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«Smalto habille les hommes, pas les minets»

«Je veux révéler la part de féminité chez les hommes.» C’est ce qu’a déclaré Youn Chong Bak, 29 ans, au magazine Elle. Une petite provocation très caractéristique de cette jeune styliste suisse qui, sans renier l’héritage classique, s’intéresse à l’homme d’aujourd’hui, multiple, sensible, et qui n’a pas peur de la mode. Engagée chez Smalto pour un stage en 2000, Youn Chong Bak vient d’être nommée à la direction artistique de la ligne prêt-à-porter. Après plusieurs années passées à intérioriser les codes du tailleur classique aux côtés de Francesco Smalto, elle signait en juillet sa première collection d’été 2008 en solo.

Youn Chong Bak vise une élégance décalée «à la Jude Law» avec des matières légères, où le noir fait place aux gammes de gris et de beiges fanés. La nouvelle silhouette s’articule autour de la veste et de la saharienne, portées sur un pantalon taille basse aux ourlets à la cheville. Le smoking blanc mis à la mode par Francesco Smalto dans les années 60, revient en forme d’hommage, à la fois classique et sexy.

Cette double identité, associant rigueur et mode, a constitué la clé du succès de Francesco Smalto, tout au long de sa carrière. En 1961, alors qu’il travaille à New York chez Harris, le tailleur du président Kennedy, il retiendra la modernité des coupes et un technique allégée, sur lesquelles il va bâtir son empire. Un succès qui ne se démentira pas, que ce soit en habillant Sean Connery, Jean Paul Belmondo, ou Zinedine Zidane.

Aujourd’hui c’est au tour de Youn Chong Bak de réinventer cette élégance intemporelle. Pour Trajectoire, elle parle des hommes (avec lesquels elle travaille), des hommes (qu’elle habille) et des hommes (qui l’inspirent).

D’où vient cette vocation pour la rigueur liée au costume masculin?

Toute petite, j’étais un vrai garçon manqué et aujourd’hui je crois que j’habille l’homme qui est en moi (rire). J’ai toujours aimé dessiner et c’est ma tante qui m’a encouragée à devenir styliste. Ensuite j’ai choisi Esmod à Paris, parce que je cherchais une école de mode qui me donne de solides bases techniques.

L’homme Smalto est rigide, alors que votre collection d’été joue plutôt dans la nuance…

Oui, l’homme Smalto se veut assez imposant, un peu macho. J’ai voulu le rendre plus séduisant en révélant son caractère vulnérable. Pour la première fois, le nouvel homme Smalto est vu à travers les yeux d’une femme. Et, si j’aime qu’il reste masculin, c’est d’abord son charme et sa sensibilité qui me séduisent.

Vous avez un modèle?

Je crois que Jude Law incarne cette élégance parfaite, légèrement décalée que je recherche et j’adore son visage à la fois angélique et démoniaque. L’acteur Wentworth Miller, de la série Prison Break, joue aussi sur ce registre.

Vous avez suivi la série?

Oui (rire), quand je l’ai vu à la télévision, j’étais très touchée par sa sensibilité. Ce qu’il transmet par le regard, c’est aussi quelque chose que les femmes recherchent.

Pourtant vous aimez les hommes solides, vos mannequins ne sont pas maigres comme chez Dior?

Smalto habille les hommes, pas les minets. Notre cible commence à 28 ans, et nos prix sont plus élevés que d’autres marques, avec des costumes à 1’600 euros. Je veux rester fidèle à cette clientèle et faire la transition en douceur.

Comment définissez vous la nouvelle silhouette de l’été 2008?

Les couleurs est les matières sont plus fluides. J’ai pensé à une tenue de voyage et des tissus comme le lin, l’ourlet des pantalons est remonté comme en vacances, quand on marche dans l’eau.

Quel modèle de cette première collection marche le mieux?

Je n’ai pas encore le résultat des ventes, mais les acheteurs ont particulièrement aimé un smoking blanc sans revers à encolure kimono. Je suis très contente parce que c’est une touche très personnelle de mon travail qui a été très bien accueillie.

Vous préparez une collection avec Francesco Smalto. Comment travaillez vous avec le maître?

J’ai commencé très tôt à travailler avec Monsieur Smalto. Je connais sa technique et c’est une collaboration très enrichissante, mais je me sens toute petite devant son savoir faire. Cette nouvelle «Collection Smalto» est encore un peu secrète, c’est un concept très luxueux, proche du sur-mesure auquel j’apporte la touche mode.

Suissesse d’origine coréenne, vous vivez à Paris. De quelle culture vous sentez-vous la plus proche?

Mes parents sont Coréens et je suis née en Suisse. J’ai vécu à Breitenbach dans le canton de Soleure, à Schwytz, mais je me sens à la fois suisse, coréenne et parisienne, c’est vraiment un mélange.