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Un trou noir au coeur de l’Europe

«La Suisse, un trou noir au cœur de l’Europe.»

Tel était le titre de «une» du respecté quotidien britannique The Independent , le 7 septembre dernier. Pour relever que la campagne d’affichage de l’UDC n’était pas «le fait d’un minuscule groupe néo-nazi» mais du «parti le plus représenté au parlement et membre de la coalition gouvernementale».

Des slogans, des affiches, insistait le journal, dans lesquelles les Nations Unies ont voulu voir le symbole de l’émergence «d’un nouveau racisme au cœur d’une des plus vieilles démocraties du monde».

Et d’enfoncer le clou: le projet blochérien d’expulser non seulement les jeunes délinquants mais également leurs parents et la famille toute entière serait «la première loi de ce genre depuis la pratique nazie de la «Sippenhaft», qui voulait que les parents de criminels soient aussi considérés comme responsables, et donc jugés et emprisonnés».

Voilà donc de loin, avec un peu de distance, de recul, et un zeste de flegme britannique, à quoi ressemble la Suisse de Christoph Blocher.

ll est donc assez amusant de voir le président et l’idéologue de cette formation, Ueli Maurer et Christoph Mörgeli, venir parler de climat d’hostilité, de haine et de persécution contre l’UDC à propos du scandale du siècle, l’affaire Roschacher, qui agite gazettes et fenestrons depuis quelques jours. Comme si le loup du Chablais ou d’ailleurs se plaignait des mauvaises intentions des moutons ruminant sournoisement dans leur coin d’alpage.

La vraie affaire dans cette affaire semble être en effet non pas la pratique banale, même en Europe, même en démocratie, du déboulonnage plus ou moins caché, plus ou mois injustifié, d’un magistrat dont la tête ne revient pas à son ministre de tutelle. Mais plutôt son utilisation par le principal accusé et ses sbires. L’UDC dénonce d’ailleurs le «complot» depuis des semaines, avant même qu’il ait éclaté, avant même que les présumés comploteurs en aient semble-t-il eu l’idée.

Des comploteurs qui émanent d’une nébuleuse aussi identifiée que celle de Al-Qaïda, avec, en chef de file avançant masqué, un Couchepin promettant depuis l’élection de Blocher en 2003 de laisser le tribun causer et à la fin de le «couler».

Avec dans le rôle des seconds couteaux le mollah socialiste André Daguet (rien que son nom évoque le complot) et la grande inquisitrice PDC Lucrezia (sans commentaire) Meier-Schatz, présidente de la fameuse commission de gestion par où le scandale est arrivé.

Face à ces vagissements paranoïaques — soigneusement mis en musique, selon une technique de victimisation utilisée par tous les partis d’extrême-droite au cours de l’histoire, ayant tous un jour ou l’autre actionné le mythe du complot –, la bonne attitude se trouve peut-être dans cette question posée par le président des jeunes radicaux genevois Murat Alder:

«Que propose l’UDC dans le domaine de la protection de l’environnement et de la politique énergétique? Que propose l’UDC aux familles, et plus spécifiquement à celles et ceux qui désirent mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale? Que propose l’UDC aux consommateurs pour enfin réduire les prix en Suisse? Que propose l’UDC en matière d’emploi?»

Chacun, après quatre années de Blocher au gouvernement, connaît la réponse : rien.

Une manière de garder la tête froide, de signifier qu’à quoi bon comploter contre un parti coquille vide qui se réduit à sa méthode, la provocation, et condamné à en faire toujours plus dans l’esbroufe pour maintenir sa différence et donc son électorat. A quand l’incendie du Palais fédéral, à mettre par exemple sur le compte des extrémistes PDC?

«The Independent » lui estime que les projets de l’UDC seront un test «non seulement pour la Suisse mais pour toute l’Europe, où se dessine de plus en plus clairement une fracture dans le discours politique entre le multiculturalisme libéral et l’isolationnisme conservateur». C’est peut-être quand même faire beaucoup d’honneur aux pleureuses blochériennes.