La 40e édition d’Art Basel ouvre ses portes du 10 au 14 juin. Quarante ans, l’âge de raison? Après plusieurs éditions euphoriques, c’est la conjoncture, bien plus que les années qui passent, qui devrait amener un peu de tempérance sur les affaires de la plus grande foire d’art du monde. Sans avoir été un fiasco, Art Basel Miami Beach, la sœur cadette de la manifestation bâloise, a marqué un repli des ventes.
Difficile de savoir dans quelles proportions, puisque les galeries tiennent secret leur bilan tant en période de liesse que de vaches maigres. Mais certains analystes ont avancé un recul de 50%du chiffre d’affaires global. Récemment, le courtier en art Philippe Ségalot pronostiquait, dans les colonnes du «Monde», que 30% à 40% des galeries de Manhattan risquent de fermer leurs portes ces prochaines années.
Mais ArtBasel possède de nombreux atouts pour traverser cette tempête. La manifestation, créée en 1969 par un groupe de grands marchands bâlois, alors emmené par Ernst Beyeler, a réussi à s’imposer au fil du temps comme un rendez-vous obligatoire. Elle y est parvenue en devenant tout à la fois un événement populaire, qui attire 60’000 spectateurs par an, en offrant une pluralité d’événements dans un contexte convivial et, surtout, en n’invitant que les meilleures galeries du monde.
Preuve de l’attrait intact de la manifestation, l’organisation annonce un record de 1’100 candidatures pour l’un des stands de la foire. Parmi elles, le comité de sélection n’en a retenu que 300, un chiffre stable par rapport à l’an dernier, après une croissance ininterrompue du nombre de places accordées. Pour espérer obtenir un sésame, une galerie d’art contemporain doit satisfaire à de nombreuses exigences. Comme, par exemple, présenter un plateau diversifié, entre artistes émergents et plus établis, prouver qu’elle fournit une aide à la production et qu’elle s’occupe activement de la promotion de ses artistes.
Celles qui parviennent à séduire le comité doivent alors s’acquitter du loyer de leur stand, dont le prix au mètre carré dépasse les 400 francs. Celles qui échouent face au comité de sélection, ou qui n’ont pas les moyens de se porter candidates, peuvent se replier sur les événements satellites. Pour la treizième année consécutive, la Liste regroupe dans les locaux de l’ancienne brasserie Warteck les galeries (de moins en moins) avant-gardistes. D’autres événements comme Volta, Scope ou Bâle latina Hot Art privilégient également les jeunes pousses.
Lancée en 2000, ArtUnlimited est sans conteste l’événement le plus impressionnant de la manifestation. Cette exposition de 12’000 m2 (une surface équivalente à celle de l’Arsenal de la Biennale de Venise), dont le commissaire genevois Simon Lamunière est curateur, réunit des projections et des œuvres de grands formats que le cadre restreint des stands ne pourrait pas contenir. Au rez-de-chaussée, on trouve les plus importantes galeries et les représentants de l’art moderne. C’est là que les prix sont les plus élevés. L’étage regroupe des œuvres plus contemporaines.
En matière d’organisation, Art Basel fonctionne depuis trois ans avec un duo de directeurs exécutifs: la Suissesse Annette Schönholzer et l’ancien journaliste franco-américain Marc Spiegler. Un poste dédoublé qu’ils ont repris des mains de Samuel Keller – à l’époque en compagnie de l’Américaine Cay Sophie Rabinowitz – qui a démissionné entre-temps, directeur dont l’entregent a élevé la foire au rang de leader incontesté au début de la décennie. S’il a hérité d’un événement exubérant, le nouveau duo doit prouver, dès cette année, qu’il est capable de porter la foire vers de nouveaux sommets, malgré un marché en repli.
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«Je suis le ministre des Affaires étrangères»
Marc Spiegler, 41 ans, codirige la foire de Bâle depuis trois ans. Cet ancien journaliste franco-américain de renom, connu pour ses opinions tranchées sur le monde de l’art, adopte une prudence de Sioux dans ses nouveaux habits: il a répondu par écrit aux questions de Largeur.com.
Les ventes des galeries présentes à Art Basel Miami Beach auraient diminué d’environ 30%cet hiver, est ce que cela a affecté toutes les galeries?
Ce pourcentage ne correspond qu’à des estimations sur lesquelles je ne peux pas répondre car les galeries ne nous communiquent pas leur chiffre d’affaires. Nous avons parlé à la plupart des marchands présents pendant et aussi après la foire de Miami. Une majorité d’entre eux disaient que les ventes se sont beaucoup mieux déroulées que prévu et qu’ils avaient noué d’importants contacts au cours de l’événement.
Vous ne pouvez pas nier que le marché de l’art a tendance à se contracter sous l’effet de la crise financière…
Bien sûr, le marché est affecté par la crise financière, mais plutôt dans le sens où les collectionneurs prennent plus de temps avant de se décider à acheter. Ils ressentent moins la pression et n’ont plus besoin de conclure rapidement pour qu’une oeuvre ne leur échappe pas.
Qu’est-ce que ces résultats mitigés impliquent pour la prochaine édition bâloise?
Nous nous trouvons dans une bonne position en tant qu’acteur central dans un marché en phase de consolidation. Notre rôle principal consiste à réaliser la meilleure foire possible, mettre en œuvre le maximum d’énergies pour que nos manifestations aient lieu dans un climat propice au succès de nos galeries. Nous nous investissons également dans la promotion des galeries en renforçant, par exemple, notre équipe de relations VIP autour du monde. Nous avons aussi engagé des efforts de visibilité sur internet.
Faut-il s’attendre à des baisses de prix conséquentes Des œuvres?
Nous ne fonctionnons pas comme une maison de vente aux enchères et nos galeries ne suivent pas non plus cette logique. Les prix ne sont par conséquent pas liés à la spéculation et devraient rester stables lors de la prochaine édition.
Auriez-vous des conseils de bonnes affaires à réaliser pour nos lecteurs?
Je les inviterais à passer beaucoup de temps à examiner les différents secteurs de la foire, à acheter ce qui produit une émotion en eux, à aller visiter les magnifiques expositions des musées de Bâle et à se faire de nouveaux amis dans le monde de l’art!
Vous avez une position très exposée à la tête d’Art Basel, qu’est-ce qui vous motive?
Certainement l’appui que nous fournissons aux galeries. Nous croyons fermement au système des galeries qui fonctionne dans l’intérêt des artistes. C’est la raison pour laquelle Art Basel se consacre entièrement à ce soutien, d’autant plus en cette période.
Depuis le départ de Cay Sophie Rabinowitz, comment vous répartissez-vous les rôles avec la Suissesse Annette Schönholzer, co-directrice de la foire?
Annette Schönholzer et moi prenons toutes les décisions stratégiques en commun, ce qui nous plaît beaucoup car le dialogue est toujours plus intéressant qu’un monologue. Sur certains points, nous nous partageons les tâches, mais de manière générale, on peut considérer Annette Schönholzer comme la ministre de l’Intérieur et moi comme le ministre des Affaires étrangères.
En quoi votre passé de journaliste vous aide-t-il à ce poste?
En tant que journaliste du monde de l’art, je me chargeais notamment d’analyser le marché. La seule différence aujourd’hui, c’est que je ne publie pas les résultats de mes recherches. Grâce à elles, je travaille maintenant au bénéfice des galeries qui participent à nos foires.
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