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«La consommation d’électricité va exploser»

Le patron du Groupe E, Philippe Virdis, estime que le bouquet énergétique suisse sera bouleversé. Plus écologique, il devrait délaisser les sources d’énergie fossile au profit des renouvelables.

«Les sources d’énergie utilisées en Suisse vont évoluer de manière très sensible. Bien sûr, la volonté de protéger l’environnement en diminuant l’utilisation des énergies fossiles jouera un rôle primordial. Tout comme leur raréfaction d’ailleurs.» Pour Philippe Virdis , le directeur général de Groupe E, les préoccupations environnementales entraîneront un bouleversement de nos habitudes dans les vingt prochaines années.

Selon les prévisions des experts, les réserves de pétrole et de gaz naturel rentables n’en ont plus que pour quarante et soixante ans, respectivement.

Résultat: «Dès que la conjoncture repartira, le prix des énergies fossiles s’envolera de nouveau pour ne plus redescendre», prévoit le conseiller national (PS/VD) Roger Nordmann, membre de la Commission environnement, énergie et aménagement du territoire (CEATE).

En 2029, la Suisse aura donc diminué massivement son utilisation d’énergies fossiles (mazout, gaz et pétrole), qui représentent actuellement 60% de l’énergie totale consommée dans le pays. Cette baisse aura des conséquences positives sur l’environnement, puisque «les émissions de CO2 seront réduites de 40 à 50% en 2029», estime Roger Nordmann.

En remplacement des énergies fossiles, l’utilisation de l’électricité devrait connaître un véritable boom. «En 2029, l’électricité se sera largement substituée au pétrole et au gaz, confirme Philippe Virdis . Résultat: sa consommation explosera.» Actuellement, la Suisse utilise environ annuellement 65 térawattheure (TWh), en hausse de 1,5% par an, selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS).

«Dès 2025, la croissance annuelle pourrait être de 5 à 6%», estime le directeur de Groupe E. Pour répondre à cette demande accrue, «les sources d’énergie actuelles ne suffiront pas», et des investissements massifs seront nécessaires. Conséquence pour le consommateur: «Le prix de l’électricité sera beaucoup plus élevé. En 2030, la facture des usagers aura doublé par rapport à aujourd’hui. Mais cela restera tout à fait supportable pour le consommateur.»

L’énergie nucléaire couvre actuellement quelque 40% de la consommation totale d’électricité en Suisse, selon l’OFS. A l’heure où le débat sur le remplacement des vieilles centrales fait rage, les avis divergent quant à la situation dans vingt ans. «La moitié du parc actuel, soit les deux réacteurs de Beznau et celui de Mühleberg, aura été remplacée en 2030», estime Philippe Virdis . Optimiste, le patron du Groupe E espère que «ce remplacement se fera au profit de réacteurs aux dimensions beaucoup plus petites qui fonctionneront par fusion nucléaire et non plus par fission. Cela permettra une diminution de la consommation d’uranium, une durée de vie des unités plus longue et un bien meilleur contrôle des réactions: la fusion ne présentant pas le risque d’un emballement du réacteur, contrairement à la fission.»

Cet avis n’est pas partagé par Roger Nordmann: «Il ne sera pas nécessaire de remplacer les centrales existantes, puisqu’en 2030 les énergies renouvelables seront suffisamment développées pour se passer de l’atome. A ce moment-là, elles devraient remplacer plus de la moitié de la production nucléaire, soit 15 TWh sur 29.»

Les experts sont unanimes: la part prise par les énergies renouvelables dans la production d’électricité ne cessera d’augmenter ces prochaines années. «En 2030, au moins 10% de la production électrique suisse sera assurée par des énergies renouvelables, estime Philippe Virdis . Cela représente plus d’une fois et demie la consommation actuelle des cantons de Neuchâtel et de Fribourg réunis.» Pour encourager une utilisation accrue de ces énergies, l’aide de l’Etat sera précieuse. «De nombreuses incitations, comme le rachat du courant renouvelable et une partie du remboursement des coûts d’installation, seront maintenues ou mises en place pour aider au développement des énergies renouvelables», explique Roger Nordmann.

