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«Enrichissez-vous!» (Deng Xiaoping)

Promise à devenir le premier marché mondial du luxe, la Chine fait rêver les marques de prestige, que ce soit dans le secteur horloger, du champagne, de la maroquinerie ou encore de la joaillerie. Avec des perspectives de croissance inouïes. Analyse.

L’industrie du luxe n’aura pas eu à pâtir trop longtemps, ni trop violemment, de la crise. Si le recul des activités a été contenu, le secteur le doit en premier lieu à l’incroyable dynamisme asiatique. Et plus particulièrement à celui de la Chine, devenue le nouvel eldorado des maisons de luxe européennes. A tel point que l’Asie s’est non seulement muée en planche de salut mais surtout, et c’est presque inespéré, en relais de croissance aux perspectives inouïes. Autrement dit, l’Empire du Milieu représente l’avenir du luxe. Avec comme gratification pour les acteurs qui y sont bien implantés des hausses à deux chiffres, le fameux «double digit».

Il faut dire que les Chinois ont très vite appliqué l’aphorisme de Deng Xiaoping: «Enrichissez-vous!» Pour les groupes cotés européens, tels Hugo Boss, LVMH, Bulgari, Burberry Group, ou les suisses Swatch Group et Richemont, la question d’une présence massive sur ce continent ne se pose même plus. Dernier exemple en date, le constructeur britannique Rolls-Royce ambitionne de tripler ses ventes en Asie cette année, pour atteindre 450 véhicules. Il parie notamment sur le lancement de la Ghost, son nouveau modèle un peu moins onéreux. La Chine est ainsi devenue le troisième marché au monde (derrière Dubaï et Abu Dhabi) pour le prestigieux constructeur automobile britannique: 52 Phantom y ont été vendus l’an dernier — une par semaine — au prix de 700’000 à 1 million d’euros, selon les versions.

Selon une étude publiée par Boston Consulting Group, la Chine devrait représenter d’ici cinq à sept ans le premier marché mondial des produits de luxe, dépassant les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne, le trio actuel. «Oubliez le Japon, la Chine est la nouvelle locomotive du segment du luxe», dit Jon Cox, analyste chez Kepler Capital Markets. Cette année, l’Empire du Milieu va compter pour 35% de la croissance du secteur indique une étude dont le titre se suffit à lui-même: China, a red bull. L’ensemble du continent asiatique, hors Japon, devrait y contribuer à hauteur de 70%.

En d’autres termes, la Chine est non seulement depuis peu le nouvel éden pour le luxe, mais elle va encore le porter pendant longtemps que ce soit pour le secteur automobile, horloger, des liqueurs prestigieuses, des vins haut de gamme, du champagne, de la maroquinerie ou de la joaillerie. Depuis près de vingt ans, les pionniers Louis Vuitton, Cartier, Omega et Longines y ont ouvert des magasins, suivis par Gucci, Bulgari, Hermès ou Burberry. Hennessy contrôle la moitié du marché chinois du cognac en volume. La conquête de la Chine fait partie des premières priorités de Chanel. Le groupe y prévoit l’ouverture de deux boutiques par an jusqu’en 2015.

Conséquence de ces investissements massifs et de cette ruée vers l’est, un glissement stratégique pour l’ensemble des acteurs. «La part des ventes réalisées par les différents groupes sur ce conti­nent ne va cesser de progresser», explique René Weber, analyste chez Vontobel. En profiteront en premier lieu les groupes dont l’implantation, le réseau et le nombre de points de vente ont déjà atteint une certaine taille. Leur progression n’en sera que plus rapide. Cela ne signifie pas que pour les autres, comme Hugo Boss, les perspectives soient bouchées, mais ils mettront davantage de temps à étendre leurs activités, augurent les analystes de Goldman Sachs.

