KAPITAL

Presse: le salut par le micropaiement

Frappés par une crise publicitaire sans précédent, les éditeurs de journaux veulent rendre payant l’accès à leurs sites, notamment au moyen d’articles vendus à la pièce.

Le 6 août dernier, Rupert Murdoch surprenait toute l’industrie en annonçant qu’il allait rendre payant l’accès en ligne à tous les journaux de son empire médiatique (The Times, tadalafil cialis 200mg, The Sun, tadalafil proper dosage…). Un revirement stratégique spectaculaire, d’autant que beaucoup d’éditeurs qui avaient tenté l’expérience ont fait ensuite machine arrière.

La culture de la gratuité éditoriale, fortement ancrée sur l’internet, aurait-elle vécu? «Murdoch se voit comme un faiseur de marché, tempère Valérie Boagno, directrice adjointe du quotidien Le Temps. Mais le modèle économique de la presse en ligne ne changera pas sur une simple décision ou par effet de mode. Il faut que le marché soit mûr. D’ailleurs, Murdoch prétendait exactement le contraire il y a deux ans, en proclamant que les sites éditoriaux financés par la publicité seraient plus rentables.»

Mais le contexte a changé: les journaux payants sont malmenés par la concurrence des quotidiens gratuits et de l’internet. Surtout, ils souffrent cette année d’une chute vertigineuse des volumes publicitaires (de 30 à 40% par rapport à l’an dernier).
«La gratuité représente le futur du journalisme — exactement comme une falaise l’est pour une bande de lemmings», grinçait en février déjà Walter Isaacson, un ancien éditeur de Time Magazine. Exsangues, bien des groupes de presse semblent prêts à revenir au modèle payant, d’autant qu’une démarche synchronisée, initiée par un géant comme le groupe de Rupert Murdoch, pourrait faciliter la transition.

Mais quel modèle de rémunération choisir? Dans le monde entier, les éditeurs n’ont cessé de louvoyer entre payant et gratuit, en expérimentant de multiples formules. L’exemple le plus célèbre reste celui du New York Times, qui s’était essayé en 2005 au «tout payant». Malgré plus de 220 000 clients, il avait fini par renoncer deux ans plus tard, craignant de voir ses revenus publicitaires diminuer encore. La crise actuelle l’amène à considérer un nouveau retour au payant…

Dans ce contexte, le Financial Times (FT) a aujourd’hui le beau rôle. A contre-courant, le quotidien saumon avait dès 2002 osé faire passer les internautes à la caisse et il n’a pas dévié depuis. «On nous regardait bizarrement, confiait récemment son directeur, John Ridding. Nous nous sentions d’ailleurs plutôt seuls dans le monde du payant…» Mais le relatif succès du site FT.com (117 000 clients) tient certainement à son statut particulier dans l’univers de la finance, qui le considère comme incontournable — ainsi qu’a l’aisance matérielle de son public cible.

Pour être rentable, la presse en ligne payante doit surmonter deux obstacles de taille: l’habitude de la gratuité chez les internautes et leur allergie à remplir des formulaires qui leur demandent leur adresse et surtout leur numéro de carte de crédit.
Le Graal pour les éditeurs — comme pour de nombreux autres services — serait une solution de micropaiement permettant des transactions rapides pour des sommes inférieures à 1 franc, et qui ouvrirait la voie à la vente d’articles à l’unité.

«Il faut absolument minimiser les obstacles lors du paiement, résume David Marcus, fondateur genevois de Zong, une start-up américaine spécialisée dans les micropaiements. Pour la grande majorité des internautes, entrer les 16 chiffres d’une carte de crédit prend trop de temps pour de petits montants. Ils s’arrêtent à mi-chemin.»

Pour éviter cet écueil, de nouvelles solutions de micropaiement passent par le téléphone. L’utilisateur, après avoir transmis son numéro de mobile, reçoit un SMS avec un code à 4 chiffres qu’il introduit sur le site pour conclure la transaction. Celle-ci sera ensuite facturée par l’opérateur téléphonique, qui percevra au passage une commission allant jusqu’à 50%.

D’autres systèmes demandent d’appeler un numéro surtaxé qui débite en quelques secondes le montant voulu, ou passent par le fournisseur d’accès internet qui s’occupera de la facturation mensuelle. «Les médias mélangeront vente à l’unité, paquets d’articles et abonnements, prévoit David Marcus. Une transaction rapide sans carte de crédit sera obligatoire pour un journal désirant s’étendre au-delà de sa base de lecteurs habituels, s’il veut également toucher les internautes occasionnels arrivés via un moteur de recherche.» Zong confirme d’ailleurs poursuivre des discussions avec un «grand groupe de médias américain» — sans le nommer, et qui pourrait bien être justement Newscorp, l’empire de Murdoch…

«Le journalisme de qualité n’est pas bon marché», répète Rupert Murdoch (et tous les éditeurs en chœur). Mais combien vaut-il exactement et, surtout, quel montant un internaute est-il prêt à débourser pour lire un article? «Il est encore trop tôt pour se prononcer: nous devons d’abord établir une stratégie claire et former les journalistes pour passer du mono au multimedia, répond Valérie Boagno, du Temps. Donner un prix à un article reste un sujet tabou dans le milieu de la presse, car il pourrait être perçu comme un jugement de valeur, ce qui peut heurter certaines sensibilités.»

David Marcus estime à 50 cents (55 centimes) le prix d’un article dans un titre de qualité comme le Wall Street Journal. Mais à un tel tarif, acquérir une poignée d’articles en ligne reviendrait plus cher que les 2.50 dollars que coûte la version papier…
«J’imagine des montants de 10 à 20 centimes, simplement en divisant le prix du journal par la quinzaine d’articles qui seront effectivement lus, dit pour sa part Henry Muller, ancien rédacteur en chef du magazine américain Time. Il faut aussi comparer avec d’autres produits vendus en ligne: une chanson que l’on écoutera des centaines de fois s’achète pour un franc.»

Le succès du magasin en ligne d’Apple, l’iTunes Store, démontre certes qu’il est possible de vendre du contenu sur internet — mais sa taille colossale (des centaines de millions d’utilisateurs et des milliards de téléchargements) rend la comparaison avec la presse sujette à caution, même avec des prix beaucoup plus bas.

Et si on descendait le prix d’un article à 1 ou 2 centimes — soit dix fois moins qu’un simple SMS — en tablant sur une lecture plus intensive des internautes? Pour l’instant, les frais d’exploitation limitent le montant minimal d’une transaction. David Marcus indique que Zong peut descendre à 10 cents.

Mais reste la question du confort: un utilisateur ne voudra pas introduire un nouveau code pour chaque article qu’il veut acheter. Les nouvelles solutions de micropaiement permettront d’automatiser ce processus, ou de regrouper la facturation en cas de lecture de plusieurs articles. D’ici là, les éditeurs devront, une fois de plus, choisir leur camp.

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La presse internationale sur l’internet: des modèles variés

Si Rupert Murdoch annonce la fin du tout gratuit chez News Corp, The Guardian s’accroche depuis ses débuts au libre accès. Quant au Monde ou à Libération, ils proposent différents contenus payants, d’un abonnement mensuel à 6 euros pour le premier (contre 26 pour le journal papier) à l’édition du jour pour le second. De multiples approches, preuves d’un secteur en pleine réflexion.

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo.