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Ces métiers bien payés mais boudés par les jeunes

large030809.jpgFrédéric Bonjour, du groupement suisse de l’industrie mécanique, est amer: «Nous constatons un manque d’intérêt des jeunes pour les métiers techniques. Il faudrait former deux fois plus d’apprentis pour assurer la relève dans les professions comme automaticien ou polymécanicien. Si la pénurie s’aggrave, notre secteur devra renoncer à des commandes ou à certains marchés.»

Du côté de l’Association vaudoise des bouchers, Giovanni Giunta dresse un constat similaire: «Nous n’arrivons pas à remplacer les bouchers qui partent à la retraite. Nous ne trouvons plus assez d’apprentis.»

Inadéquation. Malgré cette situation préoccupante, cette année, comme les précédentes, des milliers de jeunes Suisses resteront sur le carreau et ne trouveront pas de places d’apprentissage. «Il existe une inadéquation entre l’offre et la demande, résume Jean-Richard Margot, en charge de la promotion des métiers à la Fédération vaudoise des entrepreneurs. Une place de boucher à Sainte-Croix n’intéressera personne, alors qu’un poste d’employé de commerce à Lausanne rassemblera 300 dossiers.»

Un constat corroboré par une enquête de l’Office d’orientation scolaire vaudois qui indique un décalage entre l’intérêt suscité par certains métiers et le nombre de places offertes. Les filières du tertiaire, ainsi que celles du secteur artistique et social, sont les plus sollicitées par les jeunes, alors qu’elles n’offrent pas beaucoup de places de travail. A l’opposé, les professions du bâtiment, mécaniques ou techniques, qui offrent de nombreux emplois sûrs, ont du mal à recruter.

«Beaucoup de mes camarades n’aiment pas le travail manuel, car ils ont peur de se salir les mains, témoigne Christiane Blanc, 20 ans, apprentie constructrice métallique à Lausanne. Ils trouvent plus confortable de rester à l’école ou de travailler dans un bureau.»

De nombreux professionnels de l’orientation le constatent, il devient de plus en plus difficile de convaincre les jeunes d’accepter des professions manuelles, avec des horaires irréguliers, impliquant de se lever très tôt. Les stéréotypes sexués ont également la vie dure: les filles continuent de ne s’intéresser qu’à un panel très réduit de professions, comme coiffeuse, esthéticienne ou assistante médicale. Quant aux garçons, ils veulent en majorité devenir informaticiens ou concepteurs de jeux vidéo.

«La difficulté réside souvent dans une méconnaissance des filières, observe Grégoire Evéquoz, directeur de l’Office d’orientation professionnelle à Genève. Il existe plus de 200 métiers, c’est dommage de ne pas s’y intéresser.»

Le prestige d’un secteur revêt aussi de l’importance lors du choix d’une profession, notamment auprès des parents, dont l’influence reste prépondérante. «Pour certaines mères, il n’est tout simplement pas question que leur fils devienne menuisier ou mécanicien, même si ses résultats scolaires sont faibles, raconte Jean-Daniel Zufferey, président de la conférence suisse des orientateurs professionnels. Il faut contrer cette croyance selon laquelle la réussite passe exclusivement par le secteur tertiaire ou les études universitaires.»

Du côté des professions sinistrées, on regrette évidemment ces appréhensions négatives. Pour Frédéric Bonjour, le principal problème lié au manque d’attrait de certains secteurs réside dans l’impossibilité de capter les jeunes talentueux. «Vu que les professions mécaniques représentent souvent un deuxième choix, nous ne trouvons pas les profils adéquats. Nous devons nous rabattre sur des candidats faibles scolairement, qui ont des problèmes en maths et en orthographe. Le taux d’échec a passablement augmenté.»

Un problème d’autant plus ennuyeux que la majorité des métiers techniques ou du bâtiment ont évolué et exigent des compétences plus élevées. «L’informatique prend toujours plus de place, que ce soit dans la menuiserie ou la maçonnerie, considère Jean-Richard Margot. Le contremaître vient sur le chantier avec son téléphone mobile et son ordinateur portable et il est bien payé. Ce qui joue en notre défaveur, c’est cette image de profession sale et pénible physiquement. Celle d’un bonhomme en salopette qui creuse dans un tas de terre avec une pelle, tel qu’il apparaît sur le panneau officiel des chantiers. Cette représentation ne correspond plus au métier actuel, dont la pénibilité physique a beaucoup diminué avec la technologie.»

