C’est entendu, plus nul, tu meurs. Ah, ils ont l’air beau, ils ont l’air fin, les membres du Conseil fédéral, à la lecture du rapport des commissions de gestion sur le traitement par notre exécutif suprême de l’affaire UBS aux Etats-Unis. En gros, rien vu venir, tout fait faux, et pas un, ni une, pour racheter l’autre.
Hans-Rudolf Merz, donc, l’a joué cachotier, n’a pas complètement ni correctement informé ses petits camarades, de crainte qu’ils n’aillent bavasser à tort et surtout à travers, au risque de plomber en bourse la jolie action UBS. Chapeau la confiance et bonjour l’ambiance: on ne savait pas la Suisse dirigée par une amicale de concierges. Le même Hans-Rudolf s’est ensuite soigneusement caché la tête dans le sable jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’autres solutions que l’infamant accord de délation signé avec le père fouettard américain.
Eveline Widmer-Schlumpf et Micheline Calmy-Rey, de leur côté, voulant sans doute faire chorus, se sont mises elles aussi à pédaler consciencieusement dans la choucroute UBS en n’exploitant pas, c’est le rapport qui le dit, des informations pourtant en leur possession.
Sa Seigneurie Pascal Couchepin, proclamé et autoproclamé grand homme d’état, a imposé, du haut de sa présidence, la curieuse décision de ne plus tenir procès verbal des discussions des sept sages sur les tribulations d’UBS en Amérique. Histoire sans doute de ne laisser aucune trace de ce pourtant mémorable pataquès gouvernemental. Enfin, c’est tout le groupe de cancres qui s’en est piteusement lavé les mains, laissant à la commission fédérale des banques le soin d’organiser le sauvetage des bandits de plus en plus manchots de l’UBS.
Alors évidemment, aujourd’hui, c‘est un tsunami de reproches et de noms d’oiseaux qui s’élève des chambres fédérales. Les parlementaires y vont à la dynamite. Ils oublient juste une chose, ces vertueux députés. Les sept incapables, les sept incompétents, ce sont bien eux qui les ont placés là où ils sont. Bien eux qui les ont élus selon des critères tenant d’avantage du calcul politique, du rapport de force entre partis, de la combine à la petite législature plutôt que des compétences, du niveau, de la réelle carrure politique des candidats, ou de leur capacité à travailler dans un collège.
Et puis, au moins, les minus aujourd’hui fustigés du Conseil fédéral le sont pour de bonnes raisons: avoir été politiquement en dessous de tout. Tandis que le président allemand Horst Köhler s’est démissionné tout seul pour avoir dit la vérité — l’intérêt économique de l’Allemagne à participer à la lutte contre le terrorisme international. Tandis qu’un ministre anglais s’en va après seulement 18 jours pour avoir engraissé aux frais de la princesse, ou plutôt en l’occurrence de la reine, son petit ami caché.
Tandis, aussi, que le sherif Hainard se retrouve au bord de la rupture pour s’être octroyé une jolie maîtresse et avoir voulu lui faire prendre un ascenseur social trop rapide. Une femme de ménage espagnole qui se met à faire carrière, voilà qui semble insupportable. Du moins dans les rédactions de nos journaux où les femmes de ménage se contentent de vider les corbeilles et de nettoyer les chiottes. On ne sait pas si celle d’Ariane Dayer est espagnole.
Oui, dans un monde qui n’imagine curieusement plus de prêtres que mariés, plus de magistrats que monogames tendance hétéro, dans un monde où les femmes de ménage restent à leur place, dans un monde où le Daily Telegraph et Le Matin se font les porte-paroles de la morale sexuelle la plus convenue, la plus triste, la plus américaine, il serait presque rassurant de voir des politiciens vilipendés soudain pour de simples, de bêtes, d’innocentes fautes politiques.