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Le savoureux numéro de cirque de la Suisse

Degré zéro de la politique ou spectacle nécessaire à la vitalité de la démocratie? Le renouvellement du Conseil fédéral, le 14 décembre, s’annonce riche en péripéties sanglantes. La Constitution n’en demande pas tant.

On en salive d’avance, n’est-ce pas? Avec les années et tout spécialement depuis 2003, le renouvellement du Conseil fédéral a pris valeur de spectacle incontournable, de numéro de cirque prisé des petits comme des grands, de corrida où l’assurance d’une mise à mort nous est quasi donnée.

Le rituel, il faut dire, est bien huilé, avec ses coups de clochettes dramatiques, ses verdicts insoutenables. Avec, aussi, des médias apoplectiques, s’escrimant à compter et recompter les bulletins valables et les pas perdus. A rendre épique et glorieux ce qui au départ l’est pourtant si peu.

Oui, le 14 décembre, on voudrait y être déjà. Avec cette élection qui semble grosse comme jamais d’embrouilles, de coups de théâtre et de couteaux entre les omoplates. Avec la promesse en somme de ce qu’il y a de moins ragoûtant dans la politique: l’intrigue partisane. Cette mainmise des partis sur un exécutif dont ils s’imaginent propriétaires de droit divin.

Alors que rien, comme on sait, absolument rien dans la Constitution, ne le dit ni même ne le suggère. Cette constitution qui n’exige que cela: un collège capable de se montrer, justement, collégial et de trouver des majorités aux Chambres.

On pourrait ainsi très bien imaginer d’élire de temps en temps, comme cela se fait ailleurs, une personnalité issue de la société civile. Rien en tout cas ne condamne d’office Widmer-Schlumpf et son manque d’appuis partisans, rien n’oblige non plus à la présence de deux UDC, ni même d’un seul. Ce serait même un peu le contraire: un parti, même le premier du pays, ayant fait de la rupture et de l’outrance ses deux chevaux de bataille, semble constitutionnellement peu recommandable.

Pas de quoi troubler, évidemment, Toni Brunner, le président de l’UDC, qui affirme tranquillement que deux blochériens au gouvernement cela garantirait au contraire la «stabilité politique dans un contexte économique, financier et social qui s’annonce mouvementé». Comme on soutiendrait sans rire que deux loups au lieu d’un dans la bergerie apporterait confiance et sérénité à des moutons sinon désemparés et sans défense face au vaste monde.

C’est pourtant aussi ce que dorénavant souhaitent les socialistes — Levrat et Maillard en tête — parlant «d’impitoyable arithmétique» pour justifier une représentation UDC bicéphale. Au détriment certes, dans leur fine stratégie, du radical Schneider-Ammann. Ce qui rendrait la pilule — la gauche roulant pour l’UDC– prétendument moins amère et donnerait au bal des faux-culs des allures de fête paroissiale.

Tout cela sent le troc et le trac, d’autant que l’UDC, elle, n’en veut qu’à un seul siège, celui de Widmer-Schlumpf, pour des raisons qui relèvent davantage de la monomanie et de la psychanalyse pour les nuls que de la grande politique.

Mais c’est à peu près, cette élection incertaine, cette misérable somme de petits calculs, le seul évènement de la législature qui saura passionner les foules. On pourra regretter que les morceaux les moins nobles de la politique apparaissent comme les plus savoureux. Déplorer jusqu’à plus soif l’incongruité de la politique spectacle en période de crise et s’offusquer de la sinistre certitude que ni le bien commun ni l’intérêt du pays ne joueront de rôle majeur dans les choix qui se seront fait le 14 décembre.

On pourra tout aussi utilement, si l’on a l’humeur optimiste, se consoler en se disant que la politique-spectacle du moins c’est encore de la politique, tandis qu’une politique sans le spectacle annoncerait le silencieux triomphe d’une bureaucratie sans visage.