KAPITAL

Eolien et solaire: le moment d’investir

Energie renouvelable la plus mature et la mieux établie, l’éolien représente à court terme un bon secteur d’investissement. A long terme, ses perspectives apparaissent toutefois plus limitées que celles du solaire. Décryptage.

«Parmi les énergies alternatives, notre choix principal se porte actuellement sur l’éolien, rapporte Nicolas Rochon, responsable du pôle environnement chez Financière de Champlain, à Paris. Il s’agit d’un secteur mature, rentable et qui ne souffre pas d’une guerre des prix. Nous sommes optimistes et misons sur une croissance de 15% par an sur les quinze prochaines années.»

En dix ans, les coûts de production de l’éolien ont fortement chuté, à tel point que le secteur est devenu quasiment compétitif avec les énergies fossiles, selon le rapport conjoint de l’Agence des Nations Unies pour l’environnement et de la société New Energy Finance. «La taille des pales a été développée, ainsi que la productivité, ce qui permet de diviser par deux des coûts de production, explique Martin Kernen de l’association Suisse-Eole. Il y a toutefois encore des défis en ce qui concerne le bruit, le transport et le stockage de l’électricité.»

En 2008, le secteur a attiré plus de 51 milliards de dollars d’investissement dans le monde. Mieux, entre 2003 et 2008, il a affiché une croissance phénoménale à deux chiffres (avoisinant les 30%), avant de chuter durant la crise à 1% en 2008 et à 0% en 2009. Résultat: «La valorisation des entreprises est actuellement faible, poursuit Nicolas Rochon. Mais nous devrions assister à une remontée dès le second semestre 2010.»

«Nous sommes optimistes pour l’éolien, car les conditions de financement des différents projets vont s’améliorer, confirme Christophe Churet, analyste du fonds Smart Energy Fund chez Sustainable Asset Management à Zurich. Les compagnies bien positionnées pourront augmenter leurs marges en 2010.

Les entreprises recommandées par les analystes sont la danoise Vestas, leader mondial de l’éolien, les espagnoles Gamesa et Iberdrola Renovables ou encore l’asiatique China Wind Power. «Parmi elles, nous recommandons de miser sur les concepteurs de fermes éoliennes plutôt que sur les fabricants de turbines, note Christophe Churet. Par ailleurs, sur le long terme, nous préférons le solaire à l’éolien, parce qu’il offre de meilleures perspectives.»

En effet, si l’éolien produit actuellement 1,5% de l’électricité mondiale, ses perspectives de croissance sont moindres que celles du solaire. En raison du manque de sites propices et surtout du manque de constance dans la production d’électricité, les spécialistes estiment qu’au maximum 15% de l’électricité mondiale pourra être produite grâce au vent d’ici à 2050.

Quant à l’énergie solaire, elle ne représente que 0,1% de l’électricité produite. Mais, selon les prévisions, elle devrait représenter entre 30 et 40% de l’électricité mondiale d’ici à 2050. En 2008, le secteur du solaire a reçu 35,5 milliards de dollars d’investissements, soit 70% de plus qu’en 2006. De toutes les énergies renouvelables, c’est celle dont les investissements ont le plus augmenté. La production de panneaux solaires s’est ainsi massivement accélérée ces dernières années en partie grâce à des programmes de soutien, notamment en Allemagne, en Espagne, au Japon, en Chine et aux Etats-Unis.

Avec le lancement d’une production industrielle, les coûts ont pu baisser tout au long de la chaîne de production, même s’il faudra attendre encore quelques années pour qu’ils soient compétitifs avec les énergies fossiles. Des dizaines d’entreprises ont atteint une maturité suffisante pour faire leur entrée en Bourse et ont obtenu des résultats prometteurs. Parmi celles-ci, l’américaine First Solar, les allemandes Solarworld et Q-Cells.

L’an dernier a toutefois été particulièrement sombre pour le solaire. Certains spécialistes parlent même de krach total. «Alors qu’en 2008 la demande excédait l’offre, le marché du solaire a connu une surproduction en 2009», explique Eckhard Plinke, directeur de la recherche durable à la banque Sarasin à Bâle.

L’arrivée des panneaux asiatiques, notamment chinois avec des entreprises comme Trina Solar ou JA Solar, a entraîné un doublement de la capacité mondiale de production, ainsi que le déversement de produits moins chers sur le marché. Cela a coïncidé avec une chute brutale des investissements et l’arrêt de nombreux grands projets. Résultat: le coût des cellules a chuté de 30 à 40% et la croissance du secteur a avoisiné les 0%.

A tel point que Nicolas Rochon, responsable du pôle «environnement» chez Financière de Champlain, à Paris, n’hésite pas à affirmer que «boursièrement, le solaire est actuellement un secteur à fuir. Le dumping effectué par les entreprises chinoises risque d’entraîner un mouvement de concentration et des faillites qui rendent les investissements extrêmement complexes. Seul l’américain First Solar, grâce à sa technologie avancée, peut rivaliser avec les sociétés asiatiques. Les Européens, eux, sont à la traîne. En revanche, sur le long terme, le solaire sera retenu, car il offre de réelles perspectives.»

Un avis partagé par Eckhard Plinke qui table sur un retour à une croissance fulgurante du solaire pour ces prochaines années: «Nous estimons qu’elle s’élèvera à nouveau entre 40 et 50%, notamment en raison de l’abaissement des coûts et d’une hausse spectaculaire de la demande.»
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Une version de cet article est parue dans le magazine Swissquote.