L’agglomération genevoise connaît l’une des plus fortes croissances démographiques en Europe. Mais la construction n’avance pas, submergée par une avalanche de recours. Explications.
Avec un taux de vacance des logements à 0,22%, l’un des plus bas au monde, la région genevoise s’enlise toujours plus dans son immobilisme. Les grands projets sont plombés par des centaines d’oppositions et recours de la part de propriétaires de villas, de défenseurs du patrimoine ou d’associations de locataires.
Seulement voilà, le bassin genevois, cinquième métropole européenne en termes de croissance démographique, est censé accueillir 200’000 habitants de plus d’ici à 2030, selon les statistiques reconnues par tous les acteurs majeurs. «Il faut cesser de cultiver un esprit de village gaulois, s’exclame Benoît Genecand, président de la Chambre genevoise immobilière. Nous avons le choix entre un lent déclin ou alors l’acceptation du développement urbain. Si l’on construisait 2500 logements par an, on commencerait à résoudre le problème, mais nous en sommes loin. Je ne vois pas de progrès manifeste. Il faut que le Conseil d’Etat empoigne cette question comme la priorité numéro un. Pour le moment, Genève ne fait qu’exporter ses problèmes de logement en France voisine.»
Une situation qui agace d’ailleurs le voisin français: «Il faudra des décennies pour corriger le tir, estime Michel Charrat, président du Groupement européen transfrontalier. Ce sont les aléas de la démocratie directe. Du côté français, on dispose de davantage d’armes légales pour déclarer qu’un projet est d’intérêt public. A Genève, la politique menée par le Conseil d’Etat reste trop frileuse.»
Tout n’est pas perdu pour autant grâce au projet Praille-Acacias-Vernets, qui prévoit de créer une ambitieuse zone mixte (logements et bureaux) dans ces anciens quartiers industriels. Mais à peine le projet était-il esquissé que l’Asloca sortait l’artillerie lourde en lançant un référendum. «Oui, nous bloquons la construction de bureaux!» tonne Christian Grobet, vice-président de l’association. Un accord semble toutefois se dessiner autour du projet, qui pourrait accueillir à terme 14’000 logements.
L’ouverture de la ligne de RER Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse (CEVA) permettra également d’insuffler une nouvelle dynamique, comme le souligne Nicole Surchat Vial, cheffe genevoise du Projet d’agglomération: «Les futurs espaces de développement doivent se situer aux nœuds de transports publics. Il s’agit de lieux où l’on se rend sans regarder les horaires, car de là partent des trams, des RER et des bus toutes les 10 minutes dans toutes les directions.» Le CEVA jouera un rôle structurant pour l’agglomération genevoise, car il se déploiera précisément autour de ces points nodaux.
Et si l’heure était venue de s’enthousiasmer? «A Genève, il y a une obsession des chiffres. Il faut aussi penser en termes de qualité de vie, insiste Bruno Marchand, professeur à l’EPFL, membre associé du Bureau d’urbanisme Delama. Nous avons la chance de disposer, dans le quartier Praille-Acacias-Vernets, d’une grande étendue bientôt très accessible grâce au CEVA. Il ne s’agit pas de raser complètement ce qui existe et de dénaturer le lieu mais de créer un espace urbain agréable. L’exemple du Flon à Lausanne montre qu’une telle réalisation est possible.»
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Une version de cet article est parue dans l’Hebdo.
