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Comment Rivella résiste à tous ses concurrents

large270809.jpgVoilà plus d’un demi-siècle que Rivella se maintient parmi les piliers du folklore nutritionnel helvétique. Une longévité qui doit beaucoup à une ligne directrice claire, de laquelle la société basée à Rothrist ne s’est jamais écartée: depuis sa fondation en 1952, elle mise exclusivement sur des thématiques traditionnelles proches de la Suisse, comme les activités en plein air, la santé ou les sports d’hiver.

Cette stratégie, couplée à une forte implantation au sein des restaurants et commerces de détail sur l’ensemble du territoire, lui vaut aujourd’hui de détenir au niveau national près de 20% de parts de marché (15% en volume) dans le secteur des boissons rafraîchissantes sans alcool, soit la deuxième place derrière le leader Coca-Cola. Une prouesse pour une entreprise non cotée en bourse et restée aux mains de la famille fondatrice Barth.

«L’année dernière nos ventes ont augmenté de 9,4% à 154,1 millions de francs, se réjouit Franz Rieder, CEO du groupe. Ce bon résultat est en partie dû au fait que la Migros a retiré sa marque exclusive Mivella pour la remplacer par Rivella, ainsi qu’au lancement de Rivella jaune, qui a dynamisé l’ensemble de la marque.» En termes de volume, la production a progressé de 7,6% pour atteindre 111,4 millions de litres. La consommation annuelle dans le pays s’élève ainsi à onze litres en moyenne par habitant.

Déjà produite par Rivella, mais avec une formule différente, la déclinaison propre au géant orange n’a, selon Migros, pas trouvé auprès de la clientèle «la même acceptation que la boisson originale». «Mivella était une marque que nous produisions depuis 1995 exclusivement pour la Migros, détaille Franz Rieder. Toutefois, tant sa recette que son image ont clairement été différenciées.» D’où un remplacement qui bénéficie aujourd’hui aux deux parties.

En ce qui concerne le lancement en août dernier de Rivella jaune, variante à base de sérum de soja, l’entreprise ne dispose pas encore de chiffres précis, mais relève qu’aucune cannibalisation avec les autres variétés n’a eu lieu et que la nouvelle venue dispose d’une «petite, mais fidèle» communauté de consommateurs. «Nous escomptions, et le commerce également, une plus large acceptation. C’est pourquoi nous avons procédé, dès cet été, à des optimisations dans le domaine du goût, mais aussi du design de l’étiquette et des bouteilles.»

Reste que la performance d’ensemble de l’entreprise argovienne, dont les effectifs s’élèvent à près de 300 personnes, n’est pas anodine. Dans un contexte difficile marqué par une compression des marges et une forte concurrence dans la branche, Rivella, depuis peu recensée dans l’inventaire du patrimoine culinaire suisse, a enregistré l’année dernière son deuxième meilleur résultat depuis 2003, année caniculaire d’exception pour le secteur des boissons.

Une recette ultrasecrète
Que de chemin parcouru depuis le retour de ce jeune Suisse d’un voyage en Amérique au début des années 50. Dans ses bagages, il emportait une étonnante recette de boisson à base de sérum de lait et de mélange d’herbe… Misant sur le potentiel commercial de ce breuvage lacté encore inconnu, son frère, Robert Barth, décide d’en acheter les droits et débute la production.

Il commence par fidéliser grossistes et restaurateurs sur les rives du lac de Zurich, puis dans le reste de la ville. Elément clé du succès de l’entreprise, la densité de son réseau de distribution ne cesse de se renforcer auprès de milliers de clients dans l’hôtellerie, la restauration et le commerce de détail, favorisant une croissance constante.

Soucieux de développer une identité propre à la jeune marque, Robert Barth choisit le nom «Rivella», en référence au mot italien rivelazione (révélation) et instaure très tôt les thématiques phares de ce petit-lait. La boisson devient notamment partenaire officielle d’institutions du sport helvétique, tels que Swiss-Ski, Swiss Olympic, l’Association suisse de Unihockey ou l’Aide sportive suisse.

Avec sa version bleue, elle devance dès la fin des années 50 la grande vague du light qui déferlera sur le globe quelques années plus tard. Autre particularité: à l’image de Coca-Cola, la formule originale de la boisson ne reste connue que d’un cercle extrêmement restreint d’initiés.

Dès 1983, le «Docteur» Barth saisit la possibilité de reprendre les jus de fruits Michel, dont les ventes passent de 800’000 litres à l’époque à près de 10 millions à ce jour. L’entreprise multiplie durant les années 90 le lancement de nouveaux produits: Mivella pour la Migros, Rivella vert, ainsi que toute une série de boissons dérivées de Michel. Elle s’élargit en reprenant l’entreprise Fruchthof et acquière des droits de licence de Vitality Foodservice, une société de boisson basée en Floride. En parallèle, le développement international se poursuit, notamment en Hollande, principal marché étranger de la marque.

C’est en cherchant à s’implanter sur sol américain que Rivella connaît un premier échec. Une page qui fait aujourd’hui définitivement partie du passé: «Les USA ne sont plus un thème d’actualité. Nous nous sommes retirés en 2005 suite à un test de marché réalisé en Floride, lors duquel nous avons constaté que la dépense pour un lancement réussi aurait dépassé nos possibilités. Afin de maîtriser les conditions de marché et les structures commerciales américaines, nous aurions dû développer nos connaissances à partir de zéro, ce qui aurait impliqué un coût énorme.»

En dépit de ce contretemps, Rivella n’abandonne pas ses marchés extérieurs, où sont consommés aujourd’hui environ 18 millions de litres de sa production, contre 94 pour le marché national. Elle privilégie toutefois des pays géographiquement et culturellement plus proches (Hollande, Luxembourg) ou mise systématiquement sur des régions limitrophes pour se développer, comme le sud de l’Allemagne, l’est de la France et l’ouest de l’Autriche.

Le futur s’annonce cependant plus délicat pour la marque argovienne. En raison de la concurrence toujours plus forte des autres soft drinks (Coca-Cola, Fanta, Sprite, Pepsi, Sinalco, Schweppes ou Orangina) mais aussi — et surtout — de la crise que traverse actuellement le secteur de la restauration.

«Depuis le début de cette année, nous ressentons un net recul des ventes dans le domaine de la gastronomie, confirme Franz Rieder. Les consommateurs se restreignent et vont moins souvent manger dehors. Dès lors, nous serions très satisfaits si les résultats de cette année pouvaient atteindre, au moins, le même niveau qu’en 2008.» Pour y parvenir, une fin d’été chaude et sèche sera déterminante, et indispensable…

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Rivella en chiffres

Chiffre d’affaires
154 millions de francs en 2008

Production
111 millions de litres en 2008

Parts de marché
20% dans le secteur des boissons rafraîchissantes sans alcool en Suisse

Effectifs
271 employés
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Une version de cet article est parue dans le magazine Bilan