tadalafil price uk

Grippe A, le vaccin divise les médecins. Et vous?

Alors que les doses vaccinales seront disponibles à la fin du mois, les professionnels de la santé ne sont pas tous prêts à se faire vacciner. Que faire? Enquête auprès des spécialistes.

«Et toi, tu vas te faire vacciner?» Depuis l’annonce de l’arrivée imminente des vaccins contre la grippe A(H1N1), c’est la question du moment. Mais il est difficile de répondre lorsque même le corps médical, pourtant censé conseiller la population, se montre divisé. Selon un sondage réalisé par l’IFOP (Institut français d’opinion publique), 46% des médecins français n’envisagent pas de se vacciner quand 52% se disent prêts à le faire.

En Suisse, la plupart des professionnels de la santé hésitent: «Je suivrai les recommandations du médecin cantonal, avance le docteur lausannois Philippe Vuillemin. Pour le moment, je n’ai rien reçu, donc je ne sais pas.» Les directives de l’OFSP (Office fédéral de la santé publique) sont pourtant claires: «Le personnel de santé est vivement encouragé à se faire vacciner, relaie Eric Masserey, médecin cantonal vaudois. Personnellement, je le ferai par souci d’exemplarité.»

A l’opposé, une minorité de médecins clame leur opposition: «Je fais quotidiennement des vaccins, mais celui contre la grippe A est un vaccin que je ne prendrai pas et que je refuserai de faire à mes patients», martèle Pascal Büchler, généraliste à Yverdon-les-Bains et membre du collectif de réflexion Infovaccins.

Pourquoi une telle véhémence? Les raisons avancées par les sceptiques du vaccin sont de plusieurs ordres. D’abord, son inutilité supposée. «Aujourd’hui, je n’ai pas envie de me précipiter sur ce vaccin, parce que je doute que l’épidémie soit aussi importante qu’annoncée», témoigne l’infirmière vaudoise Françoise Ammeter. Cette impression que la grippe A ne sera qu’un feu de paille et qu’il est donc inutile de se faire vacciner est amplifiée par le fait que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) et les médias annoncent depuis des mois une pandémie qui tarde à venir et s’est révélée relativement bénigne dans l’hémisphère sud, pourtant dépourvu de vaccin.

Les chiffres sont têtus: le 12 octobre, l’OFSP recensait 1291 cas en Suisse sur les… 1 à 2 millions attendus. Dans le monde, l’OMS décompte 4000 morts depuis le début de la pandémie — quand la grippe saisonnière en fait 250 000 à 500 000 par an. «La grippe A représentera probablement trois fois rien, ce qui peut inciter les gens à ne pas se faire vacciner, confirme Jacques de Haller, président de la Fédération des médecins suisses (FMH).

Mais c’est oublier un peu vite que les personnes non vaccinées transmettent la maladie.» Or, les professionnels de la santé sont, par définition, en contact permanent avec des personnes à risque. «Je ferai le vaccin pour me protéger moi-même et surtout pour diminuer le risque de transmettre la grippe A à ma famille, mes amis et mes patients… dont certains sont particulièrement vulnérables», témoigne Claire-Anne Siegrist, professeure aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et présidente de la Commission fédérale pour les vaccinations.

Dans les milieux médicaux, il se murmure également que le vaccin, réalisé en trop peu de temps, n’aurait pas été suffisamment testé. «C’est incroyable, nous sommes en pleine expérimentation sur la population, s’insurge Pascal Büchler. Nous allons injecter en masse un vaccin sans disposer du recul nécessaire.» Cette thèse est renforcée par le fait que, aux Etats-Unis, les entreprises pharmaceutiques fabriquant le vaccin grippal A(H1N1) ont signé, le 15 juin dernier, une clause d’immunité avec le gouvernement. En clair, en cas d’effets indésirables de leurs produits, elles ne pourront être poursuivies en justice, sauf fautes professionnelles délibérées.

