KAPITAL

Heidi mène sa guérilla

La marque neuchâteloise de streetwear est déjà distribuée dans 19 pays. Ses fondateurs misent sur l’art urbain pour la faire connaître.

C’est une Heidi sous influence électro et manga qui s’attaque au marché mondial du streetwear. «Nous avons voulu moderniser l’icône suisse traditionnelle en la rendant plus urbaine», explique Willy Fantin, cofondateur avec Andreas Doering. Avec succès: leur marque Heidi.com est déjà distribuée dans 19 pays, dont l’Australie et le Japon.

Si le prénom Heidi ne pose pas de problème en termes de droits d’auteur, la ressemblance de leur logo avec le personnage du dessin animé japonais d’Isao Takahata, produit en 1974, a nécessité l’établissement d’un accord.

«En plus de notre site Internet, nous disposons de 120 points de vente, dit Andreas Doering. Notre chiffre d’affaires est sur le point d’atteindre le million de francs.» Avec une production annuelle de 20 000 pièces et une croissance de 30% par rapport à 2007, cette entreprise basée à Saint-Blaise (NE) a réussi à se faire une place dans le segment milieu de gamme de la mode.

«Nous ne nous comparons pas à des poids lourds comme Roxy ou Quicksilver, mais nous avons acquis une certaine crédibilité», estime Willy Fantin. Heidi.com emploie actuellement cinq personnes, collabore avec plusieurs stylistes indépendants et fait produire ses collections en Turquie.

Les premiers succès de l’entreprise sont d’autant plus remarquables qu’aucun de ses deux instigateurs n’avait d’expérience dans le textile avant de lancer la marque en 2003. «Les choses ont commencé par hasard, suite à la rencontre d’un voisin qui avait acquis le domaine Heidi.com en 1995 et ne savait pas trop qu’en faire, raconte Andreas Doering. Avec mon beau-frère, nous avons décidé de lancer une plate-forme d’e-commerce avec des produits suisses. Une amie graphiste avait dessiné le logo de Heidi, toujours utilisé, que nous imprimions sur des t-shirts dans notre cave.» Résultat: les clients achètent le t-shirt Heidi, mais pas le reste. Convaincu du potentiel de sa griffe, le duo décide alors de lancer sa première collection.

Les débuts sont difficiles: «Nous avons tout appris sur le tas», assure Willy Fantin. Mais ils persévèrent, courent les foires européennes de vêtements et démarchent infatigablement les distributeurs. Pour se faire connaître, ils décident de mettre en œuvre une stratégie de «guérilla marketing». «Quand on n’a pas d’argent, on a des idées, sourit Andreas Doering. Nous sommes des adeptes de l’art urbain. Nous avons donc naturellement utilisé ces techniques pour diffuser notre marque.»

Les deux entrepreneurs s’en donnent à cœur joie: ils collent des stickers dans des endroits insolites du monde entier, du Kilimandjaro à Kuala Lumpur, en passant par Sydney, et encouragent leurs clients à faire de même. Ils cadenassent des snowboards à l’effigie de Heidi dans les grandes villes européennes. «Nos snowboards sont aussi visibles que des affiches, et leur emplacement est gratuit, souligne Andreas Doering. Je pense que les jeunes sont plus réceptifs à une démarche originale qu’à une campagne publicitaire classique.»

Parallèlement, les deux Neuchâtelois ont conclu des partenariats avec des stations de ski. A Verbier, des snowboards cadenassés sont disséminés sur les pistes et les skieurs s’amusent à les retrouver.

«Cette manière de travailler nous motive et correspond aux valeurs de Heidi.com», résume Willy Fantin. Des valeurs auxquelles les beaux-frères tiennent autant qu’à leur indépendance: ils ont récemment refusé l’offre d’un gros distributeur suisse qui voulait placer leurs vêtements dans son rayon «Souvenirs».

«Accepter une telle proposition nous aurait fait gagner beaucoup d’argent, mais nous aurions perdu notre âme, confie Andreas Doering. Notre but consiste à construire une marque solide sur le long terme. Pour cela, nous préférons prendre notre temps.»

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Une version de cet article est parue dans le mensuel économique suisse PME Magazine du 1 avril 2009.