Fondée il y a plus de 40 ans par deux frères alémaniques émigrés en Californie, la marque K-Swiss chausse aujourd’hui aussi bien Anna Kournikova que Gwen Stefani. Portrait d’une réussite planétaire.
Qui aurait pu imaginer que la passion pour le tennis de deux frères alémaniques, champions de ski exilés en Californie au début des années 60, allait aboutir à la création d’une collection de chaussures prisée par les «sneakers addict» du monde entier? C’est pourtant l’étonnant parcours de la marque K-Swiss, dont l’emblème rayé fait étrangement penser aux armoiries de quelque illustre famille helvétique.
La suissitude de cette basket, à la fois classique et urbaine, se manifeste tout d’abord bien sûr dans son nom (le K renvoyant au mot «Kalifornien», en allemand). Plus subtilement, les 5 bandes, présentes sur chaque modèle, font référence aux 5 crochets de fixation des chaussures de ski des années soixante. Le logo renvoie pour sa part directement aux blasons médiévaux des cantons suisses. Un modèle a même été baptisé Lozan… «Le lien avec l’esprit d’un pays comme la Suisse reste fondamentalement présent dans l’ADN de notre marque, souligne Renaud Barrillon, responsable de K-Swiss France. Notre objectif consiste à privilégier la qualité par rapport à la quantité et à nous positionner dans le premium, tant au niveau du sport que du streetwear.» Ce qui passe notamment par une distribution sélective: par opposition aux géants globalisés Adidas ou Nike, qui misent essentiellement sur le mass market, K-Swiss se situe dans un segment plus haut de gamme, aux côtés de griffes telles que Lacoste ou Fred Perry.
Ce positionnement permet à la marque d’enregistrer une forte croissance, tant au niveau de ses points de vente à travers le monde (300 à ce jour, contre à peine une centaine il y a encore deux ans) que de ses ventes. Le chiffre d’affaire mondial de la société s’est élevé en 2007 à 840 millions de francs (+ 5% par rapport à 2006), dont 216 millions uniquement pour l’Europe où la croissance est particulièrement forte (+35% par rapport à l’année précédente).
L’histoire commence il y a plus de 40 ans. Venus chercher en Californie un climat propice à la pratique du tennis, leur seconde passion après le ski, les frères Art et Ernest Brunner lancent à Los Angeles en 1966 la première chaussure de tennis entièrement en cuir, la Classic Original. Le succès est immédiat. Le modèle fera son apparition à Wimbledon l’année même. Il restera, jusqu’au rachat de la marque par l’industriel américain Steven Nichols en 1987, le seul modèle vendu par les deux skieurs suisses.
Le nouveau propriétaire va donner un second souffle à l’entreprise et la propulser sur la scène internationale. Convaincu du potentiel de développement de ces tennis 100% cuir, qu’il voit très tôt comme un classique, il convint un groupe d’investisseurs de racheter la société pour 20 millions de dollars. Il passe alors à la vitesse supérieure, développe le budget marketing – notamment en mettant en avant le côté suisse de la marque dans des publicités – et place à des postes stratégiques un personnel qualifié, débauché de grandes multinationales américaines. La visibilité et la popularité de la marque se renforcent, surtout hors des Etats-Unis, où des filiales voient le jour les unes après les autres.
Récemment, le principal succès de l’entreprise semble avoir été son entrée remarquée au sein de la tribu des branchés. En 2001, K-Swiss acquière une jeune marque de baskets, Royal Elastics, fondée cinq ans plus tôt par deux trendsetters australiens. La nouvelle entité se diversifie de plus en plus dans le streetwear, notamment en Asie, où elle s’installe en tant que marque de mode. La production s’étend aux polos, vestes, training, shorts, casquettes et autres accessoires. Le prix moyen des chaussures s’établit à environ 140 francs (un positionnement légèrement plus accessible pour les produits textiles). Au travers de Royal Elastics, K-Swiss produit une ligne de chaussures pour la marque d’habits de la chanteuse Gwen Stefani, L.A.M.B., et s’apprête à en faire de même pour celle des frères Madden du groupe de rock Good Charlotte.
Au-delà des cercles urbains et du show-business, K-Swiss reste très présent dans le domaine de la performance sportive, son secteur d’origine. La marque s’est alliée aux joueurs de tennis Tommy Haas et Mardy Fish, de même qu’à la paire australienne Woodford-Woodbridge (5 fois vainqueurs en double à Wimbledon) et à l’ex-joueuse russe reconvertie dans le mannequinat, Anna Kournikova. Aux Etats-Unis, la société s’investit fortement dans le triathlon, avec des contrats la liant à des athlètes confirmés, tels que Chris Leto ou Kathy Meyers. Enfin, l’entreprise se diversifie depuis peu dans la voile (elle a notamment sponsorisé l’année dernière l’America’s Cup, puis lancé une ligne d’articles nautiques) et dans le free running, discipline fondée par Sébastien Foucan, devenu ambassadeur de la marque.
Etonnement, alors que ce sont justement ses origines qui la différencient à l’étranger, la marque demeure peu répandue en Suisse. «La distribution de K Swiss reste très variable dans notre pays, confirme Philippe Huegli, product manager chez Intersport qui vend la marque dans certains magasins seulement. Le côté rétro existe ici depuis longtemps et la concurrence en matière de chaussures de tennis est rude. Ces baskets disposent selon moi d’un potentiel plus grand à l’étranger, notamment aux Etats-Unis où elles sont très bien implantées.»
Précisément, qu’en est-il des perspectives d’avenir au niveau mondial? «Jusqu’à aujourd’hui, nous avons été très orienté sport aux USA, lifestyle et sport en Europe et mode en Asie, souligne Renaud Barrillon de K-Swiss. Dans les années à venir, nous voulons développer la marque avec un seul et même positionnement, soit un mélange entre ces trois aspects. Notre objectif est d’entrer dans le top 8 des marques de sport global à l’horizon 2012 avec, comme principaux axes de croissances le textile, la performance, les femmes et le running.»
