LATITUDES

Perdre du poids sans privation

Plus efficace que les régimes restrictifs, le concept en vogue de «positive eating» prône le plaisir à table et les produits sains.

Assez de sacrifices. Pour perdre du poids, la tendance actuelle s’appelle positive eating. La méthode consiste à s’éloigner des régimes restrictifs, basés sur l’évitement obsessionnel de produits gras et sucrés, et à appréhender la nourriture différemment: prendre du plaisir et du temps pour manger des produits sains, mais également pour les acheter et les cuisiner soi-même.

Comble de l’ironie, c’est des Etats-Unis, pays emblématique des régimes light et fatfree consommés sur le mode industriel, que vient le terme positive eating. La technique pleine de bon sens porte ses fruits, comme l’a démontré une étude regroupant une centaine de femmes obèses: alors que les unes suivaient un régime classique, les autres appliquaient simplement la consigne de manger davantage de fruits et de légumes. Au bout d’un an, la perte de poids de ces dernières était de 20% supérieure.

D’autres études montrent que les gens qui passent du temps à faire leurs courses et à cuisiner ont nettement moins de risques d’avoir des problèmes de poids. «Positive eating? C’est une jolie dénomination, sourit la diététicienne Maaike Kruseman, professeur à la Haute Ecole de santé de Genève. Cette formule met un nom sur une attitude que les professionnels de la diététique encouragent vivement depuis quelques années. Car on constate de plus en plus que les régimes amaigrissants ne fonctionnent pas à long terme. Autrement dit, il vaut mieux ajouter des aliments qu’en enlever! Plutôt que de se focaliser sans arrêt sur ce qu’on s’interdit de manger, autant compléter son alimentation avec des produits sains.»

En pratique: moins d’aliments industriels et davantage de produits frais, à commencer par les fruits et légumes (les fameuses cinq rations quotidiennes) et des céréales complètes.

Les chantres de ce mouvement s’appuient sur des travaux canadiens, initiés dans les années 80. Ces enquêtes ont montré que la restriction par le comptage attentif des calories induit, dans un deuxième temps, une surcompensation et une reprise de poids importante. Il est donc préférable d’écouter davantage ses sensations et intégrer la notion de plaisir à son alimentation. «Cette approche entraîne aussi moins d’effets secondaires sur le plan psychologique», souligne Maaike Kruseman. Dans la foulée du mouvement Slow food, qui privilégie les aliments bio produits localement, le positive eating rassemble toujours plus d’adeptes par le biais des blogs et des forums en ligne.

La stricte privation de nourriture n’a plus la cote: le portail français Gros.org, un groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids, passe ainsi en revue «les différents régimes sur le marché de la “maigritude”, en proposant un regard très critique: «Le tabou institué sur certains aliments ne fait que les rendre plus attirants», observent les auteurs.

«Les spécialistes s’accordent aujourd’hui sur le fait que les régimes minceur ne mènent à rien, confirme le sociologue Jean-Marc Rinaldi, chercheur à l’Université de Genève. L’idée d’abandonner ces régimes constitue même une priorité en termes de santé publique.»

Le site internet Promotion Santé, une campagne nationale lancée en 2007, encourage précisément une approche plus saine et naturelle de l’alimentation. Dix-neuf cantons disposent d’ailleurs de programmes d’action allant dans ce sens, soit treize de plus qu’il y a un an. A l’aide de messages positifs et ludiques, et en évitant d’adopter un ton moralisateur, cette plateforme encourage un comportement plus sain au quotidien.

L’une des affiches de la dernière campagne montre, par exemple, une coupe de glace; deux boules qui, de plus près, se révèlent être une orange et une pomme…

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 15 janvier 2009.