Revoilà donc les blochériens dans le saint des saints. Pour un petit bulletin blanc et par la noire indécision des démocrates-chrétiens, ainsi que l’alignement grisâtre et militaire des radicaux (à la spectaculaire exception de Dick Marty).
Certes, l’élection au Conseil fédéral, à nouveau, d’un UDC dit modéré comme Hansjörg Walter, aurait généré plus de chaos que de sérénité et ne répondait à aucune justification (pas même la concordance mathématique puisque l’essentiel des 30% que pèse l’UDC est de nature blochérienne).
Le réel choix aurait été entre la présence de la vraie UDC et son absence clairement assumée, au nom d’une concordance programmatique, avec un gouvernement de centre-droit. Occasion manquée, tant pis.
Et maintenant? Faut-il espérer, avec certains analystes, que la réintégration de l’UDC au Conseil fédéral aura le même effet qu’elle eût jadis sur le PS? A savoir une normalisation à long terme, les hordes nationalistes se muant peu à peu, par le simple exercice du pouvoir, en dames patronnesses civilisées et collégiales?
Espérer que l’UDC finisse par perdre ses tics et prurits fleurant l’extrême droite, comme le PS s’est purgé de ses miasmes staliniens en 40 ans de participation au gouvernement? Espérer que, «tranchant dans la bataille mais fiable sinon», selon l’expression d’un de ses coreligionnaires, Ueli Maurer lui-même montre l’exemple, accomplisse le miracle alchimique qu’il a promis: troquer le costume de chef de meute à la salive vénéneuse contre celui de membre discipliné du collège gouvernemental?
Ou faut-il, au contraire, craindre que le parlement se soit fait une fois de plus rouler dans la farine par le couple machiavélique Blocher-Maurer? Qu’avec les convictions négatives très marquées du nouveau chef de la Défense en matière de libre circulation, ou son mépris claironné du droit internnational (y compris lors de son audition par le PDC), ce choix desserve l’intérêt supérieur du pays et ne contribue surtout qu’à faire ronronner les malodorantes marmites des partis?
Des partis bien contents, y compris à gauche, d’avoir une UDC gouvernementale sur laquelle se défausser pour justifier leur propre inaction. On connaît la chanson: c’est la méchante UDC qui bloque tout, on n’y peut rien, désolé.
Le conseiller aux Etats radical Dick Marty, sur les ondes de la Radio romande, n’a voulu laisser aucun bénéfice du doute à Maurer. Pour le Tessinois, difficile de croire qu’un homme qui «a bâti toute sa carrière sur l’exploitation des sentiments humains les plus bas» soit capable de changer. Et s’il y parvient quand même, se posera alors une autre question: «Tous ces hommes politiques qui changent si vite de visage, comment peuvent-ils être fiables?»
Enfin, que soit élu au nom de la concordance quelqu’un qui pendant des années a copieusement vomi sur cette même concordance, semble suffire à démontrer la duplicité et l’absence de convictions des chambres fédérales. Ceux qui croyaient avoir ainsi réglé le problème du cactus UDC ont d’ailleurs été vite détrompés. A peine Maurer élu, le président Toni Brunner s’empressait de signaler que l’UDC restait toujours sous-représentée et exigeait déjà un deuxième siège pour un candidat bien évidemment choisi par le parti.
Combien naïves dès lors sonnaient les déclarations des PDC Urs Schwaller (réclamant courageusement, après le scrutin, que l’UDC abandonne son chantage à l’exclusion lors de ce genre d’exercice) ou Dominique de Buman, croyant se faire menaçant en parlant de «dernière chance donnée à l’UDC».
Qu’importe, le mot sacré et sucré de concordance à la bouche, Fulvio Pelli et Christophe Darbellay sont contents. Le bonheur serein des idiots utiles?
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