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L’Afrique, terre d’investissements

Porté par l’augmentation des échanges Sud-Sud, le continent africain se profile comme la région présentant le plus fort potentiel économique au XXIe siècle. En forte croissance, les investissements s’y multiplient.

Salles d’opération dernier cri, locaux flambant neufs, médecins renommés. La clinique ophtalmologique Colaser, située à deux pas de la place de l’Indépendance à Dakar (Sénégal), n’a rien à envier à ses homologues européens. Hassan Jouni, médecin et fondateur de Colaser, fait le tour du propriétaire non sans dissimuler une certaine fierté. «Colaser est l’une des rares clini­ques ophtalmologiques d’Afrique de l’Ouest, sinon la seule, à disposer d’un tel matériel, sourit-il. Nous offrons la même qualité de soin que nos confrères occidentaux.»

Impensable en Afrique il y a encore quelques années, l’établissement d’une telle structure à Dakar s’avère un vrai succès: créé en 2007, Colaser a réalisé un chiffre d’affaires dépassant 750’000 euros en 2008 et emploie aujourd’hui une vingtaine de collaborateurs. Cette réussite n’aurait pas été possible sans l’intervention d’Investisseur et Partenaire pour le Développement (I&P), une société de capital investissement orientée vers les PME africaines qui a misé près de 430’000 euros dans l’entreprise (sous forme de prêts participatif et subordonné).

«Lorsqu’ils cherchent à investir, rares sont les gestionnaires de fonds qui pensent en premier lieu à l’Afrique, souligne Sébastien Boyé, directeur d’investissement chez I&P. Pourtant, le potentiel de l’Afrique est énorme. La rentabilité des investissements y est peut-être la plus élevée au monde.»

Selon plusieurs analystes, certains fonds ont atteint une rentabilité proche de 40%, alors que leurs objectifs initiaux s’établissaient à 25%. «Les bons résultats obtenus par les fonds pionniers ont contribué à asseoir la confiance des investisseurs», confirme Sébastien Boyé. Résultats: les levées de fonds destinées à l’Afrique ont connu une forte croissance ces dernières années, passant de 1,7 milliard de dollars en 2005 à 5,3 milliards en 2008.

Anomalie de marché
En 2009, la crise a ralenti le rythme de croissance de ces montants mais les analystes s’attendent à un rebond en 2010. Preuve que la confiance reste de mise, trois acteurs majeurs du secteur, Groffin, Aureos et Kingdom Zephyr Africa management, ont clos fin 2009 leurs trois nouveaux fonds, pour un montant total dépassant le milliard de dollars.

L’arrivée massive des fonds de private equity permet de régler l’un des problèmes majeurs de l’Afrique: le manque de financement. «Il existe sur ce continent ce que l’on appelle une anomalie de marché, explique Laurent Bidiscombe, responsable de l’antenne dakaroise de l’Agence française de développement (AFD). De nombreuses entreprises ou entrepreneurs africains recherchent un financement, mais il existe très peu d’offres.»

«Le premier facteur limitant le développement des entreprises locales demeure le manque de moyens, confirme Mamadou Makhtar Diagne, le directeur de l’appui au secteur privé, une émanation du Ministère de l’économie et des finances sénégalais. En Afrique, le coût des crédits est exorbitant, les banques ne souhaitant prendre aucun risque. Dans ce contexte, nous voyons d’un très bon œil l’arrivée de société de capital-risque et nous mettons tout en place pour faciliter fiscalement leur implantation.»

Via des prises de participation ou des prêts convertibles en actions, les fonds apportent le cash nécessaire à l’expansion rapide de PME locales. La société de téléphonie mobile Celtel, créée par le soudanais Mo Ibrahim, n’était en 1998 qu’une start-up prometteuse lorsque plusieurs fonds (Actis capital, FMO, Blakeney management et Capital group) ont successivement intégré son capital, pour un montant total avoisinant 400 millions d’euros.

Cette manne financière a permis à l’entreprise de s’implanter dans 15 pays africains. Sept ans plus tard, 85% du capital de Celtel a été revendu au koweïti Zain pour 3,4 milliards de dollars, offrant aux sociétés de private equity un retour sur investissement à faire pâlir les financiers du monde entier mais qui suscite aussi la colère des détracteurs du private equity. Selon eux, les fonds cherchent uniquement à maximiser leur profit, sans aucune visée à long terme pour les entreprises concernées.

L’état mauvais payeur
«Nous ne sommes pas des philanthropes qui agissent pour la beauté du geste. Nous investissons uniquement lorsqu’une entreprise offre des perspectives de rentabilité, témoigne Sébastien Boyé. Néanmoins, ces critiques ne sont pas justes. Depuis sept ans que nous travaillons en Afrique, l’impact positif sur l’économie est réel. Nous avons créé ou sauvé de nombreux emplois.»

