On ne peut que souhaiter bon courage aux parlementaires qui devront, sauf psychodrame, départager le 14 décembre prochain le ticket socialiste. Profils médiatiques.
Au rythme où l’UDC enchaîne les revers, à Lausanne comme à Saint-Gall, l’entier du suspens, le 14 décembre prochain, lors du renouvellement du Conseil fédéral, pourrait se résumer à l’attribution de l’ultime et dernier siège — celui de Micheline Calmy-Rey.
Et donc à une insoluble, une angoissante question qui n’en finit plus de hanter les salles de rédaction. A défaut des arrière-salles de bistrots qui, elles, s’en tamponneraient plutôt: Maillard ou Berset, Berset ou Maillard. Comme on demanderait: lard ou cochon.
Les médias se sont bien lancés dans un méritoire travail de fourmi, à traquer la différence, mais les lascars ne se précipitent pas pour les aider. Sommés ainsi par un hebdomadaire spécialisé dans la vraie vie des vrais gens, de désigner un objet symbolisant la Suisse, les candidats ont eu un peu le même réflexe: gommer la première idée spontanée qu’on aurait pu se faire d’eux-mêmes.
L’objet suisse par excellence pour Maillard le fils de garagiste aux origines paysannes, ce sera donc «une montre à complications», et pour le plutôt bobo et l’assez fils à maman Berset, la livre de bon pain. L’un brandit le bling attaché aux montres hors de prix, l’autre le blang de la miche qui fleure bon son pesant de terroir.
Comme si être soi-même s’avérait rédhibitoire en politique ou insuffisant. L’un paraît vouloir faire oublier des origines prétendument trop humbles et l’autre un parcours qui ne l’aurait pas été assez.
Certes Maillard se rattrape assez vite aux branches ou plutôt à la grande aiguille, en décrétant les quadruples origines paysannes, ouvrières, étrangères et même anticapitaliste de l’horlogerie suisse.
Tandis que Berset verse dans un patriotisme boulanger digne d’un mitron UDC:«Quand je suis en voyage à l’étranger, je me réjouis de rentrer en Suisse pour pouvoir manger du pain. Il n’y a que chez nous qu’il est aussi bon.»
Nul besoin, pourra-t-on rétorquer, d’avoir fait psychanalyse en deuxième langue pour savoir que la montre symbolise l’urgence — nombre d’ONG l’ont choisie pour signifier la biodiversité en danger — ou le sens aigu du temps qui passe. Tandis que le pain renvoie à une sorte d’harmonie universelle et d’accord avec le monde, le cosmos et tutti quanti. Et que là, Maillard et Berset se retrouveraient chacun dans son rôle et costume attendus.
On voit bien qu’avec cette tocante à complications et la miche à croix blanche, personne n’est guère plus avancé. Il faut donc chercher ailleurs. Inutile de soupeser un quelconque programme, un catalogue d’idées générales: il est de tradition que les candidats au Conseil fédéral fuient ce genre d’incongruités comme un piège mortel. Tout juste Berset consent-il à évoquer le maintien des équilibres politiques et Maillard un plan énergétique cohérent. Et débrouillez-vous avec ça.
Reste le caractère. Ça tombe bien, un autre hebdomadaire, celui qui s’affiche «bon pour la tête», a dressé un précieux comparatif psychologique des deux papables du ticket rose.
D’où il ressort que l’un entretient un rapport charnel avec le pouvoir et l’autre a toujours rêvé d’être Conseiller fédéral. Que Pierre-Yves serait «solaire» et Alain «méditerranéen», ce qui, on en conviendra, ne va pas beaucoup aider les parlementaires à trancher.
Mais voici tout de même quelques menues différences: le vaudois serait un décideur impulsif quand le fribourgeois s’avèrerait un cérébral zen. Autre faille, émanant des fonctions respectives: le conseiller d’Etat est dans «le faire» et le conseiller aux Etats dans «la politique».
Autodérision pour l’un, humour british pour l’autre. L’un vousoie les journalistes, l’autre les tutoie. Allemand lacunaire pour Maillard, correct sans plus pour Berset. L’un parle «au cœur et aux tripes » quand l’autre ne fait «jamais dans l’émotion».
De quoi regretter ces temps simples où il fallait choisir, comme en 2003, entre une jeune et jolie femme et un vieux tribun réactionnaire.
