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Trash ou rassurante, la nouvelle prévention routière

La France et la Suisse se distinguent avec des campagnes aux philosophies opposées. Images insoutenables pour l’une, ambiance relax pour l’autre. Des partis pris extrêmes qui suscitent le débat.

«Voilà Madame, votre fils a eu un accident de la circulation à 3 heures 30 sur la départementale 22. Il a perdu la vie, Madame», annonce, à 6 heures du matin, un homme en uniforme à une mère encore endormie.

En une dizaine de jours, plus d’un million d’internautes ont déjà vu le film baptisé «Insoutenable» que la Sécurité routière française a choisi de diffuser uniquement sur internet.

Le clip de cinq minutes retrace le retour d’une soirée trop arrosée de six jeunes. L’accident, l’arrivée des secouristes, la désincarcération, le sang, la mort de Frédéric.

On se croirait dans «Crash» de David Cronenberg, sauf qu’ici, on n’est pas dans la fiction. Montrer la réalité crue permettra-t-il de provoquer une prise de conscience du risque que représente le fait de conduire en état d’ivresse? Faire peur est-il efficace? Ne risque-t-on pas de voir les jeunes gérer leur peur plutôt que de modifier leur comportement? Le débat fait rage en France.

La Suisse a opté pour une démarche diamétralement opposée. «Slow down. Take it easy», la campagne de l’Association Suisse d’Assurances ASA et du Bureau de prévention des accidents qui a débarqué ce printemps sur les routes avec l’ange Franky Slow Down se veut rassurante. Elle pourrait même laisser entendre que nous disposons d’un ange gardien si nous devions quitter la chaussée. Alors que son objectif est d’aborder de manière positive le thème de la vitesse en montrant que mettre la pédale douce, c’est à la fois fun et cool.

Des anges qui remplacent des policiers et leurs contraventions, l’idée plaît. L’ange «Franky Slow Down» est en train de battre tous les records pour une campagne de prévention routière. Une page Facebook qui dépasse les 100’000 membres, plus de 400’000 autocollants distribués et un tube signé par le groupe Da Sign & The Opposite. De plus, «Slow down. Take it easy» a remporté un prix d’or au concours Swiss Effie 2010. Il lui reste à apporter la preuve non de son caractère séduisant mais de son impact positif sur le nombre d’accidents.

L’Allemagne a misé sur de grands panneaux placés le long de ses autoroutes. Des panneaux sur lesquels on voit à chaque fois une autre personne tenant la photo d’un être cher décédé lors d’un accident survenu à l’endroit même. Une image visualisée à plus de cent kilomètres à l’heure qui marque. On imagine l’histoire de cette jeune femme dont le mari est décédé ici, de ce père qui a perdu deux enfants. On s’identifie et, au compteur, les chiffres chutent. Mais durant combien de temps?

«Si les campagnes de prévention contre le sida ont fonctionné, c’est que l’on mettait en avant la solution de la capote plutôt que des images de malades», commente Jean-Pascal Assailly auteur de «Jeunes en danger» (éd. Imago) dans le journal Libération du 10 juin dernier. Quelles solutions pour les automobilistes?

Dans le Jura, entre Court et Delémont, un des tronçons les plus meurtriers du réseau suisse, durant des années on roulait d’un «mémorial» à l’autre. Que de jeunes fauchés! Des bougies et des fleurs, mais également des peluches rappellent les drames. Or, depuis la pose d’une ligne blanche continue et d’une limitation de vitesse, la grande faucheuse a quitté les lieux. Des interdictions devenues synonymes d’interdictions de se tuer; faisant office de capote.