KAPITAL

Les spas innovent en ville

Ils se multiplient. Ils visent une clientèle urbaine, à haut pouvoir d’achat. Mais comment les centres de wellness gagnent-ils de l’argent?

«Lorsque j’ai ouvert mon spa en 2002, le terme signifiait encore pour beaucoup Société Protectrice des Animaux…» Directrice du centre After the rain à Genève, Isabelle Nordmann se remémore l’époque où le mot «spa» n’était pas encore entré dans le langage commun.

Cinq ans plus tard, le secteur connaît un boom sans précédent: les grands hôtels construisent de somptueux centres de bien-être devenus indispensables pour bénéficier du statut de Palace et, dans les rues, les spas urbains pullulent.

Dans cette seconde catégorie, chacun cherche à se démarquer en se profilant dans une spécialité propre: certains proposent une offre orientée sport, d’autres se spécialisent dans le massage thérapeutique, d’autres enfin se lancent dans la médecine esthétique. Un point commun subsiste néanmoins: la volonté affichée de s’adresser à une clientèle urbaine, active et plutôt haut de gamme.

«Nous visons en priorité les hommes d’affaires de passage et les cadres actifs dans le périmètre», confirme Mathieu Laurient, directeur du centre Douze A, luxueux espace de 730 m2 sur trois étages, qui vient d’ouvrir aux Pâquis, à Genève.

Aménagé dans les locaux d’une ancienne usine, le centre, dont l’investissement initial s’est élevé à deux millions de francs, propose un fitness, un bar «destiné au réseautage d’affaires» et, au sous-sol, une zone de détente incluant salle de massage, hammams, saunas et jacuzzi.

Le prix de l’abonnement annuel, 3’930 francs, illustre, comme l’équipement installé, qu’on vise ici le haut de la gamme.

Plus avantageuses, des séances de personal training à 150 francs, qui peuvent se partager jusqu’à trois participants, viennent compléter l’offre.

«Notre objectif est d’atteindre 300 membres afin de pérenniser notre investissement puis, dans un second temps, d’ouvrir un deuxième centre sur la rive droite», explique l’entrepreneur franco-suisse de 37 ans à l’origine du projet.

Situé précisément de l’autre côté du Rhône, le spa After the rain, 800 m2 répartis sur 4 étages, fait déjà figure d’«ancien». Il emploie aujourd’hui 37 personnes pour un chiffre d’affaire de 2,4 millions de francs.

«Nous accueillons 7’000 clients différents par année, dont 40% d’hommes, soit une moyenne de 48 à 50 heures de soins par jour, avec des pointes en fin de semaine», indique Isabelle Nordmann.

La moyenne d’âge de la clientèle s’élève à 35 ans. Près du tiers vient en couple et plus de la moitié s’y rend car elle a reçu un bon, preuve que le spa figure parmi les cadeaux préférés des Genevois. Les tarifs s’élèvent en moyenne à 180 francs l’heure.

L’investissement initial alourdit souvent les comptes pendant plusieurs années car les saunas et hammams nécessitent d’importants aménagements sanitaires, surtout lorsqu’ils sont aménagés dans d’anciennes caves.

Par ailleurs, thérapeutes, masseuses et coaches représentent une masse salariale conséquente, à laquelle viennent s’ajouter les frais d’entretien: à titre d’exemple, le centre After the rain fait laver et repasser 5 tonnes de linge par mois. La marge d’exploitation atteint 8 à 10%, relativement faible compte tenu de la popularité du secteur.

«Il est difficile de rentabiliser uniquement avec des soins, relève Isabelle Nordmann. C’est pourquoi nous avons décidé de diversifier notre offre et de commercialiser notre propre gamme de produits. Dans la vente d’articles, les marges avoisinent les 50%.»

«Il s’agit davantage d’un métier coup de cœur, que d’une façon de gagner beaucoup d’argent», note pour sa part Karen Poli, directrice du spa Armony 5 sens, ouvert depuis le mois d’avril.

«Notre investissement initial s’est élevé à 300’000 francs. Heureusement, comme nos services à domicile étaient déjà connus des hôtels et des particuliers avant notre ouverture, nous avons pu atteindre la rentabilité dès le premier mois.»

Spécialisé notamment dans le massage thérapeutique, le très zen centre des Pâquis propose des tarifs à l’heure s’élevant à 112 francs pour le salon et de 220 à 290 pour les services à domicile.

Bien que moins marqué, le phénomène concerne aussi la capitale vaudoise: le Lausanne Palace étend actuellement son Centre de Bien-Etre avec un concept de spa urbain libre d’accès sur 600 m2 supplémentaires. La palette de prestations comprend soins du corps et du visage, soins des cheveux, sport, bien-être, santé et nutrition. Une spacieuse section privée de 1’500 m2 accueille en outre 300 membres exclusifs, pour un abonnement annuel de 2’900 francs.

«Notre but est de toucher une nouvelle clientèle active à Lausanne et indépendante de l’hôtel», résume la directrice Emeline Gauer-Seiler. Afin d’essayer d’amortir en moins de cinq ans un investissement total de 5,8 millions de francs.

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 22 novembre 2007.