Le fabricant de yachts Rodriguez, absent du continent asiatique, a déclaré vouloir très vite s’implanter en Chine. Avec de bonnes chances de succès. La marque Gucci développe elle aussi ses projets chinois; alors qu’entre 1996 et 2004 le groupe italien, en mains de PPR, avait ouvert quatre boutiques seulement, 27 ont été inaugurées ces quatre dernières années, explique Vincent Hamel, analyste chez Sal. Oppenheim. L’an passé, Louis Vuitton, marque phare de LVMH, a ouvert en moyenne un nouveau magasin par mois en Chine, où elle se réjouit de sa performance qualifiée d’exceptionnelle.

Le potentiel chinois semble illimité. Le cabinet McKinsey note que les entreprises ciblant les classes aisées tendent à se focaliser sur les villes les plus riches: Shanghai et Pékin, voire Guangzhou, où la concurrence est déjà rude. «Elles risquent de sous-estimer l’importance des villes plus petites, alors même qu’il y a plus de riches à Chengdu qu’à Detroit, autant à Wenzhou qu’à Atlanta.» Il suffit donc d’avoir une politique globale, si tant est qu’on en ait les moyens.

D’après le Boston Consulting Group, le nombre des foyers chinois disposant d’un patrimoine élevé devrait passer en un an de 417’000 à 609’000. Autant de clients potentiels pour l’industrie du luxe. En 2008, la Chine arrivait déjà au quatrième rang mondial des High Net Worth Individuals, c’est-à-dire les super-riches dans le jargon du wealth management, dépassant la France et le Royaume-Uni. Si l’écart reste encore conséquent avec les trois nations leaders du luxe, il est intéressant de constater que la richesse des Chinois se caractérise par sa précocité. C’est-à-dire qu’elle émane très souvent d’une première génération d’entrepreneurs par rapport à la «old money» du monde occidental.

Très concentrée dans les grandes villes et la côte jusqu’à présent, la répartition géographique de la richesse est en outre en pleine mutation. Ainsi, les différences entre les villes principales, secondaires, voire tertiaires, semblent se résorber. McKinsey estime que la classe moyenne supérieure (avec des revenus annuels compris entre 5’848 dollars et 14’600 dollars) représentera en 2025 environ 60% de la population urbaine, contre 9% en 2005. Il faut savoir qu’en termes de parité du pouvoir d’achat un revenu de 100’000 yuans (soit 14’600 dollars) équivaut à un train de vie similaire à celui d’un Américain avec 40’000 dollars, a calculé HSBC. Selon les Nations unies, 46 villes chinoises auront plus de 2 millions d’habitants à l’horizon 2020, toutes potentiellement avec ce que les spécialistes appellent une «poche de richesse».

Les taux de croissance stratosphéri­ques de la Chine, suivant en cela le Japon d’il y a une génération, pourraient presque faire oublier que le continent asiatique ne se réduit pas à un seul pays. Les griffes de luxe déploient également leurs activités en Indonésie, en Thaïlande et au Vietnam. Même en Asie centrale. Avec un accent particulier mis sur l’Inde, le futur pays de cocagne, estiment les économistes. Mais pour que ce rêve se réalise, il faudra encore patienter quelques années, prévient René Weber, de Vontobel.

En attendant, le luxe ne jure que par la Chine. Peut-être à tort, le risque de bulle ne pouvant être exclu, mais, pour l’heure, surtout à raison. «Avec du temps et de la patience, la feuille du mûrier devient soie», dit un proverbe chinois.
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Les risques de la Chine

Les entreprises qui souhaitent travailler en Chine doivent impérativement se préparer avant d’aborder ce pays. Pour un horloger suisse, qui a souhaité conserver l’anonymat, «réussir en Chine repose avant tout sur la capacité à décoder et à gérer un environnement des affaires mouvant et radicalement différent du nôtre. Ensuite, il faut s’entourer des bonnes person­nes, de préférence des gens du cru».

Pour se distinguer, une grande marque doit fournir des services personnalisés (car chacun veut se sentir différent), communiquer sur son histoire, disposer d’un site internet traduit en chinois (mandarin) et si possible apparaître dans la presse magazine spécialisée.

