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L’UDC vaincue par un système bien plus plus suisse qu’elle

Avec la reconduction des sortants et l’élection d’un homme du sérail, les chambres ont choisi le Conseil fédéral le plus sage possible. Pour un pays désormais aux mains du centre-droit et de la gauche.

Les amateurs d’émotions fortes se seront donc levés pour rien ce 14 décembre. La matinée aura accouché d’un Conseil fédéral consensuel au possible, avec la concrétisation rapide du scénario le plus attendu.

La faute d’abord à une stratégie UDC d’une pauvreté confondante. Quel sens, en effet, pouvait-il y avoir de présenter, contre des sortants ayant certes fait diversement leurs preuves, mais n’ayant pas non plus complètement démérité, des candidats fantômes comme Hansjörg Walter ou folkloriques comme Jean-François Rime?

A quoi bon, ensuite, s’indigner, trépigner, pleurnicher et parler en boucle de frustration, de colère? A quoi bon rabâcher le couplet de la concordance, l’antienne de l’arithmétique? Comme si l’arithmétique suffisait à garantir l’onction de sous-fifres au détriment de personnalités avérées. Comme si la concordance pouvait s’accommoder de l’insulte permanente et du mépris affiché.

Les radicaux de leur côté peuvent s’estimer heureux d’avoir conservé leurs deux sièges, qu’ils doivent sans doute davantage à la faiblesse des candidats UDC qu’aux flamboyants exploits de leurs deux ministres Burkhalter et Schneider-Ammann.

L’alliance des durs, des faucons et autres casques à boulons — l’UDC et l’aile musclée du parti radical, autrement dit la droite scrogneugneu — a peut-être trouvé ce matin-là sa sinistre conclusion. Les radicaux y regarderont désormais à deux fois avant de s’acoquiner avec des hordes blochériennes dont ils peuvent se croire proches. Alors qu’au fond, à bien y regarder, un abîme les sépare. Un gouffre qui n’a cessé de se creuser entre un parti se voulant celui de la responsabilité, du consensus, de la réflexion, et une formation qui a fait de la confrontation, de l’émotion et de la politique spectacle son style premier, sa manière d’être.

La seule surprise in fine de ce scrutin sous contrôle est peut-être que Pierre-Yves Maillard n’ait pas existé un seul instant face au bulldozer Berset. Malgré «la campagne de contenu» du Vaudois, comme il l’a qualifiée lui-même, malgré aussi sa convaincante expérience de ministre cantonal.

La victoire sans discussion de l’apparatchik fribourgeois surprend par sa netteté. Surtout de la part de quelqu’un qui, comme Alain Berset, n’aura guère connu autre chose qu’une existence confinée sous la Coupole, dès l’âge de 31 ans. Plutôt maigre en guise de vécu.

Il est vrai qu’avant de devenir la plus brillante membre du collège gouvernemental, plébiscitée comme jamais par les chambres avec une réélection soviétique, une Doris Leuthard elle aussi n’était guère répertoriée que comme cheffe de meute et collectionneuse de chaussures.

Et puis l’élection du rassurant Berset contre le pugnace Maillard s’inscrit dans la droite ligne de cette matinée sans vague, ni remous. Et sans qu’il faille forcément, comme une Cesla Amarelle, voir dans ce choix timide la grosse mains des méchants lobbies — l’industrie pharmaceutique, les télécoms, les assureurs maladie, on en passe — prétendument plus favorables à Berset qu’à Maillard.

A la fin, c’est en tout cas un gouvernement complètement, authentiquement suisse qui est sorti des urnes parlementaires. Tout en nuance, équilibre et compromis, et se résumant à une alignée de gentils et tranquilles premiers de classe. Au détriment d’une UDC dont le paradoxe est de revendiquer sa suissitude à longueur de journée et d’agir depuis des années contre l’esprit des institutions et un système helvète qui prohibe coups de gueule et d’éclat.

Un système qui aura peut-être porté au parti de Blocher, ce 14 décembre, après deux décennies d’intense guérilla subie, un coup sinon fatal, du moins sévère et plombant son avenir pour longtemps. Dans la configuration actuelle et dans l’atmosphère ambiante, ne reste en effet guère qu’une question: à quoi donc désormais peut bien servir l’UDC?