Entre la transparence de ses mâles et les frasques de ses femmes, le gouvernement tangue sous les feux de la critique et semble avoir perdu l’essentiel de son autorité.
Une héroïne? Peut-être. Même si, dans le bras de fer qui oppose la Conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf à son parti, l’UDC, tout le monde semble avoir plus ou moins tort et personne vraiment raison.
Il n’est pas vrai que la grisonne n’ait pas été élue démocratiquement — le parlement, seul habilité, l’a désignée. Mais il n’est pas non plus vrai que l’esprit démocratique ait été respecté — les électeurs blochériens qui ont massivement contribué à la montée de l’UDC peuvent se sentir à bon droit joliment cocus.
L’essentiel est peut-être ailleurs, ce crêpage de chignons grisono-zurichois en cachant bien d’autres. Outre Eveline qui affirme bravement, mais contre toute évidence, défendre au Conseil fédéral les valeurs de l’UDC, il y a bien sûr l’inimitable Micheline Calmy-Rey alignant avec une régularité de chapelet valaisan les provocations ou gaffes (sa pavane pour une infante voilée en Iran, sa kosovophilie aigue) et se voit contrainte de se justifier dans la presse de boulevard. Avec des comparaisons comment dire, inattendues: Grace Kelly portait aussi le voile et, en plus, des lunettes noires.
Voici maintenant Dame Leuthard qui se met à dos ses collègues en prétendant, du haut de son siège de ministre de l’économie, traquer la croissance et, pour ce faire, mettre le nez dans les dossiers des autres départements. Bref, les attaques extra-muros et les bisbilles internes conduisent à cette situation spectaculaire: jamais un Conseil fédéral n’a été aussi peu respecté, autant contesté et vilipendé.
Les mâles dominants de service remarqueront que dans cet exécutif-là, ce sont les femmes qui sèment la zizanie, les trois grâces trop pleines de feu. Sauf que ce manque de crédibilité, ce défaut d’autorité du Conseil fédéral doit aussi beaucoup au comportement exactement inverse de ses quatre représentants masculins. Eux, bien sûr, ils n’agacent ni ne provoquent, puisqu’ils semblent avoir disparu corps et biens.
Leuenberger n’a fait que montrer le bout d’une demi oreille lors du conflit CFF Cargo. Bout d’oreille qu’il s’est fait longuement tiré par les syndicats, l’opinion publique, la presse, l’église, les familles concernées et bien sûr les gros sabots des CFF.
Passons maintenant à Merz, prénom Hans-Rudolf. Inexistant comme à son ordinaire. Tout occupé à compter ses milliards dans les caves fédérales. Heureusement, il reste Couchepin, génétiquement programmé grande gueule. Eh bien, non. Rien, silence, on ne l’entend plus depuis qu’il a perdu son souffre douleur Blocher.
Samuel Schmid? Il se fait tellement petit dans son costume de traître ripoliné que personne ne songe à réclamer son exclusion de l’UDC ou sa démission du gouvernement.
On en arrive au point que certains prédisent: une révolution toujours rêvée, toujours annoncée et toujours aussi morte dans l’œuf: l’élection du Conseil fédéral par le peuple, histoire de redonner souffle, cohérence et discipline à un exécutif laminé, déchiré. Un Conseil fédéral qui se voit, en plus, via l’initiative dite muselière, contester le droit d’intervenir lors des votations, le droit de faire sa petite propagande.
Mais tout cela n’est peut-être pas si grave. Comme Sarkozy en France, ce gouvernement-là fait un bien fou à la presse par ses frasques ou sa transparence, apportant chaque jour dans les rédactions un bon sac de grain à moudre.
Et puis, le président Jefferson disait, en des temps certes moins compliqués, qu’à un gouvernement sans journaux, il préférait des journaux sans gouvernement. Les mauvais esprits diront que Jefferson ne connaissait pas les gratuits.
