LATITUDES

Sébastien Faure, profession reporter

Il s’est imposé comme un des journalistes vedette du téléjournal de la TSR. Après le Kosovo et l’Irak, il vit désormais à Washington, d’où il couvre depuis deux ans l’actualité américaine. Portrait.

Avec son air d’éternel étudiant, il dispute à son grand ami Darius Rochebin le rôle du gendre idéal sur la TSR. Le lien entre les deux hommes va d’ailleurs plus loin: cela se dit peu, mais Marie Faure, la sœur de Sébastien, est la compagne du présentateur du journal télévisé de 19:30. Voilà pour la ville.

A l’antenne, Sébastien Faure, c’est un regard pénétrant, une voix chaude et profonde, une attitude sobre et pleine de conviction qui chaque jour depuis deux ans dissèque l’actualité américaine en direct de Washington pour le journal télévisé de la chaîne romande. Avant ce poste prestigieux, le journaliste couvrait tous les conflits du globe. Kosovo, Indonésie, Afghanistan, Iran, Irak… des terrains périlleux où il a rendu compte de drames humains, de changements de régimes et des petites histoires qui font la grande.

«Sébastien a l’œil du reporter, il a la capacité de comprendre immédiatement une situation complexe et de trouver l’élément marquant qui la révèle. Il fait preuve aussi d’un désir de partager ce qu’il a vu sur le terrain. Avec sa position à Washington, il a ajouté la corde de brillant analyste à son arc», complimente André Crettenand, rédacteur en chef de la TSR.

On attrape ce pigeon voyageur à Genève pendant ses vacances de fin d’année. Dans dix jours, il commentera des Etats-Unis le premier acte des élections américaines, à Des Moines, Iowa («Je ne sais d’ailleurs pas encore si je prononcerai ‘Di Moïnse’ à l’anglaise ou ‘Des Moines’ à la française», sourit-il).

Dans ce café de Plainpalais à Genève où il nous donne rendez-vous, sa voix est calme, son corps impeccablement droit. Peau lisse, discours parfois distrait, on a du mal à saisir une personnalité qui fait entièrement corps avec son métier de reporter. De ce point de vue justement, il y a à raconter. A 35 ans, le CV de Sébastien Faure est déjà bien rempli.

Ce Franco-suisse qui a vécu tantôt à Zurich, tantôt à Lyon, a entamé sa carrière en 1993 chez Euronews, à Lyon justement: «C’était les débuts de la chaîne, une super expérience au sein d’une équipe de moins de trente ans de moyenne d’âge.» Rythme frénétique, diffusion 24h/24, Euronews est une rude, mais très bonne école, qui lui ouvre les portes de France 2 et France 3. En 1999, un ami lui conseille de postuler à la TSR.

Il réalise ses premières piges dans la neige d’Evolène frappé par les avalanches. Suivent des reportages à l’étranger, au Kosovo notamment, dont la bonne tenue lui vaut la confiance de ses supérieurs.

«Contrairement à la France, la politique étrangère n’est pas forcément considérée comme la partie la plus prestigieuse du métier en Suisse. Mon expérience chez Euronews me destinait naturellement à cette rubrique, j’ai donc rapidement beaucoup voyagé.»

Des souvenirs, il en a des valises en tête. Il y a surtout cette guide irakienne avec qui il a noué des liens d’amitié: «Sous la dictature de Saddam Hussein, c’était comme dans Tintin chez les Soviets. Le ministère de la communication chaperonnait les journalistes en les flanquant de guides qui nous empêchait de tout voir et faisaient des rapports circonstanciés tous les soirs au ministère. Dans les dernières années du régime, les journalistes étaient si nombreux, que les autorités étaient en rupture de guides. Ils faisaient donc appel à des auxiliaires. Parmi ceux-ci, j’avais entendu parler d’une fille BCBG assez sympa qui avait fait ses études à Paris. J’ai demandé à travailler sous son contrôle. On s’est bien entendu et j’ai pu faire tout ce que je voulais. Malheureusement ses supérieurs ont remarqué qu’elle était laxiste. Je suis donc allé voir son chef en me plaignant qu’elle ne me laissait rien faire. Finalement, il l’a félicitée!»

Les régions en guerre, il les a surtout visitées quand il était en poste comme correspondant à Berlin. «Comme il n’y avait pas énormément à traiter en Allemagne, j’étais prêt à partir n’importe où en reportage.» Et la TSR, n’hésitait jamais à envoyer sur les terrains les plus minés de la planète ce reporter tout terrain.

«En même temps, la TSR est une chaîne prudente, soucieuse du sort de ses journalistes.» Soit dit en creux: c’est plutôt lui, avec son gilet kaki de baroudeur, qui insistait. Sébastien Faure, une tête brûlée? Plutôt que de répondre il préfère mettre en perspective: «Qu’est-ce qui est le plus dangereux, prendre un avion pour Kaboul ou rouler à 200 km/h sur l’autoroute comme le faisaient les collègues qui m’amenaient à l’aéroport de Berlin?»

Mais de nuancer: «Il faut toujours se souvenir qu’il ne sert à rien de prendre une balle pour un sujet. Il n’y a pas de ma part de fascination malsaine pour la violence comme quand on regarde un film d’action.»

Moins dangereuse est sa position à Washington, «une ville beaucoup moins attrayante que Berlin». Mais tout aussi passionnante s’annonce la campagne qu’il va suivre assidûment: «Elle est beaucoup plus ouverte que d’habitude. La grande favorite Hillary Clinton est contestée chez les démocrates, il y a ce prêtre baptiste Mick Huckabee qui sort de nulle part du côté républicain…»

Aucune chance par contre de décrocher une interview des prétendants qui se concentrent sur les chaînes nationales. «On s’attache aux petites mains de la campagne, on interroge les électeurs, ce qui donne parfois des reportages plus révélateurs que le discours connus des candidats.» Cette reconversion en analyste politique coïncide avec la naissance de ses deux enfants, âgés respectivement de 2 ans et d’un mois. A l’aventurier toujours sur le qui-vive succède le papa responsable. Un gendre idéal on vous dit.