«Je suis un peu harcelé par mes collègues et amis médecins qui me demandent si le vaccin est dangereux, raconte le Dr Albert Garcia, employé chez Sanofi-Pasteur, l’une des entreprises qui produit le vaccin. Mais leur peur n’est pas fondée, elle est liée à une méconnaissance.» Pour Philippe Sudre, médecin cantonal délégué à Genève, les allégations de dangerosité sont effectivement dues à un manque de communication. «Des questions m’ont été posées, y compris par le personnel soignant, sur l’innocuité du vaccin. Nous disposons de toutes les réponses: il n’est pas dangereux. Malheureusement, les détracteurs du vaccin sont presque les seuls à s’être exprimés, lançant la suspicion. Il y a clairement un important déficit de communication des experts et des autorités sur cette question.» Qu’en est-il vraiment?

Les vaccins grippaux A(H1N1) ont été développés par les firmes pharmaceutiques en à peine six mois. Trop court? A priori non. «Depuis 2005, nous travaillons sur le vaccin H5N1 et chaque année nous réalisons celui contre la grippe saisonnière en un temps très court. Pour H1N1, nous avons utilisé les mêmes processus, qui sont donc éprouvés, explique Albert Garcia. De plus, nos vaccins grippaux A(H1N1) ont été testés sur plus de 6000 personnes âgées de 6 mois à plus de 64 ans. Les autorités sanitaires, aussi bien américaine qu’européennes, ont donné leur autorisation de mise sur le marché, confirmant leur innocuité.»

Reste le problème des adjuvants, ces molécules ajoutées aux vaccins pour accroître leur efficacité. Les vaccins grippaux A(H1N1) qui seront disponibles en Europe contiendront pratiquement tous un adjuvant, le squalène. «Cette molécule peut provoquer des maladies auto-immunes, telles que le syndrome de Guillain-Barré, une paralysie qui peut être fatale», affirme le Dr François Choffat, auteur du livre La grippe? Pas de panique!, paru en octobre 2009.

Cette thèse est alimentée par un fait marquant: en majorité, les vaccins grippaux A(H1N1) disponibles aux Etats-Unis ne contiennent pas de squalène… au contraire de la plupart de leurs homologues européens. En effet, cette molécule a été plus ou moins suspectée d’avoir provoqué le syndrome de la guerre du Golfe chez certains G.I. américains. Depuis, l’Oncle Sam l’autorise avec parcimonie.

Pour autant, existe-t-il un risque? Claire-Anne Siegrist se veut très rassurante: «Les risques du vaccin contre la grippe A(H1N1) sont estimés comme minimes, essentiellement limités à une réaction inflammatoire au site de la piqûre (douleur et rougeur), un mal de tête, des courbatures ou une fièvre. Quant aux adjuvants, les mêmes (ndlr: le squalène), ont déjà été utilisés dans de nombreux vaccins diffusés dans le monde à des dizaines de millions d’exemplaires, sans conséquences sanitaires.»

_______

«Les risques du Vaccin contre la grippe A(H1N1) sont estimés comme minimes»

Le vaccin en trois questions.

Le vaccin grippal A(H1N1) est-il efficace?

Oui. L’OMS estime qu’une seule dose sera nécessaire, contre deux prévues initialement. «Après une injection, nous observons une très forte protection, ce qui laisse à penser qu’une dose devrait suffire. Mais c’est aux organismes de santé de décider», explique Albert Garcia (Sanofi-Pasteur).

Le vaccin contre la grippe saisonnière protège-t-il contre la grippe A?

A priori non. Une étude publiée dans le British Medical Journal suggère que le vaccin 2008-2009 contre la grippe saisonnière pourrait offrir une certaine protection contre la grippe A(H1N1). Mais selon les spécialistes, «le niveau de preuve n’est pas suffisant».

Les vaccins arriveront-ils à temps?

«Il faut espérer que la vaccination puisse démarrer en Suisse au plus tard le 2 novembre, avant que l’immense majorité de la population ne soit infectée», explique Claire-Anne Siegrist. L’autorisation de mise sur le marché dépend de Swissmedic, qui n’a pas donné son feu vert. Le vaccin devient efficace une quinzaine de jours après l’injection.

_______

Une version de cet article est parue dans l’Hebdo.