Les incertitudes socio-politico-économiques ne sont pas non plus à négliger. En vrac: des directives visant à limiter les implantations étrangères, des taxes sur le luxe (de facto supérieurs de 30% à ceux pratiqués en Europe, et de 10% à 15% à ceux de Hong Kong), ainsi que le boom de l’immobilier.
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Le luxe made in China

Nouvelle tendance dans l’univers du luxe: pour coller au mieux à la sensibilité de la population chinoise, certains groupes européens n’hésitent plus à développer des déclinaisons locales.

Le groupe français Hermès doit ainsi lancer au printemps une filiale en Chine qui proposera du mobilier, des objets d’art de vivre, des vêtements et des accessoires. Cette société, nommée Shang Xia, et détenue majoritairement par Hermès, déjà présent dans une dizaine de villes chinoises, va ouvrir une première boutique à Shanghai puis une deuxième à Paris à l’automne. Elle sera gérée par une équipe chinoise qui sera dirigée par la directrice générale et artistique, Qiong Er Jiang. Elle a pour but de mettre en avant «des matières premières et des savoir-faire artisanaux chinois d’excellence». Pour sa part, Richemont continue de développer sa marque, Shanghai Tang. Elle se déclare être la première marque de luxe chinoise, partie à la conquête des fashionistas du monde entier.
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L’Asie, premier marché pour l’horlogerie suisse

L’Asie a représenté le plus gros débouché des exportations horlogères helvétiques en 2009, avec 6,3 milliards de francs.

Si ce chiffre indique une baisse de 19,9% par rapport à 2008, selon les statistiques de la Fédération horlogère suisse, les derniers mois ont montré un rapide redressement. Surtout grâce à la Chine. L’Asie représente officiellement 48% des exportations helvétiques (+10 points de pourcentage en deux ans). «Mais si l’on inclut les touristes asiatiques qui achètent des montres lors de leurs voyages, on peut estimer que plus de deux tiers des montres suisses vendues dans le monde partent en Asie», détaille le consultant horloger Olivier Müller.

Stephan Urquhart, président d’Omega, résume ainsi la situation: «La Chine est notre marché numéro un. Nous y sommes depuis 20 ans. Nous avons construit ce marché. C’est un travail de fond. Nous y sommes depuis 1991 et nous y avons ouvert notre première boutique en 1995. Il y a eu les Etats-Unis dans les années 1950-60, les pays arabes dans les années 1970, le Japon, dans une moindre mesure la Russie, et aujourd’hui la Chine.» Entre 2004 et 2009, les exportations horlogères suisses vers l’Empire du Milieu ont augmenté de 150%. Record international.
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Quel impact de l’Asie sur la valorisation boursière?

Les entreprises actives dans le luxe ne sont pas les seules à être obsédées par l’Asie. Les analystes financiers souffrent du même syndrome. Résultat, les folles perspectives de croissance sont déjà intégrées dans le cours des actions des acteurs du luxe. HSBC confirme: il faudrait de grosses surprises lors des résultats trimestriels et semestriels pour catalyser les titres. Après avoir fortement chuté durant la crise, les valeurs du luxe ont presque toutes retrouvé leur niveau d’avant-récession. En comparaison historique, les actions conservent toutefois du potentiel, si l’on considère le ratio prix-bénéfices, qui évolue à un multiple moyen de 17,3 pour 2010.

Sur cette base, LVMH, PPR, Coach, Christian Dior, Tod’s ou Tiffany ont conservé tout leur attrait. Par contre, pour nombre d’analystes, Swatch Group, Richemont ou Hermès semblent trop chers. Sans parler de Bulgari. Mais tout dépend bien sûr de l’horizon temporel visé. HSBC conseille par ailleurs de privilégier les groupes d’entrée de gamme, comme Tiffany. Burberry a les faveurs de la cote de nombreux spécialistes. Un risque en soi.
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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine (no 3).