La Suisse veut se profiler à la pointe des nanotechnologies. Dans ce but, les autorités ont lancé un appel d’offres exceptionnel, qui sera clos le 1er mai prochain. Une dizaine de projets scientifiques, sur une centaine proposés, seront ainsi sélectionnés et profiteront de subsides de la Confédération.
Le projet Nano-tera.ch, c’est son nom, constitue le deuxième programme scientifique national de ce genre (le premier, SystemsX.ch, était dédié à la biologie systémique).
Peter Bradley, son directeur exécutif, explique l’importance du projet.
Quel est le but précis de Nano-tera.ch?
L’objectif de ce programme est de mettre la Suisse au premier plan mondial dans le domaine des nanotechnologies appliquées aux systèmes embarqués, c’est-à-dire des systèmes de communication miniaturisés tels que les capteurs et les senseurs. C’est un secteur encore émergeant, mais qui va connaître un véritable boom dans les prochaines années, dans des domaines très variés comme la santé, la sécurité, l’environnement, l’électronique ou les logiciels.
La Suisse, avec ses compétences reconnues de précision, de qualité et de fiabilité, dispose de nombreux atouts pour bien négocier ce virage technologique.
Le projet Nano-tera.ch, grâce à un investissement très important (120 millions de francs sur 4 ans), vise à encourager la recherche et le développement en ce sens. Les recherches menées porteront aussi bien sur le hardware que sur le software des systèmes embarqués. Le programme soutiendra des projets collaboratifs de recherche, la fabrication de démonstrateurs, le transfert à l’industrie, mais aussi l’éducation, avec la création de nouveaux cursus universitaires.
Pourquoi les termes «Nano» et «Tera»?
Nano se rapporte évidemment aux nanotechnologies. Il s’agit de créer des circuits électroniques à l’échelle nanométrique, c’est-à-dire un millionième de millimètres. Tera, qui représente l’échelle 10 puissance 12, se réfère aussi bien aux nombres de composants que les réseaux de capteurs ambitionnent d’intégrer, dans le cadre de concepts en vogue tel que l’intelligence ambiante et l’internet des choses, qu’au flux d’informations que ces circuits devront gérer (exprimés en terabytes).
Concrètement, que représentent ces chiffres?
Prenez l’exemple de l’activité internet dans le monde: elle doit atteindre actuellement environ 40 millions de terabytes par an avec une consommation énergétique avoisinant les 1’000 teraWh par année. Avec le développement exponentiel d’internet, ces chiffres vont continuer de croître. Progressivement, les réseaux sans fils de capteurs distribués vont venir s’ajouter, multipliant encore les fonctionnalités d’internet. Ces capteurs vont augmenter du même coup la consommation énergétique, avec notamment des composants devant être alimentés sans accès direct au réseau électrique.
Conséquence: satisfaire tous les besoins en énergie de ces systèmes va devenir un défi majeur. En diminuant la taille (et donc la consommation) des composants, en optimisant leur conception, leur logique et les flux d’informations utiles, ainsi qu’en développant des nouveaux matériaux et techniques d’approvisionnement, les recherches menées dans le cadre de Nano-tera.ch devraient permettre de développer des solutions pour maîtriser la consommation en énergie des capteurs distribués.
Les avancées dans ce domaine pourront aussi avoir des répercutions positives sur la réduction des besoins énergétiques des systèmes de communication, mais aussi sur la consommation électrique en générale. En effet, de part les applications potentiels de ses développements, les réseaux de capteurs sans fil intelligents seront par exemple en mesure d’optimiser la gestion de la consommation électrique, que ce soit à l’échelle d’une maison individuelle, d’un immeuble, d’un complexe industriel ou d’une ville.
Nano-Tera.ch a donc le potentiel de jouer un rôle important dans le domaine de l’énergie et de participer aux grands défis énergétiques de notre civilisation.
Qui peut participer au programme Nanotera.ch?
Tout le monde. Pour l’instant, les membres fondateurs sont les deux EPF de Lausanne et Zurich, les universités de Bâle, Neuchâtel et de la Suisse italienne, ainsi que le Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM). Mais, le programme reste ouvert aux autres centres de recherches: tout institut participant (et remportant) l’appel de propositions en tant que requérant principal deviendra d’office partenaire. Les chercheurs intéressés ont jusqu’au 1er mai 2008 pour soumettre leurs projets. Pour l’instant, nous avons reçu près de 80 demandes. Les lauréats devraient être connus à la fin de l’été, en octobre probablement.
Combien de projets de recherche seront distingués?
L’appel à propositions lancé le 28 janvier 2008 fait la distinction entre trois types de projets:
– Les RTD (Recherche, technologie et développement) sont des projets de recherche d’envergure. En fonction de leur qualité et de leur importance, ils pourront être financés jusqu’à 7 millions de francs par la Confédération. 8 à 12 projets devraient être sélectionnés.
– Les NTF (Nano-tera focused) sont des projets plus ciblés, de plus courte durée, qui ont principalement pour but de soutenir des activités collatérales aux RTD. Ils seront financés à hauteur de 100’000 francs par projet. A la différence des projets RTD, dont le dépôt des dossiers doit se faire avant le 1er mai, ils peuvent être soumis n’importe quand à Nano-tera.ch.
– Les ED (Education and dissemination) recouvrent l’organisation de diverses activités de transfert de connaissances dans les domaines non couverts par les institutions existantes. Comme les projets NTF, ils peuvent être soumis pendant toute la durée du programme.
Comment les lauréats seront-ils sélectionnés?
Il y a deux entités de sélection: le comité exécutif de Nano-tera.ch, composé de chercheurs des instituts fondateurs, et le Fonds national Suisse (FNS). Le comité exécutif sélectionne les projets en fonction de leur adéquation avec les objectifs stratégiques du programme, alors que le fonds national évalue leur qualité scientifique. Au final, l’approbation des requêtes doit faire l’objet d’un commun accord entre le FNS et le comité exécutif.
Comment s’organise le financement?
Le budget global de Nano-Tera.ch s’élève à 120 millions de francs répartis entre 2008 et 2011. Ce montant provient pour moitié de la Confédération. Pour le reste, il s’agit de «matching funds», c’est-à-dire que les responsables des projets primés doivent trouver un financement au moins égal à ce que donne la Confédération. Concrètement, il peut s’agir par exemple de fonds de l’industrie, de fonds de recherches compétitifs complémentaires au programme ou de fonds propres à l’université hôte.