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Oublier la grande histoire en savourant la petite

Pour aller défendre UBS à Washington, Micheline Calmy-Rey renonce au brunch à la ferme du 1er août. Tant pis pour elle.

Coup dur et consternation à Montagny, dans la Broye fribourgeoise. Cause de cet émoi: non point le silence de plus en plus lugubre des papables cantonaux au Conseil fédéral — Schwaller «le prédestiné» et Chassot «la joker» — mais plus sérieusement un gros lapin posé par Micheline Calmy-Rey.

La cheffe du DFAE devait en effet participer dans cette bonne commune au traditionnel brunch patriotique à la ferme, le 1er août prochain. Mais voilà, il se trouve qu’elle a beaucoup mieux à faire: s’en aller le 31 juillet du côté de Washington papoter avec son homologue américaine Hillary Clinton. Adieu lait frais, pain croustillant, œufs à la coque encore chauds, fromage onctueux, confitures cristallines, röstis grésillants: pour Micheline, ce sera l’amère potion UBS qu’il faudra déguster jusqu’à la lie.

La Conseillère fédérale pourra se consoler en recyclant dans la capitale américaine le discours de premier août qu’elle avait sans doute déjà préparé pour les habitants de Montagny. Elle le martèle en effet depuis quelques jours: dans cette affaire des données de 52’000 clients américains d’UBS que le fisc étasunien réclame, «il en va de la souveraineté de la Suisse». Bref, un seul mot d’ordre: résister le plus longtemps possible à l’arrogance des nouveaux baillis yankees.

Sur leur lancée, Clinton et Calmy-Rey pourront s’entretenir aussi d’autres sujets encore plus indigestes. Le Proche-Orient par exemple. Peut-être l’Américaine remerciera–t-elle la Genevoise d’avoir permis à des collaborateurs du DFAE de rencontrer à Genève une délégation du Hamas. Esquisser un début de dialogue avec le Hamas semble faire partie en effet des plans d’Obama.

Dommage pourtant que la découverte de cette rencontre entre diplomates suisses et le sulfureux Mahmoud al-Zahar ait eu lieu le même jour que l’annonce du refus du Conseil fédéral de recevoir le Dalaï-Lama. Un curieux message est ainsi délivré: mieux vaut, si l’on entend avoir l’oreille de la Suisse, justifier la pratique des attentats-suicides et la destruction d’un Etat démocratique plutôt que prôner la non-violence absolue, même envers les serpents venimeux et les mouches à merde.

Tout cela ne sent d’ailleurs pas très bon. Ici, realpolitik déclarant le Hamas «acteur qui compte au Proche-Orient». Mais Hitler aussi était un «acteur qui compte» dans l’Allemagne des années trente, sans que cela inclue qu’on soit obligé de lui serrer la pince. Là, défense à tout prix des gros tricheurs de l’impôt.

On pourra donc préférer, l’espace d’une matinée réellement patriotique, s’intéresser plutôt, tartines de miel en bouche, à la vraie vie à Montagny. La commune a eu la bonne idée, en marge de son histoire officielle, de raconter sur son site les petits faits curieux qui ont jalonné son existence.

Tenez, en 1502, les autorités ont payé «22 sous au bailli et à ses employés pour fumer une sorcière pendant 4 jours.» Saluons également en 1900 la nomination d’Auguste Bugnon comme taupier, avec droit cependant concédé aux propriétaires du hameau du Grabou d’attraper eux-mêmes leurs taupes. Notons aussi en 1901 le montant de l’impôt sur les domestiques: «3 F pour les masculins, 1 F pour les féminins». En 1908, Montagny, où le bon-vivre n’est pas qu’un mot, rejette l’initiative fédérale sur l’interdiction de l’absinthe, par 26 non contre 18 oui.

1920: installation d’une barrière sur la route au Motelon pour endiguer la fièvre aphteuse qui s’est déclarée à Payerne. Tracasserie fiscale toujours en 1922: une distinction est suggérée, dans l’impôt sur les bicyclettes, entre «vélos de luxe et vélos d’ouvriers». Etc.

Dommage, oui dommage, que Micheline Calmy-Rey ait manqué cette occasion unique d’ajouter une ligne dans l’humble mais combien réelle chronique de Montagny. Tout aussi réelle que le feuilleton des magouilles de l’UBS, lequel, un jour pas si lointain, n’aura guère plus d’importance que le montant de la dette de Montagny en 1892: 19’052 francs.