LATITUDES

Disparaître en respectant l’environnement

Les crématoriums crachent des déchets toxiques, le vernis des cercueils pollue la terre, notre corps est chargé de métaux lourds, d’antibiotiques et d’hormones synthétiques. Des solutions arrivent pour rendre notre départ écologiquement correct.

Votre corps, où le déposeriez-vous pour toujours? «Dans un compost. Au moins il servira», répondait Isabelle Chevalley, présidente du parti Ecologie libérale, au quotidien Le Temps qui avait interrogé cet été plusieurs personnalités sur leur rapport au corps*.

Tout le monde s’est demandé, un jour, comment son cadavre allait disparaître. Et longtemps les religions se sont chargées de fournir la réponse. La baisse de la fibre religieuse a laissé place à des innovations funéraires de toutes sortes. Vous pouvez envoyer vos cendres en l’air à bord d’un satellite, vous reposer éternellement dans un «crazy coffin» en forme de guitare, de skate-board ou de chaussure de football, finir en pendentif ou en bague grâce à vos cendres transformées en diamant.

Après une période de dérive, les préoccupations écologiques induisent depuis peu une nouvelle réflexion: comment ne pas alourdir notre empreinte écologique avec notre dépouille devenue un «déchet»?

En Inde, les millions de crémations annuelles et leur impact sur le réchauffement climatique (8 millions de tonnes de CO2) inquiètent. Vinod Kumar Agarwal, un ingénieur, a mis au point un bûcher «anti-réchauffement climatique» qui permet de brûler un corps avec seulement 22 kilos de bois contre 400 actuellement.

En Chine, le manque de place dans les cimetières pousse à la crémation. Plus près de chez nous, à Copenhague, 90% des défunts sont incinérés. Dans les grandes villes de l’Europe du Nord, un corps sur deux finit dans un crématorium aux cheminées polluantes.

C’est tendance en ce moment, de nombreuses personnes aimeraient faire disperser leurs cendres dans la nature. Une pratique contestée en Valais, une terre dans laquelle souhaitent reposer des centaines d’Allemands. La commission cantonale des constructions (CCC) a fait savoir que «l’utilisation faite des sols n’est pas conforme à celle d’une zone agricole». Le vide juridique actuel devrait être prochainement comblé.

Dans les milieux écologistes, on montre du doigt ce «tourisme de la mort» qui consiste à venir déverser une urne à des centaines de kilomètres du domicile du défunt. Un dernier voyage peu respectueux de l’environnement.

Une alternative high-tech à la crémation arrive de Suède. Une compagnie, Promessa Organic, a développé une technique consistant à réfrigérer le corps puis à le plonger dans de l’azote liquide. Un projet qui suscite beaucoup d’intérêt. A l’heure du réchauffement de notre planète, la disparition des humains par les flammes pourrait laisser place à celle par le froid. Après les crématoriums voici les promatorium, moins polluants.

Et l’inhumation, est-elle plus écologiquement correcte? Les nouveaux croque-mort, devenus verts (et non pas verdâtres comme dans Lucky Luke), se soucient de réduire l’impact environnemental de l’ensevelissement. Pour ce faire, ils proposent des cercueils en carton recyclé biodégradable, sans colle polluante. On ne passera donc pas pour un pingre en offrant un cercueil en carton à son cher défunt, mais pour un écolo.

Une société belge, Arteus-europa, rappelle sur son site qu’un cercueil, c’est un arbre abattu et qu’avec 360’000 cercueils fabriqués quotidiennement, cela représente la disparition de 86,4 km2 de forêt. D’où son offre de cercueils écologiques.

Pas de cercueil, c’est mieux encore. En Angleterre, on peut en faire l’économie en optant pour une simple couverture puis disparaître six pieds sous terre au Natural Death Center de Londres, un cimetière où des végétaux font office de pierres tombales. Ce centre a publié un ouvrage qui passe en revue toutes les étapes à franchir pour demeurer écologiquement correct, pour l’éternité.

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*Pour Le Temps, plusieurs personnalités suisses ont répondu à la question «Votre corps, où le déposeriez-vous pour toujours?». Quelques réponses:

«Dans un cimetière quelconque. Pour les vers, ce sera comme du beurre sur les épinards. Je serai bon à manger», répond Michel Zendali, le journaliste de la TSR.

«Dans un incinérateur», préférerait Willy Pasini, le psychiatre. «Entre ciel et terre, sur une montagne suisse», dit Nicolas Bideau, Monsieur Cinéma. «Dans un lieu avec vue», Nadine de Rothschild, la Baronne.

«Dans la terre. Je voudrais pas être incinérée. C’est irrationnel mais j’aurais peur», Milena Moser, l’écrivaine zurichoise.

«En cendres, dans l’eau. J’adore l’idée de m’enfoncer dans l’eau. Retourner aux origines», Arlette-Elsa Emch, la présidente de Calvin Klein.