KAPITAL

Faire travailler des étudiants, une idée rentable

De plus en plus d’entreprises suisses, petites ou grandes, font appel à des étudiants dans le cadre de mandats précis. Une collaboration qui s’avère très souvent gagnante pour les deux parties.

«Travailler avec des étudiants représente un bon moyen pour une entreprise de mettre au concours plusieurs projets et d’obtenir ainsi une grande diversité et une large créativité. Pour les étudiants, il s’agit d’une occasion de mettre le pied à l’étrier et de bénéficier d’une première expérience en conditions réelles, avec une société qui a pignon sur rue.» Président de Visilab, Daniel Mori se réjouit de sa récente collaboration avec l’Ecal. Dans le cadre d’un concours lancé l’année dernière, des élèves de la Haute école d’art et de design de Lausanne ont conçu divers prototypes de montures de lunettes au style original, dont certaines finiront peut-être dans les magasins du leader de l’optique helvétique.

Les avantages d’un tel partenariat sont partagés: l’entreprise bénéficie d’une prestation de qualité à frais réduit, alors que les étudiants se voient offrir une belle opportunité d’exercer leurs premiers pas professionnels. «Il est évidemment plus économique de travailler avec des étudiants qu’avec une agence de designer, indique Daniel Mori. Toutefois, nous n’avons pas réalisé ce concours dans ce but. Notre objectif premier a été de donner l’occasion à des étudiants de réaliser des projets concrets et de voir ensuite dans quelle mesure ces projets pourraient être commercialisables.» Au total, le budget de l’opération s’est élevé à 20’000 francs. Les trois vainqueurs se sont vu attribuer une récompense totale de 7’000 francs (3’000 pour le premier prix et 2’000 pour les deux suivants).

Au-delà de cet exemple, amplement relayé par la presse, de plus en plus d’entreprises engagent des étudiants dans le cadre de mandats ponctuels. A l’Université de Lausanne, l’association «Junior entreprise HEC» met en contact chaque année une centaine d’élèves avec plus de 350 entreprises, dont plusieurs multinationales telles qu’Ikea, Nestlé, L’Oréal, Ernst & Young ou Migros: «Nous appliquons deux types de tarifs, relève son président Nicolas Selvadjian. Le premier s’établit à 65 francs de l’heure et concerne les mandats à haute valeur ajoutée pour lesquels des compétences techniques précises sont indispensables. Pour des mandats de type ‘sondages’, le tarif s’élève à 45 francs l’heure. Quoi qu’il en soit, c’est au minimum deux fois moins cher qu’avec un institut ou un cabinet spécialisé.»

Exploitant le même filon, deux anciens étudiants de la faculté ont crée il y a deux ans une société spécialisée dans le placement d’étudiants, baptisée Cusmic. «Beaucoup d’entreprises exigent deux ans d’expérience pour un premier emploi, regrette Michael Senn co-fondateur. Or, elles ont tout à gagner à engager des jeunes qualifiés et motivés qui ne demandent qu’à faire leurs preuves.» Agé de 24 ans, le jeune entrepreneur souligne les nombreux atouts de la «génération Y», à une époque où le savoir technique double tous les deux ans et où «les postes les plus demandés aujourd’hui n’existaient pas il y a quelques années encore».

cialis buy fournit ses services aussi bien à des PME locales qu’à de grandes multinationales actives dans le domaine financier, juridique, technique, dans la vente ou le marketing. Les mandats proposés peuvent aller du remplacement pour un semestre d’une collaboratrice partie en congé maternité, à de la saisie intelligente ou de l’assistance à la clientèle. «Beaucoup d’étudiants accomplissent ces missions, qui peuvent durer plusieurs semaines, entre un bachelor et un master», précise Michael Senn. Les tarifs de la société, qui annonce un chiffre d’affaire supérieur à un million de francs en 2008, varient entre 25 et 50 francs de l’heure. Elle dispose d’une cinquantaine de clients et a placé à ce jour environ 300 étudiants.

Les sociétés de très petite taille sont particulièrement demandeuses de ce type de services, comme le constate Sabina Rondic, psychologue du travail au service d’orientation et conseil de l’Université de Lausanne: «Cela leur permet de prendre moins de risques qu’en créant un nouveau poste, tout en absorbant une masse de travail considérable». Une fois encore, l’aspect financier s’avère particulièrement intéressant: les mandats proposés dans le cadre de ce service de l’UNIL sont rémunérés en moyenne 2’000 francs par mois pour un 100%.

Bien sûr, travailler avec des étudiants comporte aussi des inconvénients, notamment en raison de leur manque d’expérience. Ce qui implique, pour les mandats d’une certaine durée, de consacrer un, voire deux mois à la formation de l’étudiant. «Il faut assurer un bon encadrement durant les premières semaines et préparer le terrain, de la même manière qu’on le ferait pour tout nouveau collaborateur, résume Sabina Rondic. Pour les étudiants, ces expériences peuvent être déterminantes: dans un tiers des cas, elles débouchent directement sur un emploi stable.»

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Deux tiers des étudiants travaillent

Les étudiants sans job représentent de plus en plus une exception. Selon un rapport intitulé «La situation sociale et économique des étudiant(e)s dans les hautes écoles» réalisé en 2007 par l’Office fédéral de la statistique (OFS), 68% d’entre eux exercent une activité rémunérée en dehors des cours. Leur motivation majeure est d’ordre financier: dans la moitié des cas, il s’agit même d’une nécessité indispensable pour vivre. Un étudiant sur deux se dit cependant également stimulé par l’utilité de ces expériences en vue de son insertion professionnelle future.