L’équipe du médecin genevois Alain Golay a développé une approche efficace pour lutter contre l’obésité. Plusieurs gouvernements ont manifesté leur intérêt. Explications.
Il ne faut surtout pas évoquer le mot «régime» devant Alain Golay, spécialiste de l’obésité, médecin-chef du Service d’enseignement thérapeutique pour maladies chroniques, diabète et obésité des Hôpitaux universitaires de Genève: «Les régimes minceur express, du style de ceux qui sont proposés en début d’été dans les magazines féminins, sont dangereux. En plus de provoquer des carences, ils imposent des contraintes trop rigides. Or, notre corps fonctionne extrêmement bien et se souvient lorsqu’il a été privé. Lorsqu’il reçoit à nouveau de la nourriture, il la stocke d’autant mieux. C’est ainsi que s’enclenche le phénomène du yoyo. Certains patients viennent nous voir lorsqu’ils pèsent 150 kilos après une dizaine de régimes.»
Cela fait plus de vingt ans qu’Alain Golay reçoit des patients qui souhaitent maigrir. Après avoir constaté l’échec des régimes classiques, il a adapté pour les obèses une approche basée sur le concept de l’éducation thérapeutique du patient, préalablement développée pour les diabétiques. «Notre objectif premier consiste à améliorer la qualité de vie du patient, explique-t-il. Pour cela, nous faisons de l’«empowerment» et aidons les personnes à participer à leur traitement. Chez de nombreux patients, les problèmes de poids ont un enracinement psychique: nous observons par exemple que 20% des personnes obèses ont subi un viol.»
Le travail de l’équipe d’Alain Golay porte à la fois sur la relation spécifique à l’alimentation de chaque patient, sur leur auto-estime et sur leur motivation à intégrer de petits changements sur le long terme. «Pour l’un, ce sera marcher au travail, pour l’autre supprimer les biscuits, ou encore l’alcool. Ce qui fonctionne pour son voisin ne fonctionne pas forcément sur soi-même.»
Dans un article paru récemment dans la revue Patient Education and Counseling, le médecin genevois et son équipe ont présenté une compilation de résultats de centaines d’études sur l’éducation thérapeutique du patient. Dans 64% des cas, le traitement s’est avéré efficace. Les complications liées au surpoids ont même été diminuées jusqu’à 80%. Un joli succès, lorsqu’on estime à environ 90% le taux d’échecs après cinq ans chez les personnes qui ont essayé de maigrir. Plusieurs gouvernements étrangers, dont le Ministère de la santé français, s’intéressent depuis à cette approche, appelée désormais «l’Ecole de Genève».
De plus en plus de diététiciens suisses appliquent l’éducation thérapeutique du patient dans leur pratique, également pour les patients qui n’ont que quelques kilos à perdre. C’est le cas de Tania Lehmann, diététicienne indépendante à Genève: «Contrairement aux régimes classiques, on n’est plus dans le registre des émotions négatives comme le contrôle ou la frustration. Rien n’est interdit et le patient devient cothérapeute. C’est évidemment plus difficile à appliquer qu’un régime classique, car les gens doivent modifier eux-mêmes leur comportement.»
La diététicienne est toutefois moins enthousiaste qu’Alain Golay quant aux résultats en termes de perte de poids: «Ce que je constate avant tout, c’est un plus grand confort et une meilleure estime d’eux-mêmes chez les patients. Souvent, nous arrivons à stopper la prise de poids, voire même à faire perdre quelques kilos. Mais c’est rarement spectaculaire.»
Malgré ses résultats, l’éducation thérapeutique du patient peine à se répandre: «Son application nécessite une formation approfondie du personnel soignant, admet Alain Golay. Cela prend du temps à mettre en place.» Mais le spécialiste de l’obésité reste optimiste. Il reçoit de plus en plus de demandes de formation du monde entier.
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Une version de cet article est parue dans l’Hebdo.
