TECHNOPHILE

Votre profil ADN pour 399 dollars

Une trentaine de start-ups réalisent des tests génétiques sur mesure, à des prix de plus en plus abordables. Un marché en forte croissance, que Google suit de près.

Tout s’accélère sur le nouveau marché des tests génétiques en libre accès. Par le biais d’internet, toujours plus d’entreprises proposent aux particuliers, contre un simple échantillon de salive, d’analyser leur profil ADN et de leur remettre des conclusions sur leurs risques de développer telle ou telle maladie ou affection, du diabète à l’infarctus en passant par une calvitie précoce. Une trentaine de sociétés, en majorité américaines, offrent déjà ce type de tests, dont les prix baissent rapidement et dans des proportions stupéfiantes.

L’entreprise californienne 23andme.com a franchi un nouveau palier l’automne dernier en repositionnant son offre largement sous la barre des 1’000 dollars, montant minimal à débourser pour un test génétique il y a seulement six mois. Désormais, contre la somme de 399 dollars (depuis la Suisse, il faut ajouter 70 dollars pour les frais de port), elle se propose d’évaluer près de cent traits et prédispositions génétiques.

Cette start-up a déjà séduit de nombreux clients, dont quelques stars comme Warren Buffet ou Ivana Trump. Sa fondatrice est aussi la compagne de Sergei Brin, cofondateur de Google, principal mécène de l’entreprise à hauteur de 4 millions de dollars. Google a par ailleurs également investi dans Navigenics, l’une des entreprises les plus connues avec DecodeMe, émanation de la société islandaise Decode Genetics.

Pour pouvoir proposer des tarifs aussi attractifs, la plupart des laboratoires recourent à des procédés d’analyse simplifiés: plutôt que de séquencer l’ensemble du génome, constitué de trois milliards de bases, ils concentrent leurs travaux sur un nombre limité de points. Chez 23andme, par exemple, l’analyse porte sur 600’000 points.

Au-delà du débat éthique qu’elle suscite, cette génétique récréative bouscule les milieux académiques, généralement critiques vis-à-vis des résultats obtenus. «Ces tests se fondent sur l’analyse de quelques traits génétiques, statistiquement associés à des facteurs de risque ou à une maladie, mais il ne s’agit en aucun cas d’une recherche exhaustive, constate Sébastien Jacquemont, médecin au Service de génétique médicale du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Cela revient à rechercher quelques fautes d’orthographes dans une encyclopédie. D’un point de vue médical, la valeur d’un tel test est parfois insignifiante. Dans le cas de la maladie de Parkinson, par exemple, cerner un trait génétique statistiquement associé à ce syndrome ne suffit pas à poser un diagnostique fiable pour un seul individu. La probabilité que ce dernier développe la maladie passe simplement de 1% à 2%. Or, en génétique médicale, nous n’entrons pas en matière lorsque le risque estimé est aussi faible.»

Les tests génétiques grands publics semblent néanmoins promis à un bel avenir, comme le laisse entrevoir les offres plus haut de gamme, déjà disponibles sur le marché. La société américaine Knome, fondée il y a un an, propose aux particuliers fortunés un séquençage complet de leur génome contre un chèque de 100’000 dollars. Là encore, le tarif pratiqué a chuté de façon spectaculaire car le même service était encore facturé 350’000 dollars il y a quelques mois. Et ce n’est qu’un début, puisque la société californienne Complete Genomics s’apprête à casser les prix, selon la chaîne d’information MSNBC. Objectif déclaré: un séquençage complet du génome pour 5’000 dollars!

«De notre côté, nous visons un tarif de 1000 dollars pour un séquençage complet, réplique Jorge Conde, CEO de Knome, sur le site de MSNBC. C’est un but tout à fait réaliste et qui sera atteint au cours des dix prochaines années, voire certainement plus tôt. L’avancée spectaculaire des technologies de séquençage des gènes, combinée à de gros volumes de demandes, va pousser les prix vers le bas.»

Parions qu’aux Etats-Unis, où la marchandisation des prédictions médicales est déjà très en vogue, de telles offres rallieront un large public. «La génétique est un milieu en pleine effervescence, admet Sébastien Jacquemont du CHUV. Même si elles partent un peu dans tous les sens, ces initiatives privées font bouger l’establishment.»

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Une version de cet article est parue dans le magazine Bilan.