Près du marché de Colobane de Dakar, la pauvreté est une réalité. Comme dans de nombreuses villes africaines, les mendiants sont nombreux à côté des marchands à la criée vendant boubous, maillots de foot et chaussures. C’est là qu’Equiplus, l’une des trois plus grandes entreprises sénégalaises spécialisées dans l’équipement électromécanique, a installé ses locaux. Serigne Mbaye Niang, directeur général de la société, ne cache pas ses ambitions: «A terme, nous souhaitons nous établir dans toute la sous-région.» Comprendre s’attaquer à l’ensemble du marché ouest-africain. Il y a seulement un an, une telle ambition semblait illusoire. L’entreprise était au bord du gouffre. «La plupart de nos contrats étaient conclus avec l’Etat, explique le directeur. Or l’Etat du Sénégal est un très mauvais payeur. Nous nous sommes trouvée en sérieux manque de liquidités.»

Pour sortir la tête de l’eau, Serigne Mbaye Niang n’a pas eu d’autre choix que de chercher des investisseurs susceptibles de renflouer les caisses. Les fonds français I&P et hollandais Oïkocredit ont tout deux investi plus de 250’000 euros dans l’entreprise, sous forme de prêt convertible en actions. «Trouver des fonds s’est révélé être un véritable parcours du combattant, raconte Serigne Mbaye Niang. Nous avons dû frapper à toutes les portes.»

Un combat que l’entrepreneur ne regrette pas: «Davantage que l’argent, ces partenaires nous ont apporté accompagnement et soutien en termes de stratégie et de gestion.» Sur les conseils des fonds de capital investissement, l’entreprise a accompli un tournant à 180°. «Ce n’est pas facile de se voir dicter sa stratégie par des étrangers, sourit Serigne Mbaye Niang, d’Equiplus. Mais il faut être en mesure de l’accepter et de s’ouvrir aux autres. Ensemble, nous sommes plus forts.»

Initialement très proche des contrats étatiques, Equiplus tente désormais de répondre aux besoins du secteur privé, tout en poursuivant sa diversification dans la gestion de concessions d’eau et d’électricité en milieu rural.

Un virage réussi qui pousse I&P et Oïkocredit à s’investir à plus long terme dans l’entreprise. Les deux fonds négocient actuellement la conversion du prêt consenti en actions, afin de s’approprier 21,5% du capital d’Equiplus chacune. «A chaque fois que nous entrons au capital d’une société africaine, il y a un gros travail de mise à niveau à réaliser, explique Sébastien Boyé d’I&P. Dans certaines entreprises, les dirigeants ne savent même plus où ils en sont en termes de rentabilité tellement la gestion est déficiente!»

Outre les faiblesses du management local, la corruption, le manque de transparence, ainsi que l’instabilité politique continuent de freiner les investissements: l’Afrique demeure un terrain à haut risque. «Lorsqu’un pays est victime d’une guerre civile ou d’un coup d’Etat, les investisseurs s’enfuient de toute la sous-région, soupire un haut fonctionnaire sénégalais. Ainsi le Sénégal, qui n’a jamais connu de conflit depuis son indépendance, a pâti du conflit ivoirien.»

Un marché très disputé
L’accompagnement des entrepreneurs locaux s’avère un mal nécessaire pour les fonds, afin de limiter les risques. Car le métier connaît aussi ses échecs: en 2005, par exemple, la société forestière camerounaise Sabi a fermé ses portes, accréditant l’échec du fonds Cenainvest qui avait misé sur l’entreprise. «Sur les 30 investissements que nous avons en Afrique, deux se portent mal, témoigne Sébastien Boyé d’I&P. Cela reste tout de même un très bon ratio.»

«Afin de nous développer davantage, nous cherchons actuellement un troisième investisseur capable d’entrer au capital, poursuit Serigne Mbaye Niang. Les occidentaux devraient d’ailleurs se méfier, parce que l’Asie et l’Orient s’intéressent de plus en plus au marché africain. Si nous ne trouvons pas d’investisseurs européens, il n’est pas improbable qu’une société asiatique entre dans notre capital.»

Ceci souligne le caractère hautement concurrentiel de l’Afrique, que se disputent désormais l’Inde, la Chine, la Corée du Sud, le Brésil, le Moyen-Orient et les investisseurs plus traditionnels que sont l’Europe et les Etats-Unis.

Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), le commerce total de l’Afrique avec les pays en développement, y compris ceux du continent, a été pour la première fois en 2008 supérieur à son commerce avec l’Union européenne (UE), qui est traditionnellement son principal partenaire commercial.

