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Sarkozy aux abois: à droite toute!

Le chef de l’Etat français a lancé sa campagne pour la présidentielle 2012. En marchant sur les traces de Le Pen. Mais la manœuvre risque de se retourner contre lui. Les frontistes ont compris qu’ils seront mieux servis par eux-mêmes.

Malmené par les sondages, empêtré dans des affaires à rebondissements aussi multiples qu’imprévisibles, paralysé par une crise économique qui ne cesse de fabriquer chômage et misère, Nicolas Sarkozy s’est résolu à précipiter son entrée en campagne présidentielle. Une fois de plus sa stratégie électorale n’a pas changé. Ce sont les plates-bandes de l’extrême-droite frontistes qu’il est en train de piétiner dans l’espoir de prendre une option sur l’électorat lepéniste.

Moins certain que naguère des vertus de la lutte contre l’insécurité, il a choisi d’axer sa campagne sur deux thèmes foncièrement xénophobes: la chasse aux tsiganes et le retrait de la nationalité à certains délinquants. C’est que même les trouillards les plus obtus se rendent compte que le dispositif sécuritaire sarkozien mis en place depuis près de dix ans ne parvient pas à enrayer la petite délinquance des banlieues faute de police de proximité et de mesures socialement intégratives.

Or il n’a fallu que quelques jours pour que l’on se rende compte que, ce faisant, Sarkozy loin d’affaiblir les lepénistes et leurs sympathisants, les renforce en leur donnant publiquement raison sur des idées pour lesquelles ils luttent depuis des décennies. Aux dernières élections régionales, ils ont d’ailleurs singulièrement renforcé leur implantation locale. Avec Marine Le Pen, ils présenteront une candidate jeune et moderne à la présidentielle, une candidate intelligente, relativement modérée, qui loin de rabâcher les vieux slogans de son père saura au contraire se montrer incisive et mordante dans les débats.

La question que l’on peut dès lors se poser est de savoir si la blonde héritière du menhir bretonnant n’est pas en situation de coiffer au premier tour de la présidentielle les candidats de droite dont on voit pointer les candidatures. En 2007 Sarkozy avait emporté la mise en parvenant à unifier les droites en les phagocytant dans une UMP dont il tenait toutes les clés.

Ce coup-ci c’est loin d’être le cas. L’impopularité et discrédit du président en exercice, sa conduite fantasque autant qu’inefficace des affaires, ses réactions caractérielles à la moindre incartade de ses obligés, sa propension à vouloir se mêler de tout et n’importe quoi font que son électorat est las. La marge de manœuvre du président-candidat n’en est que plus étroite.

Du centre à la droite traditionnelle, le nombre de ceux qui pensent que la place est à prendre ne cesse de croître. Deux anciens premiers ministres gaullistes, Dominique de Villepin et Alain Juppé ne cachent pas leur ambition. Le premier, sa religion étant faite, en s’organisant sur le terrain. Le second, plus timoré, en lançant quelques piques et en maintenant sa méfiance par le refus de postes ou de missions proposés.

Même le patron du Nouveau Centre, le ministre de la Défense Hervé Morin, n’a pas caché ses derniers mois son envie d’entrer en piste. Toujours en retrait et très obéissant, l’actuel premier ministre, le sibyllin François Fillon, se tait. Mais reste aux commandes.

Au-delà de ces quelques noms, n’oublions pas que l’élection présidentielle suscite toujours des vocations tardives. De plus, certains courants de pensée, les souverainistes par exemple, se font un point d’honneur de grappiller quelques dizaines de milliers de voix pour profiter de l’occasion de présenter leurs idées.
Homme de coups plus qu’idéologue conséquent, Sarkozy est ainsi parvenu en trois ans de pouvoir à fragmenter la droite qu’il avait patiemment unifiée pour se lancer victorieusement à l’assaut de l’Elysée. Ne serait-il pas cocasse qu’il offre la présidence sur un plateau à la gauche, à force de fricoter avec l’extrême droite?