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Ces révolutions arabes qui embarrassent la droite suisse

Les soulèvements au Proche-Orient se voient réduits en Suisse à de misérables enjeux financiers ou électoraux, autour de la crainte d’un flux migratoire incontrôlé. Voilà qui profite à l’UDC avec la complicité muette des radicaux.

L’armée aux frontières, la construction d’un mur de quatre mètres de haut entre le Tessin et l’Italie: la panique est bien à bord. Des nuages de sauterelles humaines en provenance d’Afrique du Nord ne menacent-t-elles pas nos riantes et opulentes contrées où coulent le lait, les avoirs secrets et le miel?

Sans aller jusqu’aux solutions paranoïaques de l’UDC et de la Lega, sans songer encore tout à fait à l’érection de miradors, ni à placer la Confédération sous barbelé intégral, la droite traditionnelle peine néanmoins à manifester un sincère enthousiasme face à toutes ces révolutions arabes qui se suivent et s’entraînent comme des dominos endiablés. Sans que l’on sache bien d’ailleurs, dans cette appellation d’origine incontrôlée, ce qui gêne le plus nos amis radicaux: le mot «révolution» ou le mot «arabe»?

C’est un peu avec la même mélancolique retenue que la gauche d’ici avait accueilli en son temps la fin de l’empire soviétique. Comme il y avait bien sûr quelque chose de bon dans ce communisme qui avait pourtant si mal tourné, tout n’était pas non plus à jeter chez ces dictateurs du désert contraints aujourd’hui de mordre la poussière.

On ne peut plus le dire mais on continue de le penser sous nos latitudes: ces pays-là au moins étaient tenus. Contre un peu de reconnaissance internationale et beaucoup d’espèces sonnantes et nationales, un Kadhafi vous strangulait comme personne l’immigration sub-saharienne avant qu’elle ait eu seulement le temps d’apercevoir la mer.

Donc aujourd’hui, pas de sentimentalisme. Ce sont surtout les radicaux comme Karin Keller-Sutter à Saint-Gall et Philippe Leuba dans le canton de Vaud qui se montrent déterminés. Plus déterminés même que l’Office fédéral des migrations, lequel suggérait qu’il ne serait pas idiot de prévoir des bâtiments et des infrastructures supplémentaires pour accueillir ces éventuels nouveaux damnés des dunes.

Pas question, avait répondu Karin Keller-Sutter, suggérant que la meilleure solution serait d’examiner — et sous-entendu de rejeter — les demandes d’asile de ces réfugiés, forcément économiques, directement sur l’île de Lampedusa. Histoire d’économiser sur le trajet et la prime au retour?

Philippe Leuba considère, lui, que la démocratie a triomphé, et qu’il ne reste donc plus beaucoup de raisons valables et légitimes pour ces gens de fuir leur patrie libérée. C’est vrai, ça. D’ailleurs, à Tripoli, tout est calme. Qui l’a dit? Ni le Père, ni le Saint-Esprit, non, mais le Fils. Le fils Kadhafi, celui qui s’appelle Islam, il n’y a pas quelques jours.

Typique aussi l’explication donnée par Johann Schneider-Amman — vous savez, ce type, ce radical qui a succédé, paraît-il, au bon vieux Merz — devant le Conseil national pour justifier un renforcement de l’aide suisse au développement. Comme première raison, ne cite-t-il pas celle-ci: «Freiner la migration»?

Tout se passe comme si les radicaux s’apprêtaient une fois encore, avec toujours la même feinte naïveté, à faire plus ou moins involontairement le jeu de l’UDC, toujours un peu de la même manière. En donnant corps et crédit à une hantise de l’UDC — en l’occurrence la menace affirmée d’un afflux de réfugiés africains — mais en refusant de faire le sale boulot soi-même. En refusant, comme l’a dit l’un de leurs porte-paroles, de céder aux mesures «irresponsables de l’UDC», genre dressage de barricades.

Bref, un thème cousu main offert aux Blochériens pour la campagne à venir. De la même façon, exactement, qu’en France, l’UMP, sous prétexte d’affaiblir le Front National, travaille au contraire à sa vitalité avec tous ces débats sur l’identité nationale ou la place de l’islam.

«Cela part déjà dans tous les sens», s’inquiète le président du PDC Christophe Darbellay, avant d’ajouter dans un suprême effort de fausse candeur: «J’espère que même l’UDC sera sensible à la détresse humaine». Autant faire croire que l’on croit au Père Noël.

Car une fois la menace admise, même du bout des lèvres, la brèche est ouverte et l’UDC s’y engouffre, promettant d’imposer un débat d’urgence, une session extraordinaire sur ces putatifs réfugiés arabes.

C’est ainsi que les révolutions arabes, évènements de portée mondiale, se retrouvent chez nous réduites à de pitoyables enjeux électoraux. C’est ainsi que se dessine la position d’une Suisse toujours aussi équilibriste, à cheval entre ces deux obsessions: geler les avoirs des dictateurs et congeler leurs anciens sujets.