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Réseau social contre tremblement de terre

Ils sont partout. A l’intérieur des MacBook, dans la manette de la Nintendo Wii, au cœur de l’iPhone. «Ils», ce sont les accéléromètres, de minuscules dispositifs qui détectent les mouvements.

Lorsque votre ordinateur tombe, l’accéléromètre s’en rend compte et, grâce à son signal, protège la tête de lecture du disque dur. Si vos photos s’orientent correctement lorsque vous inclinez votre iPhone, c’est parce que l’accéléromètre a perçu le mouvement. De la même manière, la manette de la console Wii utilise les accéléromètres pour transmettre les gesticulations du joueur vers l’écran.

Dans un domaine plus scientifique, les accéléromètres constituent des outils précieux pour les sismologues afin de détecter un tremblement de terre. «Faisons d’une pierre deux coups», s’est dit Elizabeth Cochran, chercheur à l’Université californienne de Riverside. Son idée: utiliser les accéléromètres dans les objets du quotidien comme alarmes en cas de tremblement de terre.

«Avec un ordinateur portable nouvelle génération, nous pouvons détecter précocement des secousses et envoyer immédiatement un message d’alerte aux autres ordinateurs avant que le séisme ne les atteigne», a-t-elle expliqué au magazine Wired.

Selon la chercheuse, cette prouesse est techniquement possible parce que les communications électroniques sont beaucoup plus rapides que les ondes sismiques. Lors d’une l’alerte, les populations menacées auraient donc quelques secondes pour trouver un abri.

Le fonctionnement est théoriquement trivial. Il faut télécharger sur le Web le logiciel Boinc permettant de partager via la toile les ressources des ordinateurs connectés. S’en suit l’adhésion au «Quake Catcher Network», littéralement le «réseau des attrapeurs de séisme». Votre ordinateur fait ensuite le reste. Lorsqu’il est allumé, connecté mais inutilisé, l’accéléromètre veille au grain. Elémentaire sur le principe, complexe à mettre en pratique.

Comment différencier un vrai tremblement de terre de toutes les autres secousses et mouvements parasites? En d’autres termes, comment être certain que ce n’est pas l’utilisateur du laptop qui se met à taper du pied?

«C’est une bonne idée d’exploiter des technologies existantes pour les alertes sismiques car cela ne coûte pas cher. Le problème vient de la fiabilité des données. Les accéléromètres dans ces nouveaux appareils électroniques ne sont pas précis et le bruit de fond est souvent important», relève Ricardo Araujo, ingénieur chez Geosig dans le canton de Vaud. Cette compagnie développe des outils sismologiques, dont des accéléromètres professionnels.

«Nous avons installé de tels appareils chez des particuliers dans des régions stratégiques aux Etats-Unis et en Turquie. Il s’agit de boîtiers fixés au sol et qui communiquent entre eux par internet, wi-fi ou le réseau GSM des téléphones portables.»

Le réseau d’alerte sismique que veut créer Elizabeth Cochran et son équipe n’est donc qu’une extension «populaire» de ces projets déjà existants. Elle-même l’admet: son système est loin d’être parfait. Il lui faudra encore effectuer un travail considérable afin de disposer d’un tri fiable des secousses.

Mais les propriétaires de laptops peuvent déjà rejoindre la communauté des «Quake Catchers», pour autant qu’ils ne tambourinent pas trop à proximité des accéléromètres.

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Une version de cet article est parue dans le magazine Reflex de juillet 2008. En vente en kiosques.