Dans l’ordre d’importance, l’éolien devrait devenir la première source d’énergie renouvelable, selon Philippe Virdis . Suivront la mini-hydraulique, la biomasse et le photovoltaïque. Reste que selon le patron de Groupe E, «l’hydroélectricité, le nucléaire et les énergies renouvelables ne suffiront pas à assumer la croissance de la consommation. De nouvelles sources de production devront donc voir le jour d’ici à 2030. Nous verrons apparaître des unités de production d’électricité à partir d’hydrogène, que chacun pourra avoir chez lui. Nous sommes actuellement à deux-trois ans d’une commercialisation. En 2030, elles auront envahi les habitations et feront partie de notre quotidien.»

Concrètement, l’hydrogène sera produit grâce à des cellules photovoltaïques, permettant la dissociation des molécules d’eau (H2O), en hydrogène (H2) et en oxygène (O2). L’hydrogène produit pourra ensuite servir à la production d’électricité pour les usages courants ou stocké en bonbonne, pour faire rouler un véhicule propre doté d’une pile à combustible. «Nous n’en sommes plus très loin. Honda et Michelin disposent d’ores et déjà de prototypes de voitures carburant à l’hydrogène. Le résultat est impressionnant: le pot d’échappement de ces véhicules ne rejette que de l’eau.»

Pour mettre en place ces systèmes de production de l’hydrogène, les cellules photovoltaïques devront toutefois être améliorées. «Elles présenteront un meilleur rendement, seront beaucoup plus fines – afin d’économiser le silicium – et bien meilleur marché. A ce niveau, les travaux du professeur Michael Graetzel, à l’EPFL, sont prometteurs.»

En Suisse, les projets d’exploitation de l’énergie géothermique se multiplient. Pourtant, cette ressource reste encore largement sous-exploitée. «La géothermie, c’est-à-dire l’exploitation de la chaleur de la terre, présente un véritable potentiel. Nous ne sommes pas si loin de pouvoir en bénéficier, mais le développement d’une source d’énergie joue beaucoup sur l’émotion. Ainsi, les secousses sismiques survenues à Bâle, près de la future centrale géothermique projetée dans le quartier de Petit-Huningue, ont conduit à l’arrêt total du programme. Ce type d’événements peut remettre en cause une source d’énergie, à l’image des accidents nucléaires.»

«En 2009, je dis oui aux voitures hybrides, mais ce n’est qu’une étape. En 2030, nous disposerons de voitures entièrement propres», prédit Philippe Virdis . Outre les véhicules à pile à hydrogène évoqués précédemment, des voitures électriques plus classiques seront commercialisées. «Elles fonctionneront avec un nouveau type de batterie encore à développer, qui disposeront d’une durée de vie plus longue que les modèles actuels.»

En parallèle, les transports publics devraient connaître un essor sans précédent: «Nous allons assister à une concentration des villes d’ici à 2030, ce qui permettra de réduire les déplacements individuels, souligne Roger Nordmann. A l’intérieur de ces villes plus grandes, les transports publics seront renforcés.»

«A l’inverse de nombreux pays comme les Etats-Unis, la France ou l’Allemagne, la Suisse n’est pas soumise aux lobbies pétroliers ou de l’industrie automobile. Elle possède en outre une concentration de chercheurs très importante, qui devrait lui permettre de jouer le rôle de leader de «l’économie durable», prédit Philippe Virdis . En 2030, je vois donc une Suisse qui recréera plus de valeur industrielle qu’aujourd’hui. Une Suisse leader, créatrice d’emplois et de valeurs éthiques reconnues.» «L’économie verte permettra de renforcer l’économie helvétique, conclut Roger Nordmann. Les emplois de demain sont dans les énergies renouvelables.»

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Profil

Philippe Virdis est né en 1948. Ingénieur électricien diplômé de l’EPFL, il est directeur général du Groupe E depuis janvier 2006. Auparavant, il a travaillé pour BBC-Sécheron, IBM (Suisse) et plus récemment au sein des Entreprises Electriques Fribourgeoises (EEF), de EEF et ENSA (Electricité Neuchâteloise).

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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.