LATITUDES

Le Père Roger et Che Guevara: le mystère demeure

Après une cinquantaine d’années passées en Bolivie, où il côtoya le célèbre révolutionnaire, Roger Schaller est décédé il y a dix jours. Retour-arrière sur un parcours jurassien atypique.

Le 24 juillet dernier, le Père Roger Schaller est décédé dans sa 86ème année à La Paz, en Bolivie. Avait-il vraiment fermé les yeux du mythique guérillero, comme on a pu le lire dans la nécrologie du «Quotidien Jurassien»?

Au sortir de la messe d’adieu célébrée le dimanche 3 août en l’église de Corban, une de ses petites nièces en est persuadée. Elle ajoute qu’il a aussi donné «les derniers sacrements» au Che. Mais Roger Schaller «n’aimait pas évoquer cet événement et on n’en parlait donc pas en famille».

Dans les innombrables biographies qui retracent le parcours de Che Guevara, les versions de sa mort diffèrent énormément. La présence du missionnaire suisse y est parfois buy cialis sydney.

Pas vraiment étonnant que le religieux et le Comandante se soient rencontrés. Leurs objectifs ne différaient guère: combattre la pauvreté. D’où leur présence à La Higuera, un village sans ressource. Père Roger avouait à l’époque ne pas adhérer aux moyens mis en oeuvre par le combattant marxiste pour arriver à ses fins. Lui, messager de Dieu, souhaitait apporter le message d’amour de Jésus.

Peu après l’exécution d’Ernesto Che Guevara, l’ambassade de Suisse alerte le Père: des menaces pèsent sur lui, il est accusé d’avoir livré le Che. Un nom de plus sur la longue liste des dénonciateurs potentiels où figurent Régis Debray, Fidel Castro ou Ciro Bustos.

Le missionnaire retourne trois à quatre mois en Suisse puis repart poursuivre son ministère en Bolivie. Il y passera une cinquantaine d’années. Tous les deux ou trois ans, il revient quelques semaines dans son village natal, Corban, situé dans la vallée de Delémont . Pour les gens du coin, c’est un personnage. On sait qu’il vit pour les pauvres et comme les pauvres.

«Mieux que ses pairs qui faisaient des conférences, le Père Roger, en se baladant à vélo et en mangeant à gauche à droite, récoltait facilement des fonds», affirme Marie-Denise Schaller, une de ses concitoyennes. Elle se souvient que l’homme à la grande barbe fleurie «arrivait vêtu de guenilles et qu’il s’agissait de l’habiller pour qu’il ait bonne façon». Sa voisine, Claudine Bron, n’oubliera pas la bénédiction de sa maison avec «un trèfle cueilli dans le pré».

Si une statue de sept mètres de haut de l’icône révolutionnaire vient d’être inaugurée en juillet dans la ville bolivienne d’El Alto pour marquer le 80ème anniversaire de sa naissance, le Père Roger avait connu cet honneur de son vivant. En 1997, le maire de Santa Rosa, sa paroisse, érigea sa statue en «reconnaissance à son immense travail social et religieux».

Lors de la cérémonie en son hommage, deux de ses compagnons rédemptoristes ont témoigné de son engagement. Ce défenseur intrépide des démunis intervenait jusque dans les ministères pour tenter d’améliorer leurs conditions de vie. Son surnom là-bas? «Joya», soit bijou en français.