En faisant un brevet ou une maîtrise fédérale dans un métier du bâtiment, un jeune s’ouvre de belles perspectives professionnelles et salariales. «Dans ma profession, le chômage et la crise n’existent pas, souligne fièrement Christiane Blanc. Les débouchés sont nombreux et on peut facilement devenir indépendant.»

Une situation qui prévaut pour de nombreux métiers peu prisés, comme celui de nettoyeur en bâtiment: «La compétition étant moins rude, les jeunes motivés deviennent souvent chefs d’équipe peu après leur CFC», précise Stephanie Kriesel, responsable de la communication chez Login, la communauté de formation des entreprises de transport.

De bons salaires, des perspectives de carrière intéressantes et un travail assuré ne semblent toutefois pas suffisants pour améliorer l’image des métiers mal aimés auprès du public. C’est pourquoi des associations professionnelles ont lancé de grandes campagnes de promotion pour convaincre les jeunes.

«Nous avons investi plus d’un million de francs dans notre site, un clip vidéo et des programmes de stage, raconte Frédéric Bonjour. Résultat: quelques contrats d’apprentissage supplémentaires. La bataille est dure et l’on se demande parfois si ça vaut la peine. Mais l’inaction serait encore plus catastrophique pour notre secteur.»

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Les secteurs qui sont en sous-effectif

Nettoyeur en bâtiment

Plus de 5’000 francs mensuels après 5 ans

Beaucoup estiment que pour nettoyer, il n’est pas nécessaire de faire un apprentissage. Faux. Le métier de nettoyeur en bâtiment exige des connaissances techniques afin de déterminer les méthodes de nettoyage. Cette formation sur 3 ans permet d’obtenir une maturité professionnelle et de prendre rapidement des responsabilités. Juste après le CFC, le salaire minimum s’élève à 4100 francs bruts. Seulement 257 jeunes se forment actuellement dans ce domaine très demandé. 4600 francs mensuels en fin d’apprentissage

Plâtrier

4600 francs mensuels en fin d’apprentissage

Le plâtrier possède d’excellentes capacités en calcul et utilise diverses technologies pour construire des cloisons, des parois, ou des faux plafonds. Le CFC de plâtrier se déroule sur 3 ans et peut être complété par une maturité professionnelle. Actuellement, environ 470 jeunes sont formés dans cette filière en Suisse. Un métier qui ne connaît pas le chômage et permet de se mettre rapidement à son compte. A la sortie de l’apprentissage, la convention collective fixe le salaire à 4600 francs bruts.

Constructeur de voies ferrées

Plus de 5’000 francs mensuels après 5 ans

Une profession dont l’avenir est assuré, car le rail prend toujours plus d’importance. Le constructeur de voies ferrées possède un important bagage technique. Il pose les rails et les aiguillages pour les trains. L’apprentissage dure 3 ans et débouche sur des postes de chef d’équipe ou de contremaître. Cinq ans après l’apprentissage, le salaire dépasse largement les 5’000 francs. Une centaine de jeunes sont actuellement formés, mais il en faudrait 30% de plus.

Boucher

3800 francs mensuels en fin d’apprentissage

Les bouchers-charcutiers sont soumis à des normes d’hygiène très strictes. Les métiers de la viande se divisent en deux filières: boucher-charcutier (production) et gestionnaire du commerce de détail (vente). La formation se déroule sur 3 ans et peut être complétée par une maîtrise fédérale. Plus de 700 jeunes se forment dans ce domaine. Ce n’est pas assez pour répondre à la demande. Le métier est régi par une convention collective qui fixe le salaire à 3800 francs bruts après l’apprentissage, puis à 4800 après quelques années.

Polymécanicien

Avec l’expérience, peut atteindre 7’000 francs

Un métier qui traîne son image de cambouis, alors qu’il nécessite de bonnes compétences en mathématiques ainsi qu’un sens aigu de l’organisation. Le polymécanicien planifie les opérations d’usinage pour des métaux ou des matières plastique. Avec de l’expérience, il devient responsable de production. Il gagne jusqu’à 7’000 francs par mois. Actuellement, quelque 7’000 jeunes suivent cette formation sur 4 ans en Suisse. Il en faudrait deux fois plus.