face à une tâche difficile …
A) Vous trouvez la personne la plus à même de la réaliser à votre place
B) Vous passez à autre de chose
C) Vous vous entêtez jusqu’à trouver la solution
8) Pendant votre temps libre, vous préférez…
A) Lire le dernier Goncourt pour impressionner vos collègues
B) Commencer l’écriture de votre autobiographie, qui sera certainement un succès
C) Décompresser une bière à la main devant une série télé
9) A 70 ans, vous vous voyez…
A) Diriger l’entreprise que vous avez monté à la sueur de votre front
B) Cela vous semble beaucoup trop loin pour imaginer quoique ce soit
C) Profiter de votre retraites auprès de vos petits-enfants
10) Face à un désaccord…
A) Vous finissez toujours par prendre la décision, quitte à en vexer plus d’un
B) Vous essayer de concilier les avis, pour trouver solution qui convienne à tous
C) Vous écoutez les autres. Leurs arguments sont sûrement intéressants
– Si vous avez une majorité de A:
Vous êtes une personne décidée. Vous avez appris à vous en sortir par vous-même et souhaitez le montrer. Vous manifestez une certaine capacité d’écoute, mais, en général, vous préférez que ce soient les autres qui vous écoutent. Les situations délicates ne vous impressionnent pas. Dans certaines situations difficiles vous êtes capable de faire rapidement face à l’imprévu. Vous faites une confiance relative à vos collègues, mais n’hésitez pas à leur déléguer du (votre) travail. Vous aimez prendre des initiatives et vous êtes capable de diriger un groupe, une équipe. Les responsabilités ne vous font pas peur.
– Si vous avez une majorité de B:
Vous êtes une personne qui s’adapte facilement. Vous appréciez les changements de lieu, de personnes. Vous aimez échanger pour le simple plaisir de bavarder. Vous êtes créatif et imaginatif. Vous recherchez tout ce qui rend la vie plus facile et agréable. Vous avez une forte faculté d’écoute et de compréhension des autres. Vous devez d’ailleurs induire chez les autres le sentiment d’être vraiment écoutés et compris. Mais, vous avez certainement du mal à prendre des décisions. De plus, si vous avez de grandes ambitions pour vous-même, vous manquez parfois du courage pour les réaliser.
– Si vous avez une majorité de C:
Dans le travail vous recherchez l’efficacité, la précision et la qualité. Vous faites preuve d’une grande méticulosité et mettez beaucoup d’énergie dans votre activité professionnelle. Vous êtes tenace et ne quittez jamais votre travail avant d’avoir rendu le rapport tant attendu par votre supérieur. Mais vous avez parfois l’impression de ne pas être récompensé à votre juste valeur. Vous êtes aussi souvent prêt à aider les autres, ce qui ne vous empêche d’estimer, de temps à autre, qu’ils profitent de votre gentillesse.