GLOCAL

Urs et Didier, l’attaque des clones

Le match qui se profile entre Burkhalter et Schwaller ne risque guère d’échapper au syndrome du bonnet blanc, blanc bonnet. Analyse au microscope.

À Tripoli, l’un, Didier, se serait aussi excusé, et l’autre, Urs, non pas du tout. Avec le match Burkhalter-Schwaller qui se profile pour le 16 septembre, aurait-on enfin une chance d’échapper à l’habituelle partie de courte-paille où les parlementaires ont simplement à choisir entre Charybde et Charybde, l’eau et l’eau, la peste et la peste?

Évidemment les deux larrons ne campent pas toujours là où on les attend. Le radical par exemple, interrogé sur ses recettes pour juguler l’explosion programmée du chômage l’an prochain, exhibe un catalogue digne d’une logorrhée popiste: «Mesures de réinsertion, incitations à la formation complémentaire, formation et intégration pour les jeunes». Tandis que le démocrate-chrétien, lui, tient un discours parfaitement …radical: «Investissements, procédures simples et rapides, niveau raisonnable des impôts pour favoriser l’emploi.»

Mais on sait bien sûr ce que valent les positionnements électoraux et on peut imaginer, sur ce point précis, que chacun tente d’appâter l’un ou l’autre des groupes réfractaires — la gauche dogmatique pour Burkhalter, la droite affairiste pour Schwaller. Et puis, avouons-le, au chapitre des — petites — différences, c’est à peu près tout. Urs est pour la poursuite des bilatérales, Didier aussi. L’un estime qu’il faut refuser toute future transmission automatique de noms de clients de banques suisses même si des gouvernements étrangers nous le demandent bien poliment. L’autre aussi.

Tous deux, quand on leur cause AVS, rétorquent: «Assainissement de l’AI». Sur la question de plus en plus urgente du nucléaire — l’abandonner, construire de nouvelles centrales, ou remplacer quelques centrales existantes –, il faut carrément sortir le microscope pour départager les deux challengers. L’un, Schwaller, est partisan de remplacer «deux centrales au maximum», et l’autre, Burkhalter, «une ou deux». En matière de santé, ni l’un ni l’autre ne croient à la fameuse taxe de consultation de 30 francs, chère au docteur Couchepin.

Toutes ces proximités n’ont rien d’étonnant: on ne voit pas bien ce qui pourrait séparer durablement un radical centriste et un PDC orthodoxe. Bon d’accord, leurs profils «smartvote» indiquent bien quelques minuscules étrangetés mais qui ne font en réalité que rapprocher les deux personnages, renforcer leur équivalence.

Pour ceux qui trouveraient Schwaller trop à gauche — notamment sa défense de l’Etat social –, ses votes au parlement rappellent que sur d’autres sujets, comme l’immigration ou la sécurité, il se situerait plutôt plus à droite que Burkhalter. Et ceux qui trouvent Burkhalter trop à droite, notamment ses positions économiques très libérales, se consoleront en apprenant qu’en contrepartie le bonhomme serait plutôt plus ouvert que Schwaller sur l’étranger.

Plaignons donc les députés qui auront à trancher. L’UDC d’entrée se simplifie la tâche: ses représentants ne veulent ni de l’un ni de l’autre. L’un parce qu’il n’aurait pas de personnalité et l’autre parce qu’il ferait basculer le Conseil fédéral vers une prétendue majorité de centre-gauche, autrement dit l’horreur absolue.

Les Verts sont plus embêtés et leur président Ueli Leuenberger avoue que ce sera partagé: les uns choisiront «la personnalité», les autres plutôt «l’appartenance partisane». Sauf que le moins écolo des deux — Burkhalter — est aussi celui doté de la personnalité la plus terne.

Le PS, lui, juge les candidats tellement égaux qu’il pourrait limiter son choix à de pures considérations tactiques: ne pas hypothéquer les futures chances du sénateur fribourgeois Alain Berset, et ne pas se fâcher avec les radicaux dans l’optique d’un retour d’ascenseur lorsqu’un siège socialiste sera à repourvoir. Dans les deux cas, c’est Burkhalter qui tire les hypothétiques marrons du feu.

Bref, cette élection pourrait se jouer sur l’air de «Félicie», cette scie de Fernandel qui se braille encore au fond de certains carnotzets et qu’on pourrait ressortir pour la nuit des longs couteaux: «Il avait du poil aux pattes, Félicie… aussi! On aurait dit une andouille, Félicie… aussi!»