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En avant vers la société à 2’000 watts

Cet ambitieux projet suisse veut nous aider à diviser par trois notre consommation énergétique. Une utopie? Pas forcément.

Vingt ampoules de 100 watts allumées en continu pendant un an: c’est la puissance énergétique que chaque citoyen consommera à l’horizon 2050. Du moins si la Suisse devient une «société à 2’000 watts». Avec la sortie du nucléaire, le projet ambitieux — voire utopique — a retrouvé toute son actualité.

«Deux mille watts, c’est l’énergie moyenne par habitant utilisée dans le monde, explique Laurent Horvath, expert indépendant en énergie et fondateur du blog cialis dosage how supplied. Mais une personne dans un pays en développement consomme quelques centaines de watts, alors qu’un Suisse atteint les 6’500 watts et qu’un Américain moyen dépasse les 12’000.»

En Suisse, le but de la société à 2’000 watts est donc de réduire la consommation énergétique d’un facteur trois — soit revenir à la consommation des années 1960. Elaborée par les écoles polytechniques, le PSI et l’EMPA, l’approche tient compte de tous les types d’énergie utilisés (électricité, pétrole, gaz, etc.) dans tous les domaines — de l’habitat aux transports en passant par le travail et les loisirs.

Une priorité: isoler les bâtiments

«L’objectif est certainement réalisable d’un point de vue technique, estime Jean-Louis Scartezzini, directeur du Laboratoire d’énergie solaire et de physique du bâtiment (LESO) à l’EPFL. La priorité est de réduire la consommation des logements, qui constituent la première source de dépense énergétique en Suisse.» Chaque habitant dépense 1’800 watts par an pour son logement, soit un peu moins de la moitié de son empreinte globale. Le projet des EPF exigerait de réduire à 500 watts la consommation liée au bâti.

Cette performance est largement atteignable dès aujourd’hui, affirme Jean-Louis Scartezzini. Le bâtiment dans lequel se trouve son bureau, le LESO, ne consomme qu’environ 300 watts par personne. Il s’agit pourtant d’un édifice vieux de trente ans, qui fut rénové en 1999. «La grande majorité des constructions peuvent atteindre une telle efficience énergétique, souligne le spécialiste. La vitesse à laquelle se diffuse le standard Minergie (20’000 bâtiments possèdent le label, ndlr) est très encourageante.»

Les trois quarts du parc immobilier suisse sont âgés de plus de trente ans et affichent une efficacité énergétique insuffisante. «Il faudra plusieurs dizaines d’années pour les optimiser», concède Jean-Louis Scartezzini. D’autant qu’actuellement, les régies ont peu d’intérêt à rénover les logements — puisque ce sont les locataires qui s’acquittent des charges. «Les prix actuels de l’énergie sont trop bon marché, affirme Laurent Horvath. Mais dès que les charges de chauffage auront atteint un niveau critique, elles influenceront les loyers car les locataires ne peuvent consacrer bien davantage qu’un tiers de leur salaire pour le logement charges comprises. Les propriétaires auront alors intérêt à rénover leurs bâtiments pour éviter de devoir baisser les loyers.»

Attention à l’effet rebond

Selon le Livre blanc détaillant le projet de société à 2’000 watts, 50 à 90% des économies pour-raient être réalisées dans les seuls secteurs de l’automobile et du bâtiment. Mais le concept est-il simplement compatible avec notre société de consommation? «L’amélioration des techniques ne suffira pas, prévient Heinz Gutscher, professeur de psychologie sociale à l’Université de Zurich. Il faut faire attention à ce que nous appelons l’effet rebond: améliorer l’efficience énergétique permet d’économiser de l’argent, mais celui-ci est réinjecté dans d’autres services qui eux consomment de l’énergie. Par exemple, l’interdiction des ampoules à incandescence va forcer les gens à se tourner vers des ampoules basse consommation. Mais ils en achèteront davantage et les laisseront plus souvent allumées. Et au final, la consommation globale ne diminue pas.»

«De tels changements de comportement exigent une forte motivation pour être mis en pratique, poursuit Heinz Gutscher. Il faut être conscient de leur nécessité ainsi que des alternatives. Tant qu’un individu peut garder ses habitudes, il fait tout pour ne pas les changer. Des personnalités devraient être mises en avant comme modèles afin d’aider à propager les nouvelles normes.»

Reste la méthode du portefeuille. «Plus les prix de l’énergie vont augmenter, moins les citoyens et les entreprises vont gaspiller, prédit Laurent Horvath. Les automobilistes européens ont parcouru 2% de kilomètres en moins depuis le début de l’année, une tendance qui s’est imposée le plus naturellement du monde grâce à l’augmentation des prix.»

L’inquiétude de l’économie

«La Confédération et les cantons, ainsi que les associations professionnelles comme les SIA (Société suisse des ingénieurs et des architectes), ont toujours combiné mesures incitatives (subventions, déductions fiscales, etc.) et contraignantes (règlements de construction), poursuit Jean-Louis Scartezzini. Mais la situation est urgente et il faudra mettre en œuvre d’autres moyens tels qu’une augmentation de la taxe CO2 et des subventions des énergies renouvelables.»

De quoi inquiéter les milieux économiques. «Je ne suis absolument pas contre la société à 2’000 watts, mais il ne faudrait pas que des obligations légales affaiblissent la compétitivité de la Suisse, prévient Pascal Gentinetta, directeur d’economiesuisse. Notre pays ne doit pas faire cavalier seul dans ce domaine, sinon nous risquons de subir des délocalisations.» Une menace que réfute Dominique Bourg, philosophe de la décroissance: «En devenant pionnière, la Suisse prendrait de l’avance sur un standard qui a toute chance, à terme, de s’imposer partout. Mais personne ne sait quand.»
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Une version de cet article est parue dans le magazine Reflex (no 16).