Retour au Sénégal. Les principaux projets d’investissement dans le pays sont aujourd’hui le fait de nouveaux acteurs: Saudi Ben Laden Group (Arabie saoudite) prévoit de mettre sur la table quelque 381 millions d’euros, afin de créer une raffinerie de pétrole, et Dubai Ports World, qui gère le port de Dakar, devrait investir 195 millions d’euros dans la logistique portuaire.

Avant 2000, la France apportait 90% du flux d’investissement étranger direct (IED) vers le Sénégal. En 2009, les parts de l’ancienne puissance coloniale sont tombées à seulement 50% des IDE, suivi par l’Inde (20,2%) et la Suisse (6,8%). Des chiffres qui réjouissent Mamadou Makhtar Diagne, le directeur de l’appui au secteur privé, une émanation du Ministère de l’économie et des finances sénégalais: «La France ne s’est pas retirée de notre marché, ce sont d’autres investisseurs qui sont venus s’ajouter.»
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Capital investissement, mode d’emploi

Les sociétés de private equity investissent dans des sociétés privées non cotées à très fort potentiel de croissance, sous forme de prêts convertibles en actions ou en entrant au capital. Cet apport de fonds favorise le développement rapide des entreprises visées.

Mais les gestionnaires ne sont pas des philanthropes. Leur objectif demeure de réaliser la plus forte plus-value possible. Après trois à dix ans, ils se désengagent de l’entreprise, soit par une introduction en Bourse, soit par une vente de leur part de capital à la direction, à un autre fonds ou à un tiers. En Afrique, l’une des limites à l’expansion du private equity est la faiblesse du système boursier. Hormis en Afrique du Sud, il demeure très rare que les fonds d’investissement parviennent à se désengager d’une entreprise par le biais d’une entrée en Bourse, comme c’est le cas ailleurs dans le monde.

«Les sorties se font principalement par une vente aux directeurs, à un autre fonds ou, de plus en plus souvent, à un groupe international qui cherche à s’implanter dans un pays, explique Sébastien Boyé, directeur d’investissement chez I&P. Pour l’heure, nous sommes sortis de deux entreprises, à chaque fois dans des conditions très positives.»
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Inégalités régionales

Tous les pays d’Afrique ne sont pas logés à la même enseigne en termes de private equity. Selon le think tank Cap Afrique, l’Afrique australe reçoit une écrasante majorité (65%) des montants alloués au continent, tiré par la forte attraction qu’exerce l’Afrique du Sud. L’Afrique de l’Ouest emmenée par le Nigeria s’impose comme la deuxième destination favorite des gestionnaires de fonds avec 19% des montants, suivies par l’Afrique du Nord (8%), l’Afrique de l’Est (7%) et l’Afrique centrale (1%).
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«L’Afrique sera le prochain miracle économique»

Mark Mobius compte parmi les investisseurs les plus expérimentés des marchés émergents. Interview exclusive.

Gestionnaire de fonds auprès de Franklin Templeton Investments à Singapour, Mark Mobius est considéré comme un pionnier des investissements sur les marchés émergents. Cet homme de 74 ans administre avec son équipe une fortune globale d’environ 23 milliards de dollars US. Pour mener ses études de terrain à bien, il voyage plus de 200 jours par année.

Vous investissez sur les marchés émergents, plus particulièrement en Afrique. Dans ce contexte, il est essentiellement question de l’Afrique du Sud. Pourquoi presque tous les investisseurs se concentrent-ils sur la pointe méridionale du continent?

Mark Mobius: Les motifs sont divers. En premier lieu, l’Afrique du Sud possède un sous-sol extrêmement riche en matières premières et en ressources minières. De plus, le pays dispose d’une bonne organisation sociale. Sous de multiples aspects, il s’agit d’une nation fortement avancée qui connaît une évolution très rapide. Il suffit de penser à cet égard à la Coupe du monde de football. Nombre d’observateurs pensaient que le pays ne parviendrait pas à assurer le bon déroulement de la compétition. Pourtant, il a relevé le défi haut la main. Et les événements qui se produisent actuellement en Afrique du Sud ont un énorme retentissement sur l’ensemble du continent.

Et ce continent est très vaste. Selon toute vraisemblance, il recèle donc d’autres opportunités d’investissement. A votre avis, quels sont les pays qui possèdent le meilleur potentiel?

