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Lisse comme Broulis

On peut couper les cheveux en sept et trouver à redire contre toutes les candidatures au Conseil fédéral. Sauf celle du Vaudois. Un candidat trop idéal pour être honnête?

Heureux qui comme Pascal Broulis a lu l’Odyssée «en vers». «Pour un fils de Grec, c’est bien le minimum», pourraient tempêter en choeur Schwaller, Lüscher et tous les autres. Futé, aussi, comme Pascal Broulis, qui possède un petit carnet de campagne dans lequel il note tout ce qu’il fait et tous ceux qu’il appelle.

C’est Le Matin qui nous apprend ça, dans une envolée hagiographie digne d’un journal mural chinois — «Rencontrer les autres, voir les possibilités de l’ailleurs. Au fond voilà la vraie passion de ce Vaudois au père grec». Décidément, ce père grec, c’est à peu près tout ce qui intrigue chez le gentil, l’ultra sympathique Broulis. Voir la saisissante et délicate première question, la semaine dernière, de ce qui devait être la première interview de Broulis sollicité par le Blick: «Broulis, kein Schweizer Name, oder?» Comment dit-on «va te faire voir chez les Grecs» en grec?

Mais Le Matin, le Blick et les autres ont des excuses. Eux aussi, sans doute, auraient bien aimé parler d‘autre chose. Oui mais de quoi? Rappeler, comme l’ATS dans un copier-coller qui sent bon l’été 2003 que canicule vient de canicula, petite chienne, et surtout petite étoile (Sirius de son vrai nom) haut dans le ciel de la mi juillet à la mi août et que les Anciens — encore des Grecs probablement — rendaient responsables des touffeurs estivales?

Dans cette touffeur, justement, c’est Ueli Maurer qui est venu apporter un peu d’air frais. Avec une intéressante diversion: Ueli le terrible mué en Maurer le collégial se prononce donc pour une nouvelle réduction des contingents de l’armée. Un bon tiers quand même, ce qui ne semble pas loin de friser l’anti-militarisme primaire. Ou du moins ressemble furieusement à la politique de réformes et de modernisation menée, sous les huées de l’UDC, par son prédécesseur Samuel Schmid.

Mais là, pas un cri dans les travées blochériennes. Fort, se dit-on, ce Maurer. D’autant plus fort qu’il ne s’agit peut-être que d’un trompe-l’œil. Une réduction d’effectifs bêtement imposée par la démographie, rien de plus, tandis que pour les affaires qui comptent — l’envoi de troupes à l’étranger par exemple — Ueli retrouvera bientôt sa casaque de pitbull UDC.

Une chose paraît quand même sûre et nous renvoie au feuilleton du moment. Se souvient-on de la consternation massive qui accueillit l’élection de Maurer? Un paysan obtus dont on se rend pourtant compte aujourd’hui qu’il est un bien meilleur ministre que le cafouillant Samuel Schmid. De quoi se dire que peu importe le candidat, peu importe la chenille, qui ne présage en rien du futur papillon.

Alors on peut bien couper les cheveux en quatre et même en sept. Relever par exemple que les régions actuellement représentées au Conseil fédéral sont Genève, Zurich et la Suisse orientale. Qu’à cette aune, donc, l’élection la plus contraire à l’esprit de la Constitution, qui exige une juste répartition, serait celle de Martine Brunschwig Graf. Que le Tessin est un canton de plus en plus peuplé de suisses alémaniques, et qu’ainsi le choix le moins à même de représenter la latinité ne serait pas celui du bilingue fribourgeois Schwaller mais du Luganais Pelli.

Ou au contraire perfidement fouiller dans les archives et trouver qu’une seule fois un germanophone issu d’un canton majoritairement romand, le Haut-valaisan Joseph Escher, accéda au Conseil fédéral, et qu’il était alors considéré comme alémanique et siégea donc aux côtés de deux vrais romands. Voilà qui suffirait à rendre illégitimes les ambitions de Schwaller.

On a beau chercher, rien en revanche à redire à la candidature Broulis. Sauf justement l’exemple de Maurer. Le roi Pascal n’est-il pas un trop bon candidat? Ne sera-t-il pas, une fois élu, guetté par une sorte de fatalité à décevoir, une espèce de syndrome Obama? Trop lisse, Broulis? Vite, notons ça dans un petit carnet.