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Un patron de presse dans l’arène

Le directeur général d’Edipresse, Tibère Adler, et son fils Quentin, sont candidats à la Constituante. Entrée en scène avant l’élection du 19 octobre.

L’initiative a surpris même ses plus proches amis. Lui, l’archétype du patron d’entreprise discret, d’ordinaire si méfiant à l’égard des politiques de tout poil, a choisi de se lancer en famille dans l’aventure de la Constituante genevoise. Ces derniers jours, le directeur général d’Edipresse, Tibère Adler, mène campagne avec son fils Quentin en vue de l’élection du 19 octobre, ouverte à tous les citoyens. Pour mémoire, une assemblée de 80 personnes élues (parmi 530 candidats) devra s’atteler à la révision de la Charte fondamentale du canton. Les Adler, domiciliés à Vésenaz, sont inscrits sur la liste «GE’avance» qui représente les milieux économiques.

La politique au sens noble. Quel besoin soudain, pour le patron d’Edipresse, de mettre ainsi les mains dans le cambouis institutionnel genevois, alors que ses activités professionnelles l’éloignent souvent de la Suisse? «J’ai toujours eu de l’intérêt pour la politique, mais pas pour la tactique politicienne, précise Tibère Adler. Les visions à court terme, déterminées par la prochaine élection, cela ne m’intéresse pas du tout. La révision de la Constitution offre une chance unique de participer à la chose politique au sens noble, en tant que citoyen. J’apprécie spécialement le fait que beaucoup de candidats soient issus de la société civile.»

«C’est l’occasion de prendre de la hauteur de vue, jubile le chef d’entreprise, du haut de son double mètre. Quentin et moi ne nous serions pas lancés dans un parti traditionnel.» Malgré son jeune âge (20 ans), l’aîné des enfants Adler, étudiant en droit à l’Université de Fribourg, entend prendre toute sa place dans le débat politique: «Avec mon père, nous formons une vraie équipe, mais je peux vous assurer que j’ai une personnalité bien définie. L’écart générationnel fait que je suis plus sensible que lui aux notions d’écologie et de développement durable. Cela dit, nous ne sommes pas en opposition sur le fond.»

Difficile de savoir qui du père ou du fils a convaincu l’autre de le suivre. «Il s’agit d’une envie commune et spontanée», assure Quentin. Avec un pragmatisme que ne renierait pas son géniteur, il résume son ambition pour la Constitution genevoise: «Clarifier, actualiser, innover». Une vision que le binôme complice défend sur son blog commun: «Pour Adler&Adler, le choix est clair», assument les auteurs. Depuis quelques semaines, Adler&Adler arpentent les ruelles genevoises à la rencontre des électeurs. Samedi 4 octobre, ils sillonnaient le centre ville dans un tram bleu, le stand mobile de la liste «GE’avance».

Le challenge est audacieux pour le directeur d’Edipresse, société notamment propriétaire de la Tribune de Genève, mais perçue comme un groupe vaudois. L’occasion de parfaire son image en terres calvinistes? «Mon engagement n’a pas de lien avec ma fonction professionnelle, assure Tibère Adler. Et d’ailleurs, ma notoriété reste très limitée auprès du grand public. Mais Genève est ma ville, raison pour laquelle j’ai choisi de m’engager. Grâce à cette expérience, je retrouve beaucoup de vieux amis.»

Compatibilité mise en doute. Et aussi quelques détracteurs: «La majorité des gens ne connaît pas mon père, mais il compte également des ennemis, observe Quentin Adler. Certains prétendent que sa fonction de directeur des médias n’est pas compatible avec un siège à la Constituante.»

«Mon grand espoir, c’est que la future Constitution permette une meilleure organisation de l’Etat, qu’elle mette fin aux querelles entre la Ville et le canton, veut croire Tibère Adler. Je pense que le débat d’idées, complètement bloqué dans les institutions traditionnelles, trouvera un nouveau souffle à l’Assemblée constituante. Si je suis élu, j’aménagerai mon emploi du temps pour pouvoir respecter mon engagement politique. Je me battrai pour un cadre économique performant, conciliable avec le développement durable.»

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 9 octobre 2008.