Parmi les pays situés au sud du Sahara, le Nigeria possède incontestablement le plus grand potentiel. C’est la première étape naturelle en Afrique en raison de sa taille, de son dynamisme et de ses nombreuses richesses naturelles. Le Botswana est une autre nation qui présente un intérêt particulier, qui s’explique notamment par sa Corporate Governance. Le pays est certes petit, mais il bénéficie d’une bonne culture politique. Je garderais également un œil sur le Kenya à l’est et le Ghana à l’ouest du continent.En Afrique du Nord, l’Egypte représente le point de départ idéal pour tout investisseur. A l’instar du Nigeria, il s’agit d’un grand pays, très dynamique — deux caractéristiques qui suffisent à le rendre intéressant. En outre, l’Egypte dispose d’un autre atout de taille sous la forme d’un marché des capitaux bien développé, plus libéralisé que dans d’autres pays de la région. De nombreuses entreprises sont cotées à la Bourse du Caire. Dans une deuxième étape, les investisseurs peuvent trouver d’intéressantes opportunités d’investissement au Maroc, en Tunisie et en Algérie.

Les régions constituent un premier élément, la nature de l’investissement un autre critère. Dans quels secteurs considérez-vous que ces pays possèdent le plus grand potentiel?

A mon avis, le plus grand potentiel réside dans le secteur bancaire. Il profite de manière tendancielle de l’essor économique dans son ensemble,toutes branches confondues. Les banques tireront également avantage de la prospérité croissante des consommateurs. Elles se profilent en conséquence et renforcent leurs prestations dans le domaine des cartes de crédit et des crédits à la consommation.
Un autre secteur qui dispose d’un gigantesque potentiel est celui des télécommunications. La technologie avance à pas de géant en Afrique et les habitants ont de plus en plus les moyens de s’offrir un téléphone portable. Le secteur en bénéficie également.

Tout cela semble trop beau pour être vrai. Les investissements dans cette région ne sont-ils pas aussi liés à des risques considérables?

Les risques existent dans toutes les parties du monde, il n’est que de penser à la Thaïlande qui connaît de longue date une situation politique explosive. Cet exemple démontre que les marchés à succès n’ont pas nécessairement besoin de stabilité politique. Il n’en reste pas moins vrai que le risque encouru par les investisseurs dans ces pays est plus élevé que dans d’autres régions. Les Frontier Markets, en d’autres termes les pays qui tendent à devenir un marché émergent, sont des lieux dangereux et passionnants. Mais c’est précisément là, j’en suis convaincu, que nous réaliserons nos gains. Il faut prêter attention à divers facteurs importants avant d’investir sur ces marchés. Dans le cas contraire, vous courez le risque de perdre votre argent.

Quels sont ces facteurs?

Notre travail repose sur des recherches approfondies. Aussi nos collaborateurs sont-ils constamment sur le terrain. Ils doivent connaître les personnes avec lesquelles ils traitent et visiter les entreprises dans lesquelles ils investissent.
Je suis moi-même 200 jours par an sur place afin de récolter toutes ces informations et me tenir au courant des derniers développements. Certains investissements peuvent se révéler très périlleux s’ils ne reposent pas sur une connaissance approfondie du marché.
D’autre part, il est indispensable de considérer le facteur temps. Il convient de prévoir un engagement minimal de cinq ans. N’investissez pas votre argent en une seule fois, mais entrez progressivement sur le marché. Malgré toutes nos recherches, il nous arrive aussi de commettre des erreurs. C’est inévitable. De ce fait, mon premier conseil reste la diversification. Différents pays, différents secteurs, différentes entreprises.

Le potentiel semble important. L’Afrique sera-t-elle le prochain miracle économique?

Oui, d’ici 10 à 15 ans, l’Afrique aura accompli de grands progrès. C’est donc le moment idéal pour investir sur le continent. Afin d’entrer pour ainsi dire au rez-de-chaussée avant que le mouvement ne parte à la hausse. Quels sont les ingrédients de la réussite africaine? Au cours des prochaines années, la Chine utilisera ses réserves afin de s’implanter en Afrique dans sa quête de matières premières, d’énergie et de main-d’œuvre à bon compte. Le continent peut répondre à ces demandes. Des pays en développement à l’instar du Brésil ont également l’ambition de s’y établir. Ils investiront les richesses qui leur faisaient défaut précédemment dans les anciennes colonies portugaises comme l’Angola et le Mozambique.

L’Afrique souffre-t-elle aussi de la crise économique mondiale et de la situation de l’euro comme le reste du monde?

Il est intéressant de remarquer que tel n’est pas le cas. Des pays émergents plus développés comme la Chine ou l’Inde sont davantage frappés car de nombreux investisseurs établis en Europe et aux Etats-Unis qui pâtissent de la crise retirent de grandes quantités d’argent de ces marchés. Les Européens et les Américains n’investissent pas massivement en Afrique, de sorte que les marchés locaux ressentent dans une moindre mesure les effets de la crise mondiale. Comme nous sommes personnellement présents de longue date en Afrique, nos fonds y font particulièrement bonne figure.
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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine.