LATITUDES

Un tour du monde sur l’eau à l’énergie solaire

Après avoir traversé l’Atlantique, Raphaël Domjan et son bateau PlanetSolar ont fait une halte sur les îles Galápagos. Avant de mettre le cap vers l’Océanie, afin de boucler le premier tour du monde en bateau solaire. Interview.

Recouvert de 500 m2 de capteurs photovoltaïques, PlanetSolar navigue à une vitesse d’environ 8 nœuds (15 km/h) et a déjà réalisé un record mondial: celui de la traversée de l’Atlantique la plus rapide en bateau solaire, en moins de vingt-sept jours. Mais le catamaran ne s’arrête pas dans le canal de Panama.

Le rêve de PlanetSolar, c’est celui d’une expédition autour du monde mue par la seule force du soleil. Pour Raphaël Domjan, initiateur et fondateur du projet, chaque étape du voyage représente l’opportunité de démontrer la fiabilité de l’énergie solaire aux autorités, entrepreneurs et populations. Avant de lever l’ancre et de mettre le cap vers l’Océanie, cet éco-aventurier a répondu à nos questions.

Quel est le message que vous désirez apporter avec cette expédition?

Il s’agit d’un projet de démonstration. Nous voulons montrer que le changement est possible car tout, aussi bien la technologie que l’énergie, est disponible. Ce n’est pas si compliqué. Prenez par exemple la technologie que nous avons à bord, elle se trouve sur le marché d’un pays comme la Suisse. C’est une chance extraordinaire que d’amorcer le passage des énergies fossiles aux énergies renouvelables.

Vous avez débarqué avec PlanetSolar à Cancun pour la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Est-ce que votre message a été entendu?

Oui, car ce qui est incroyable avec ce projet, c’est de pouvoir montrer que tout ceci fonctionne parfaitement et que le solaire peut offrir du confort. C’est toujours un plaisir pour nous d’offrir un café à l’énergie solaire aux politiciens ou industriels qui nous rendent visite à bord.

Aux Galápagos, où nous nous trouvons actuellement (ndlr: l’interview a été réalisée par téléphone en février 2011), les autorités n’avaient pas connaissance de l’existence de cette technologie. Sur ces îles qui attirent de nombreux touristes, 60% du fuel est utilisé pour les bateaux de croisière. Nous allons donc prochainement rencontrer le ministre de l’Environnement équatorien afin de soumettre l’idée d’autoriser uniquement les bateaux électrico-solaires pour visiter les îles de leur archipel.

A-t-on tendance à négliger les importantes émanations de CO2 dégagées par le transport maritime?

Les émissions de CO2 issues du transport maritime ne sont pas réglementées par le Protocole de Kyoto. C’est une aberration, car elles sont évaluées entre 1,4 et 1,9 milliard de tonnes par année, c’est trois fois plus que le transport aérien. Il y a là énormément de progrès à réaliser et je demeure convaincu que le solaire peut jouer un rôle important.

La probabilité d’un échec, vous y pensez parfois?

Notre responsabilité est grande, nous devons réussir ce tour du monde à l’énergie solaire. A chaque instant, il y a des risques d’accident ou de complications avec PlanetSolar. Alors nous faisons le maximum pour contrôler les situations difficiles.

Comment gérez-vous le faible ensoleillement?

Nous disposons de cartes d’ensoleillement qui nous délivrent des prédictions parfaitement fiables sur quatre jours. Notre système de navigation nous informe également des vents, des vagues et des courants. En fonction de toutes ces informations, nous adaptons notre vitesse et ralentissons si nécessaire. Au départ, dans l’hémisphère nord, nous avons connu quelques difficultés liées au faible ensoleillement et aux courtes journées. Maintenant que nous avons passé l’équateur, les conditions sont meilleures.

Dans quelques mois, vous vous trouverez dans l’océan Indien en pleine période de mousson d’été. Comment allez-vous faire face aux conditions météo défavorables?

La mousson est un élément très délicat à gérer pour tout type de bateau. Pour nous, ce sera encore plus compliqué parce qu’il y a énormément de vent et peu de soleil. Nous allons donc adapter notre route en fonction des fenêtres météo. Nous ne sommes pas à deux semaines près, s’il le faut nous retarderons notre arrivée.

Votre itinéraire vous mènera dans le Golfe d’Aden, célèbre pour ses pirates. Comment comptez-vous vous protéger?

Nous sommes conscients des risques dans cette région. Il est hors de question d’encourir le moindre danger pour notre équipage et le bateau. Selon les prévisions, nous devrions atteindre le Golfe d’Aden dans une année. D’ici là, toutes les dispositions seront prises. Notre capitaine Patrick Marchesseau est expérimenté, il était le capitaine d’un bateau français qui a été l’objet d’une attaque de pirates somaliens dans le golfe d’Aden en 2008.

La terre ferme et la Suisse vous manquent-elles?

Bien sûr. La terre ferme, le relief, les Alpes, tout ceci me manque. Mais je me réjouis surtout de retrouver ma famille et toute mon équipe qui travaille pour ce projet à Yverdon-les-Bains (VD).