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Raphaël Comte, un Tanguy sous la coupole

Il habite encore chez ses parents et il est devenu le plus jeune sénateur de l’histoire suisse. Un pâle Neuchâtelois de plus ou un réel nouveau talent? Les paris restent ouverts sur le futur politique de Raphaël Comte.

«Pas d’apéro arrosé ni de gueuleton», se désole le correspondant neuchâtelois du Temps. C’est sûr, le successeur de Didier Burkhalter au Conseil des Etats, Raphaël Comte, 30 ans, n’est pas un rigolo et a donc célébré sa victoire de la plus spartiate des manières: en compagnie de ses parents, chez lequels il habite toujours.

Ce qui ne constitue pas encore un crime. N’empêche, la présidente du parti libéral-radical neuchâtelois, Violaine Blétry-de Montmollin, a cru bon, sur la Première, d’expliquer que cette vie privée réduite au minimum, entre lectures sérieuses et musiques forcément classiques, n’aurait pas que des désavantages. Comte, qui confesse même «la flemme» d’aller au cinéma, se profilerait comme un représentant à 300% du canton de Neuchâtel sous la Coupole. Lui, plus modeste, chiffrerait plutôt ça à 200%, ce qui n’est déjà pas si mal.

Donc cet homme-là ne pense et ne vit que pour la politique. Cela non plus n’est pas un crime. Juste peut-être une limitation. En tout cas, même s’il avoue être un couche-tard — attention, s’il veille la nuit, ce n’est que pour bosser encore un peu plus, tout le monde ne s’appelle pas Garbani —, Raphaël Comte s’annonce déjà comme un très mauvais client. Au moins pour les médias. «Pâlot, presque falot», s’énerve L’Hebdo, qui en rajoute dans la désolation: «Ni comique, ni léger», «second couteau besogneux et grave»…

Voici donc le pauvre Comte déjà couronné, cette fois par Le Temps, clône quasi officiel de Didier Burkhalter. Ou plutôt, et plus joliment, «successeur gémellaire». Aïe! On a peur de comprendre: aussi fade, ennuyeux et concordant que son glorieux aîné. D’ailleurs, lui-même veut voir dans cette grisaille partagée «comme un signe». C’est-à-dire la preuve — mais on s’en doutait déjà — qu’un charisme d’huître ne vous ferme pas automatiquement les portes du Conseil fédéral.

Quant au reproche d’âge trop tendre (30 ans, pour un sénateur, est-ce bien sérieux?), il le balaie avec le fameux mais toujours bon mot voulant que la jeunesse soit un défaut dont on guérit heureusement chaque jour un peu davantage.

Benjamin, de toutes façons, chez lui, c’est une manie. Plus jeune député, plus jeune président de parti, etc. Ce qui ne l’empêche pas d’éclater les dinosaures qui s’y frottent. C’est contre l’avis du comité directeur du PLR qu’il a remporté les primaires face au procureur Pierre Cornu. Un notable victime, ô paradoxe, de son manque d’expérience politique face à un blanc bec surmotivé. Et malin comme un (vieux) singe, faisant valoir que si l’on additionnait ses mandats successifs et souvent cumulatifs (conseiller général puis communal chez lui à Corcelles-Cormondrèche, président de l’association des Communes neuchâteloises, etc.), on arriverait à 24 ans d’activités politiques.

Quand on vous dit que Raphaël Comte n’a jamais rien fait d’autre. Comme un vulgaire fils Sarkozy, il n’a par exemple pas encore trouvé le temps de terminer ses études de droit. Mais est-ce si important?

D’autant qu’il avoue puiser aux sources les plus vénérables de la sagesse: l’Antiquité gréco-romaine. Et puis, quelqu’un qui invoque Gogol, ou affirme que Balzac est «un écrivain plus talentueux que les écrivains contemporains» risque d’apparaître comme un vivifiant novateur dans cette Berne fédérale où l’amour des vieux livres semble se limiter au tapageur enthousiasme d’un Freysinger pour Nietzsche.

Enfin, si on le chatouille sur son positionnement politique, si on l’oppose par exemple à la figure historique de Thierry Béguin (représentant d’un radicalisme neuchâtelois humaniste en voie de disparition) pour en faire un affidé du radicalisme zurichois «inhumain» et ne rêvant que d’en découdre une fois pour toutes avec l’Etat social, il rétorque être juste «partisan de finances publiques équilibrées».

Pour les finances privées, c’est autre chose: Raphaël Comte a été de loin le candidat le plus dépensier dans cette campagne à la succession de Didier Burkhalter. 40’000 francs claqués contre 25’000 et 20’000 pour ses principaux rivaux, la verte Francine John-Calame et l’UDC Pierre Hainard. Là aussi, la valeur n’attend, semble-t-il, pas le nombre des années.